Exercices de styles halieutiques

pecheur-settons-010512-4Peut être connaissez vous Raymond Queneau, un auteur Français qui a écrit il y a quelques décennies un livre titré « exercices de style » où il raconte toujours la même histoire mais en l’écrivant avec des styles différents. J’avais adoré ce bouquin lorsque je l’ avais étudié au lycée.  Je n’aurai pas la prétention de  faire aussi bien mais une récente envie de bousiller de l ‘anglicisme à outrance qu’on trouve des les écrits halieutiques m’ a donné l’idée de cet exercice.

Je vais donc tenter de vous raconter une partie de pêche telle que j’aimerai la lire et telle que je détesterai la lire.

L’histoire est simple,  un pêcheur part au brochet en barque un matin de printemps et prend un poisson correct.

 

Version telle que j’aime :

Il est 5h30 du matin en cette fin juin où les fortes chaleurs ont fermé la gueule des brochets les plus féroces  depuis quelques semaines. Installé confortablement dans mon siège moelleux à l’ arrière de ma barque, je regarde cette lumière orangée si caractéristiques des aubes estivales, une lumière douce et chatoyante qui annonce en mon être l’ espoir d’une fantastique journée.

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L’ ami patoche est là avec moi ainsi que Cathy qui nous sert un café fumant dont les volutes se marient à la petite brume matinale qui nimbe la surface  de l’eau.

Je navigue doucement, le bruit du 6 v dérange cette nature encore endormie où les merles s’égosillent comme s’ils voulaient absolument être entendu de tous. La houle crée s’en va tranquillement s’ échouer sur la plage en un bruit qu’une fois un copain avait pris pour une chasse de perches, j’en ris encore.

Je croise quelques amis, confortablement installés pour une pêche au vif, un petit signe de la main de loin pour ne pas les déranger dans leurs affaires.

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Une myriade de poissons blancs gobent les premières éclosions sur un lac où aucune vague hormis la mienne ne ride le miroir de la surface. Je prends la direction d’une petite baie à la profondeur moyenne, j’espère du fond du cœur que le brochet qui m’a suivi là il y a quelques jours n’a pas été pris. Il était superbe ce jour là sous un grand soleil.  Sortant d’un buisson submergé, il avait foncé sur mon spinnerbait mais s’était ravisé au dernier instant et n’avait fait que suivre ce leurre jusqu’au bateau. Les marbrures vertes de son dos, le nez pointu juste derrière mon leurre, le demi tour rapide mais la fuite nonchalante vers son buisson resteront gravés dans ma mémoire.

Mais voilà que j’arrive sur le poste. Je coupe le moteur à 50m et Patoche déploie l’ électrique. Tout le monde a déjà préparé son matériel lors de la navigation en sirotant le café brûlant. Le soleil commence à vouloir percer l’ horizon, dans une heure il fera chaud mais en cet instant la fraîcheur matinale tente de résister à ses assauts, nous faisant frissonner sous nos tee shirts.

25m du poste, le bateau glisse à petite vitesse sans un bruit. Patoche à l’avant lance son spinnerbait préféré, maintes fois tordu par les bagarres avec ces diables verts.  Cathy est à la lame et j’ attaque au poisson nageur. Au second passage, pile sur le poste, je vois du coin de l’ œil le bras de mon vieux coéquipier ferrer énergiquement avant qu’il n’annonce « pendu ». La canne plie, le frein du moulinet chante et Patoche se tourne vers moi avec un grand sourire ! Dans la barque c’est l’effervescence, Cathy tente d’attraper l’ épuisette dont le filet s’est une fois de plus accroché, et moi pauvre reporter j’essaye d’immortaliser ce combat avec mon appareil photo.  Patoche exulte, Cathy est prête, je mitraille malgré le contre jour tout en pilotant le moteur électrique. Le brochet furieux d’ avoir été leurré se défend comme un diable, il tente de rejoindre son buisson mais mon vieil ami connaît la musique et sait contrer ces départs en déséquilibrant le poisson. Bien vite le brochet est emmailloté dans l’épuisette et hissé sur le bateau. Tout le monde est heureux, le bec est vite décroché et devient la vedette de mon appareil photo pour une série de clichés qui mettront en valeur son énorme tête, son corps massif, son splendide coloris.

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Mesuré, soupesé, Patoche le déposera délicatement dans l’eau avant qu’il ne rejoigne tranquillement le fond du lac où il aura tout le temps de réfléchir à sa mésaventure.

