Ni pour ni contre les lâchers de truites des AAPPMA

truites ternin 050414 (15)Avec l’ouverture de la truite qui approche, un nombre incalculable de kilos de truites de piscicultures vont être lâchées dans la nature occasionnant joie pour certains et grogne pour d’ autres.

Ces manches courtes, bassines, truites de cirque…ne sont là que pour être le plus rapidement prises mais avec la mode actuelle de la conscience écologique, nombre de voix s’élèvent contre ces lâchers.

Qui a tort, qui a raison ? Voyons les arguments des deux parties pour que chacun se fasse sa propre opinion.

Du coté des opposants aux introductions de poissons de pisciculture dans des rivières  sauvages on retrouve des arguments qui sont opportuns.

Le pêcheur désire t’il aller à la pêche en rivière comme aller à la pêche dans un étang de pisciculture ? La notion de rivière sauvage est un biotope qui se mérite, se découvre, s ‘ admire, les truites ne doivent pas y être faciles mais sauvages et farouches et le pêcheur devra user de tout son art pour les prendre.

Ce point de vue est très honorable mais il met de coté nombre de pêcheurs en ne laissant la rivière qu’aux passionnés entre 15 et 50 ans, en dessous ce sera trop technique pour les gamins, au dessus les pêcheurs n’auront peut être plus la condition physique requise pour ces milieux.

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Les truites réintroduites sont voraces et vont piquer la nourriture des locales, ainsi à terme elle seront la cause du déclin des populations de farios autochtones qui mangent moins et grossissent moins vite.

Cet argument est plutôt faux, certes la fario de pisciculture est habituée à se nourrir rapidement et en grande quantité à cause de la concurrence exacerbée dans les bassins de grossissement mais en rivière elle va se retrouver face à un milieu inconnu où la nourriture se fait rare quelquefois. La grande majorité des truites d’élevages sont prises dans les deux semaines après le lâcher, il n’en subsiste que très peu qui peuvent alors profiter du milieu sans nuire à celles de souche.

Les truites introduites étant des farios, elles peuvent se reproduire avec les autochtones et ainsi appauvrir le capital génétique, à terme c’est la disparition programmée des souches spécifiques de truites de rivière qu’on trouve en tête de bassin.

Presque faux, des études ont été menées dans des rivières ou cohabitent souches et lâchées, années après années les relevés d’ ADN  n’ont pas fait apparaître d’hybridation systématiques ou de baisse de nombre de poissons sur les souches spécifiques. Il semblerait que les truites de piscicultures ne soient pas enclines à frayer en tête de bassin laissant alors la place aux autochtones dont la nature leur a donné cette spécificité

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Le risque sanitaire est énorme, on introduit dans des milieux préservés des poissons peut être porteurs de maladies qui pourraient décimer nos truites, l’exemple des rivières du Jura est parlant.  Vrai mais à nuancer, dans le cas du jura ce qui tue les poissons est un champignon ( la saprolegnia) qui attaque les poissons affaiblis mais affaiblis par quoi ? Fraye, réchauffement climatique, maladies importées ?

Il est vrai que les reproducteurs en pisciculture sont souvent atteints de saprolégnia, et comme une pisciculture n’est pas en circuit fermé, l’exploitant est limité dans sa possibilité de traiter aux médicaments. Quelquefois les poissons viennent de loin et ils peuvent être porteurs de pathologies encore inconnues chez nous et bien que les élevages soient agrées et visités par les autorités vétérinaires on ne peut exclure un soucis d’ hygiène.

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Du coté des pêcheurs favorables aux introductions on trouve aussi des arguments pertinents :

Il faut soutenir la fraye des truites qui se fait de moins en moins bien chaque années en alevinant massivement avec des truitelles et des truites portions. De plus les truites de pisciculture détournent la prédation des pêcheurs vers ces poissons plus faciles à attraper, ainsi les autochtones sont relativement épargnées.

Argument qui se tient  mais lorsque les farios de souche rentrent en activité, elles mordent autant que les manches courtes et la majorité des pêcheurs ne sait pas différencier une truite sauvage d’une de pisciculture.

Il faut lâcher des poissons pour qu’il y ait des pêcheurs, ce sont eux qui grâce à leurs cotisations font que les AAPPMA peuvent s’occuper des rivières. Sans pêcheurs, plus d’ actions de nettoyages, de continuité écologique et à terme plus de truites. Qui s’occupera de gérer la pêche ?

Objectivement c’est un argument un peu trop gros… Si on arrête de pêcher, indubitablement la rivière redeviendra sauvage et les truites reviendront en nombre mais doit on mettre en balance une rivière sauvage et des pêcheurs, si oui il faut arrêter la pêche !

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Les lâchers de truites sont aussi un moyen de lien social, de démocratisation de la pêche, l’ouverture est un moment magique ou tous se côtoient, jeunes et vieux. C’est ça qui attire les débutants à la pêche et la majorité des pêcheurs ne veut que prendre du poisson sans se prendre la tête.

Effectivement c’est vrai, la très grande majorité des pêcheurs se fout totalement du patrimonial et ne veut que ramener quelques poissons à la maison et c’est la majorité qui commande. Une ouverture sans lâchers c’est moins folklo et moins sympa, c’est plus affaire de spécialiste mais on ne peut pas obliger les gens a être spécialistes.  Et les bénévoles des AAPPMA acceptent de bosser gratuitement  pour ce genre de journées, pour faire plaisir à tous et pas à deux/trois pêcheurs seulement.

Quelles solutions pour essayer de concilier la chèvre et le chou : pisciculture patrimoniales ? Gestion patrimoniale, parcours no kill….Un peu de tout ça me semble être possible.  Dans mon secteur il y a quelques années on pêchait les reproducteurs en tête de bassin pour les faire pondre en pisciculture et faire éclore leurs œufs puis on relâchait les alevins mais ce fut un échec. Ca ne faisait pas remonter les populations et cette opération a été abandonnée.

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Les parcours No Kill sont une bonne idée mais on a pas encore assez de recul pour savoir si la reproduction et le développement des populations y est plus important. Je vais encore rendre hommage à mon AAPPMA qui bien avant mon arrivée avait mis un tiers du parcours en réserve, un tiers en gestion patrimoniale et un tiers avec des lâchers afin de soutenir les populations tout en laissant l’opportunité de pêcher soit des bassines soit des sauvages dans un cadre plus sauvage lui aussi.  Je ne dis pas que cette méthode est la meilleure mais elle me semble arriver à concilier le tout sans être parfaite mais en faisant plaisir à tout le monde.

Il y aura toujours des pro et des anti lâchers, tout est question de la  philosophie propre à chaque pêcheur. On pourra se battre à coup d’ arguments sans arrêt mais ça ne changera pas grand chose. La limitation de 3 farios par jour dans mon département provoque un tollé, ça n’ amènera qu’une augmentation de lâchers de saumons de fontaines et d’ arc en ciels au détriment de farios, pourquoi pas ?

Gardez la pêche

 

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