Les tribulations d’un pêcheur en vacances

siennesoulles-100916-1Comme tous les ans, je m’autorise (comme disait Coluche) quelques jours de congés à la fin du mois d’août.
J’essaye, dans la mesure du possible, de concilier loisirs en famille avec quelques sorties pêche.

Habituellement, je me débrouille pour avoir à proximité un plan d’eau, ou quelque chose dans le genre.
L’année dernière, dans le marais poitevin, j’étais servi, ayant loué une ancienne maison d’éclusier : Mise à l’eau du PortaBoat au pied de la porte d’entrée, les black-bass n’avaient qu’à bien se tenir… Sans oublier le lac de Mervent à une encablure, le paradis sur terre.

Pour cet été, changement de destination: Ce sera le Cotentin, côté Est, un peu au dessus du Mont St Michel. C’est un coin que je ne connais pas du tout, mais qui m’a été plus que recommandé par un sympathique stagiaire originaire de la région.

Caressant toujours l’espoir d’une sortie « mer » en bateau avec un guide, je me suis mis en quête de trouver quelque chose sur place, ou tout du moins, à proximité. Force est de constater que la profession semble mal se porter : Déjà l’année dernière, la sortie avait avorté suite à une tempête, et le guide que j’avais trouvé à La Rochelle m’avait expliqué qu’il arrêtait l’activité, et vendait son bateau: Le poisson se fait de plus en plus rare, et les sorties se soldent de plus en plus par des prises de (trop) petite taille, quand ce n’est pas capot général.

Les deux guides que j’ai trouvé avec internet à proximité de mon lieu de villégiature se révèlent être des tuyaux percés: Dépôt de bilan pour l’un, et cessation d’activité pour l’autre … C’est navrant.

N’ayant aucune connaissance de la pêche en mer, et, de plus, ne possédant pas le matériel adapté pour cette activité, Il va falloir trouver un plan « B ».

Le Cotentin regorge de kilomètres de rivières de première catégorie, riches en truites, voire en saumons … Et la truite en ruisseau ou petite rivière, je connais, c’est dans mes compétences.
Après étude minutieuse de la région (merci Géoportail), lecture attentive des infos et documents de la fédération de pêche de la Manche, Youtube et autres forums, c’est vendu: Lancer léger (cuillères et petits leurres), voire mouche si c’est possible (avec mon niveau de palm, il me faut des endroits plutôt dégagés …) me permettrons d’assouvir ma passion.

Avant toute chose, et surtout sur des parcours du domaine privé, j’aime à prendre un contact sur place. Coup de téléphone au président de l’aappma qui semble la plus proche de mon lieu de résidence, afin de prendre la température, et de glaner quelques infos utiles:

« – Allô, bonjour, je suis en vacances dans le coin à la fin du mois d’août, et je souhaiterais pouvoir pêcher chez vous pour une ou deux sessions matinales.
– Oui, je comprends, mais nous somme en fin de saison, mon bon Monsieur, et vous ne ferez pas (plus?) de poisson. De plus, la carte de pêche vous coûtera quand même 60 euros, est-ce bien raisonnable ?
– Ah, comment cà ?
– Vous devriez aller voir l’aappma d’à côté, ce sera sûrement mieux.
– Mais, j’ai déjà une carte de pêche, et une carte hebdomadaire ne devrait pas être à plus de 20 euros …
– Chez nous, il n’y a pas de carte hebdomadaire, ni de carte à la journée. Je vous aurai prévenu. Bonne journée, au revoir. »

… Je viens de me faire jeter… Poliment, certes, mais jeter tout de même: Pas d’ess-trangers chez nous, c’est nos truites, point barre.
Si j’avais insisté un peu, je pense que le dernier argument à m’opposer aurait été que le dépositaire n’a plus de cartes, ou a pris ses congés … Désolé.

En tant que secrétaire de mon aapma, cet état d’esprit m’interpelle quelque peu. Si encore je m’étais adressé à une société de pêche privée (comme il y en a quelques une par chez moi), bon à la limite… Mais de la part d’une appma, je ne comprends pas qu’avec une telle mentalité, ils aient encore leur agrément.
Pour un premier contact, c’est plutôt mal engagé.

Nouvelles recherches, et je dirige mes investigations vers l’aappma du bassin de la Sienne, cette rivière légendaire de Normandie. C’est un peu éloigné de mon lieu de villégiature, mais le linéaire de rivière à disposition est vraiment très important.
Je me risque à appeler par téléphone Monsieur Delamarche, le président de cette aappma. J’y vais avec des pincettes, ayant encore en souvenir mon cuisant dernier contact local.