Et là, sur la barque, ça chambre entre potes ! T’as failli le décrocher ! T’as un mètre de mythomane !  Et pour l’ auteur de la prise « c’est qui le taulier, hein ? »  « Allez je paye mon verre de blanc ! ».  Nous continueront un peu la pêche jusqu’à 11 heures, longeant les bordures à la recherche d’un carnassier actif mais ceux ci semblaient être atteint d’ apathie estivale. Pas grave, la pêche était faite avec ce beau poisson matinal, nous aurons bien l’ occasion de revenir dans ce superbe lac où les falaises succèdent aux plages, où les forêts de feuillus offrent cette ombre protectrice  sur les bordures, où au détour d’un coude on se prend à penser qu’on est des explorateurs navigants  à l’autre bout du monde dans une contrée sauvage.

Une bien belle partie de pêche qui se conclue de fort belle façon, une sortie idéale où l’on oublie les vicissitudes de notre monde.

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Et la version telle que je l’ abhorre :

Huit heures du mat, le red bull est vite digéré avant que Ted ne recule le Nitro  sur la cale. Le Mercury rugit de joie de retrouver le shore morvandiau. Hier j’ai passé deux heures à spooler ma nouvelle tresse Prédatix sur mes reels, ça va arracher la gueule des pikes.

Teddy enfonce la manette des gaz et c’est parti pour un run de fou sur les deux kilomètres du lac des Settons. Arrivé au milieu, il y déjà du viandard qui matraque le spot  au vif, Ted passe au ralenti pas loin d’eux et leur envoie une maxi vague, ça va les réveiller les papys !

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Nous naviguons en zig zag sur la zone et d’un coup une belle détection s’affiche sur l’ Helix 12 pouces, on affine au max les données avant de poser un waypoint et d’ aller se poster à proximité.

J’ai choisi pour cette journée quatre combos castings, deux MH d’ action fast de chez Shimaïwa  et deux M extra fast de chez Tenryllex ? Pas besoin de puissance, les pikes du Morvan sont des riquettes, ils n’ont pas le temps de grossir, ils sont bouffés avant.

Je monte un swim BBY en 7 inch qui va pêcher en shallow sur ce haut fond, coloris hot perch et je cast.  Au bout d’une demi heure zéro touches, on replie pour les bordures.

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Nouveau run du nitro pour une anse en flat, maxi 6 pieds de hauteur d’ eau. Il commence à faire chaud, heureusement que mon tee shirt compétition orné des logos des grandes marques me permet d’être à l’ aise. Casquette rapeur Owner, que j’ai acheté  60 euros la semaine dernière, visée sur le crane, polarisantes chaussées, je guette le flat à la recherche d’ activité.

Je jette mon dévolu sur un TNZ 850 de Mégazand, un lipless shallow en coloris bone qui va bien ressortir du fond marron. Mon combo MH équipé d’un profil bas avec un ratio de 6,5:1 devrait bien s’ accorder avec le leurre. Teddy a pris l’ option souple de 7 pouces en texan weightless qu’il va pitcher sous le cover.

Sur un lancer pleine eau, BAM !! C’est la touche.  YATA !! Le pike fait un rush de malade mais la canne 7 pieds et le moulin bien serré le contre rapidement . Vite je le treuille pour le ramener au bateau pendant que Ted déplie le tapis gradué. Je le saisi à la main, pas d’ épuisette pour les sportifs en plus ça enlève le mucus du fish et ça peut le tuer.

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Le pike mesure un 80 up, le moment est immortalisé sur la Gopro et je la poste direct sur FB grâce à la connexion Wifi du boat à Ted.

Le broc repart dans un rush rageur, espérons que les vieux n’ont rien vu et qu’ils en viendront pas casser du pike dès notre départ. Ted me félicite et cette sortie se conclue devant une Despé  quand le  bass boat a été remis sur la remorque.

On reviendra vite en espérant les mêmes conditions pour tester de nouveaux montages et des leurres japonais que Ted devrait recevoir d’ici peu.

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Quelles sont les différences que j’ai voulu mettre en relief ? Hormis l’utilisation de tous ces anglicismes, dont certains qui n’ont pas de traduction en France, l’histoire numéro un raconte une partie de pêche dans un joli cadre qui se conclue par un brochet, la deux raconte une prise de brochet.

Dans la une on se fout de la taille du poisson, dans la deux il n’y a que ça qui compte. Dans la une on se fout du matériel, dans la deux il n’y en a que pour lui… Dans la deux on se fout du cadre, dans la une c’est un élément important.

Deux façons de voir la vie ou la pêche, deux façons de raconter une histoire mais laquelle fait le plus rêver et donne envie d’y aller ?

Gardez la pêche

 

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