« – Allô, bonjour, je suis en vacances dans votre région à la fin du mois d’août, et je souhaiterais pouvoir pêcher chez vous pour une ou deux sessions matinales.
– Mais pas de problèmes, nous avons de la première catégorie, de la seconde, des plans d’eau… Que souhaiteriez vous pêcher ?
– De la truite … »
Et j’ai droit à toutes les explications: Les zones de réserves, les parcours particuliers, l’adresse des dépositaires, les bons conseils sur les rivières locales, les accès, la réglementation… Vous devriez aller ici ou plutôt là, ce sera plus facile si vous ne connaissez pas le coin, etc etc … Et n’hésitez pas à me rappeler si vous avez d’autre questions.
Une seule contrainte : Prendre une carte hebdomadaire (19,20 euros …), ou le timbre Egho : Normal, quoi ?
Une aappma (et son président) vraiment au top !!!

Suivant les conseils de Monsieur Delamarche, mes premières sorties se feront sur la rivière « La Soulles ».
Au départ, c’est un peu la galère : Je suis en plein dans le bocage normand, avec un dédale de petites routes qui ne sont pas toutes répertoriées sur ma carte, qui n’est pas assez détaillée (de plus, je n’ai pas accès à internet sur mon lieu de résidence). Mais on se débrouille, et à force de tournicoter, je trouve un point d’accès à la hauteur d’un pont. La pancarte de l’aappma est apposée sur la rambarde, c’est tout bon !!!

La soulles, qui est à l’étiage en cette saison, est vraiment une rivière magnifique, très agréable à pêcher. Elle court et serpente au fond d’un vallon, avec une succession de méandres très marqués. L’eau, bien que très claire, est comme un peu tourbée (cela me rappelle l’Irlande), et prend une belle couleur cuivrée sous les rayons du soleil, ce qui ajoute au charme de ce cours d’eau.
Mais cette rivière est également pleine de pièges : Dans les sous bois, le manque de luminosité dissimule le fond, et je me suis plusieurs fois retrouvé avec de l’eau plein les cuissardes, ayant été un peu optimiste quant à la longueur de mes jambes …
En outre, le biotope est très différent de ce que je côtoie habituellement dans les Vosges. On a droit ici à une succession de radiers rapides, de zones très granitiques et enrochées, suivis de secteurs très calmes avec des fonds profonds et plus « vaseux » (je n’ai pas trouvé d’autre terme, à prendre avec modération …) De plus, les berges, plus hautes que moi par endroit, me laissent à penser qu’au moment des crues, ça ne doit pas trop rigoler tous les jours.siennesoulles-100916-3

La truite normande se montrera assez peu coopérative, et très rusée: Il faut dire qu’elle a du en voir passer depuis le mois de mars. Néanmoins, avec ma femme, nous ponctuerons ces deux (trop courtes) sorties sur la Soulles avec une bonne douzaine de poissons au sec, dont plusieurs maillées, sans être exceptionnelles toutefois.siennesoulles-100916-4

Je ne pouvais pas rentrer chez moi sans avoir essayé de me frotter aux truites de la Sienne.
Ce petit fleuve côtier (80 km de long tout de même) offre tout ce qu’il faut à un amateur de pêche à la truite, et sa réputation n’est plus à faire.

Je profite de me lever très tôt un matin pour aller faire un petit repérage. Le reste de la maisonnée dort encore lorsque je m’éclipse discrètement, et je rapporterai les croissants tout à l’heure.
Comme précédemment, j’ai du mal à trouver un endroit accessible. Après moult hésitations et demi-tours, je finis par me garer au bord de l’eau.
Légèrement en amont, un pêcheur à la mouche officie. Je l’observe discrètement, puis je remonte à pied par la route la rivière sur quelques centaines de mètres. Le coin me paraît sympa. De retour, je me permet d’accoster le disciple de St Pierre :

« – Bonjour, J’ai ma carte de pêche, on peut pêcher quelques truites par ici ?
– Attention, ici c’est c’est un parcours Nokill/Mouche/Sans-ardillon … Si vous voulez attraper du gardon, il vous faudra aller plus bas, en deuxième … Je sais de quoi je parle, je suis garde-pêche.
Le doute s’installe : Je sais qu’il y a des parcours particuliers sur ce cours d’eau, mais il me semblait qu’ils étaient bien plus en amont. Comme je ne suis pas vraiment sûr, j’essaye d’avoir un peu plus d’explications.
– C’est à dire que je suis plutôt ici pour la truite aux leurres…
-Mais pas ici, Monsieur. Allez voir à Hambye, il y a des panneaux explicatifs. »

Comme je ne souhaite pas vraiment me faire aligner pour non respect de la réglementation locale, me voici reparti sur les routes.
Pour info, l’abbaye d’Hambye est une magnifique construction bénédictine gothique, sise au bord de la Sienne. Elle est, entre autre, le point central d’un magnifique parcours « mouche-NoKill» (je le saurai plus tard …).

Je finis par trouver les panneaux, mais je suis encore plus dans le doute. Les distances annoncées pour ce parcours particulier ne semblent pas correspondre avec mon compteur kilométrique… Impossible de joindre par téléphone monsieur Delamarche (je suis en vacances, mais d’autres travaillent, eux …).
Je tente ma chance auprès de la fédération de pêche de la Manche, afin d’éclaircir la situation. Le verdict est sans appel : Je me suis fait enfumé par l’autre blaireau. Décidément, le pêcheur normand est peu prêteur de ses coins de pêche !!!

Le chemin du retour passe par Coutance, et j’en profite pour m’arrêter au « Magasin Vert », qui est un des dépositaires de l’aappma du bassin de la Sienne-Soulles. Pour un magasin dédié aux loisirs « verts », je doit avouer que le rayon pêche est plus que fourni, que ce soit en diversité ou en qualité, et avec des tarifs vraiment raisonnables.

Le responsable du rayon pêche est en grande discussion avec un client à propos de la pêche du bar. Il a l’air de connaître son affaire, et j’attends patiemment mon tour en furetant dans le rayon leurres.

« – Bonjour, je souhaite pêcher la truite sur la Sienne, mais un (soit-disant) garde-pêche m’a mis en garde concernant la réglementation locale.
– C’est pas possible !!! A cet endroit, il n’y a pas de problèmes, vous pouvez pêcher à tout ce qui est autorisé en première. Le parcours mouche est à Hambye. Encore un qui raconte n’importe quoi, et qui veut se garder les poissons pour lui tout seul (sic).»

A la suite de quoi, il me déplie sur le coin du comptoir une carte de la région pour me montrer ou pêcher, m’indique des points d’accès, me donne quelques conseils et me tend dans la foulée le dépliant de la fédé 50 :

« – Avec tout ça, vous pouvez y aller, bonne pêche !!! »

C’est net, clair et sans bavures. Avant de repartir, je me prends une paire de leurres Z-claw que l’on ne trouve pas souvent par chez moi (ils me serviront pour l’aspe …). C’est le moins que je puisse faire après une telle sollicitude.

De retour au bord de l’eau le lendemain matin avec mes cuissardes et ma canne, me voici prêt à affronter la truite locale.

La Sienne, à cet endroit en tout cas, est une rivière beaucoup plus large que la Soulles. On se situe dans une moyenne de 6 à 8 mètres, avec des courants assez marqués. L’eau est également un peu teintée, comme du thé, et le sous bois ne me facilite pas la tâche, que ce soit pour accéder au bord de l’eau ou pour tenter de lancer mes leurres au bon endroit sans me prendre une branche.siennesoulles-100916-2

La pêche va s’avérer pour moi beaucoup plus difficile que sur la Soulles. Qui dit rivière plus large, dit aussi plus profonde. Du fait de la hauteur des berges, qui sont très abruptes, je suis obligé de progresser les pieds dans l’eau. A plusieurs reprises, de profonds remous m’obligent à devoir escalader le talus, me retrouvant le nez dans les ronces, quand ce n’est pas en tête à tête avec une bonne normande occupée à brouter au bord de l’eau…

C’est mon dernier jour de vacances, il fait plein soleil, et je m’applique du mieux possible, afin d’en profiter au maximum. Mais seules quelques truitelles se laisseront tenter par mes leurres et petites cuillères … Cette rivière mérite néanmoins le détour, dommage que je ne puisse pas l’explorer un peu plus en amont. Il est déjà midi, et je doit regagner mes pénates.siennesoulles-100916-1

Je suis vraiment très satisfait de mes petites sorties sur ces deux magnifiques cours d’eau. Ils auraient mérité un peu plus de temps, mais la pêche n’étant pas la finalité principale de mes vacances en famille, il faudra s’en contenter.

Je tiens à remercier Monsieur Delamarche, le président de l’aappma du bassin Sienne-Soulles pour son accueil et ses conseils, la fédé 50, qui a su répondre à mes questions, le sympathique responsable du rayon pêche du Magasin Vert de Coutance, qui a pris le temps de me donner de bonnes explications. Quant aux deux autres, …

Si vous passez dans le coin, il ne faut pas hésiter à venir tenter votre chance dans ces magnifiques rivières …

Et de plus, en dehors des produits de la mer, j’ai eu l’aubaine de goûter la très fameuse (véritable) saucisse de Belval-Gare, une institution locale, dans un drôle de restaurant à Blainville sur Mer … Mais c’est une autre histoire.

AB

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