A la recherche des brochetons du Bief Colas…

Dans un  article précédent, je vous présentais le fonctionnement des frayères à brochet. La fin du printemps marque alors le retour à la rivière pour les petits brochets. C’est le moment d’effectuer des pêches d’inventaire.

Rendez-vous était donc pris avec l’équipe de la Fédération ce mercredi 6 juin pour pratiquer une pêche électrique d’échantillonage sur la frayère du Bief Colas gérée par notre AAPPMA le Goujon Cuiserotain. L’objectif est simple: contrôler la reproduction des brochets cette année.

Autant vous dire que c’est un moment que j’aborde avec beaucoup d’espérance mais aussi beaucoup d’inquiétude et d’incertitude : la frayère a-t-elle bien fonctionné cette année? Les brochets sont-ils remontés? Leur descendance est-elle assurée?

Dans mon précédent article sur le sujet je vous présentais la mise en place de bastaings pour assurer un niveau suffisant et immerger certaines plantes aquatiques propices à la pose des oeufs par les géniteurs. Cette année le niveau d’eau aura été parfait et le prélèvement de quelques oeufs par notre technicien Julien nous laisse espérer.

Le premier travail  consiste à abaisser progressivement le niveau d’eau de la frayère pour permettre aux agents de la fédé d’accéder au parcours et faciliter la capture des poissons.

Je me retrouve donc avec Stéphane, entré au bureau de l’AAPPMA cette année, pour enlever le 1er bastaing. Et ce ne fut pas une mince affaire!!! En effet, difficile d’accéder au seuil avec les foins et surtout le chemin d’accès qui cache des ornières. Malgré notre prudence, on finira par planter la voiture et il faudra faire appel à Bruno, l’un de nos sociétaires pour nous sortir de ce mauvais pas. Il nous emmènera alors avec son 4×4 pour atteindre le seuil et enlever le premier bastaing.

Après quelques mois dans l’eau, le cadenas est toujours récalcitrant.

J’enlèverai un second bastaing le lundi précédent la pêche électrique.

Il ne reste plus qu’à attendre l’équipe de la fédé…

Le principe de la pêche électrique est de créer un champ électrique dans l’eau entre deux électrodes (la cathode et l’anode) qui va agir sur les poissons. Voici une description technique trouvée sur le net qui vous en présente le principe:

“Un générateur produit un courant redressé d’intensité réglable entre 300 et 600 volts. La phase négative est mise à l’eau via une grille métallique (cathode). La phase positive est connectée à une anode de pêche (manche isolant terminé par un anneau d’acier inoxydable), qui va être manipulée par un opérateur. Une fois plongée dans l’eau, l’anode ferme le circuit électrique et le phénomène de pêche se produit. Un champ électrique sphérique d’intensité décroissante à mesure que l’on s’en éloigne, va rayonner autour de l’anode et influencer le comportement de tout poisson se trouvant à l’intérieur. Les terminaisons nerveuses présentes sur les flancs des poissons (les lignes latérales) sont des récepteurs sensibles à ce stimulus. La différence de potentiel appliquée à ces lignes latérales va déterminer une modification de comportement chez le poisson, qui va irrésistiblement nager vers le gradient de potentiel le plus élevé. C’est ce que l’on appelle la nage forcée. Une fois arrivé à proximité de l’anode, là où le champ électrique est le plus élevé, le poisson entre en électronarcose – une sorte de perte de connaissance – et est capturé dans une épuisette. Une fois qu’il n’est plus soumis au champ électrique, l’animal recouvre sa mobilité très rapidement et ne garde aucune séquelle. Ainsi capturé, il sera pesé, mesuré et éventuellement marqué avant d’être remis dans son élément.”

En images, le travail de l’équipe pour qui c’est un jeu d’enfant:

 

Installation de la table de comptage

 Préparation des cuvettes de réception des poissons

Les cuvettes qui vont recevoir les différentes espèces de poissons capturés sont remplies d’eau.

 

Le groupe électrogène est mis en place.

 

 Les cables reliant le groupe électrogène et les anodes sont connectés.

Les perches qui comprennent l’anode sont montées: manche + tête en acier inoxydable. Elles sont au nombre de trois.

Alors que Lionel prend des photos, Didier accompagne la pêche depuis le bord, le doigt sur l’interrupteur du coupe ciscuit. Sécurité oblige.

 

 

 Après un parcours du combattant entre les barbelés, Thierry rejoint l’eau.

 La petite épuisette permettra de récupérer les poissons sonnés par le courant électrique. Et ne surtout pas oublier les gants pour ne pas se transformer en ampoule!!

 Le bac qui permettra de collecter les poissons est prêt.

 

 Tout le monde est en place alors, que la pêche commence!!!

 

A peine la pêche a-t-elle commencé qu’on annonce “pendu” .. heu non … baby broc…, j’ai déjà le sourire aux lèvres, on a décapoté!!!!!!! pas de brocouille!!!!

La pêche continue et se fera sur une vingtaine de mètres. J’aurai bien envie de patauger avec eux…

Fin de la première étape et du premier bilan:

 

 Le tri par espèce commence sous l’oeil avisé de Jean Paul notre secrétaire. Mais mon attention se porte sur une seule des cuvettes:

C’est bon, les brochetons sont bien présents et je peux partir au boulot avec une certaine sérénité.

Lionel se chargera de prendre les photos pour la deuxième partie de la pêche qui se fera plus en amont dans l’une des baisses. Mais les techniciens semblent peu confiants. Tout le matériel est déplacé avec rapidité et la voiture de T…. est même sortie de l’ornière dans laquelle il s’était empêtré… Ils sont efficaces les gars!!

Cette fois la pêche s’effectue en bonne compagnie.

Chaque poisson sera répertorié: espèce, poids, mensuration…

et à la grande surprise de tous, les brochetons sont bien présents:

Le bilan laisse apparaître une population de brochetons intéressantes, certes inférieure à ce qu’on peut trouver sur d’autres rivières comme la Grosne. Mais nos efforts ne sont pas vains.

En gros on a pu constater la présence de brochetons de tailles différentes, ce qui laisse envisager que les pontes sont étalées, sans doute en fonction des conditions météorologiques et du niveau des eaux.

 Les plus gros brochetons mesurent 15cm environ. Une seconde cohorte tourne vers les 8-10cm. Enfin, on a retrouvé des petits avoisinant les 4-5 cm. Didier, l’un des agents de développement nous indiquant qu’il s’agit là sûrement des femelles les plus jeunes qui pondent plus tardivement. Au final, une petite cinquantaine de poissons sur à peine la moitié de la superficie en eau. Je suis donc un président somme toute heureux. La gestion des bastaings n’est pas simple et me demande beaucoup de temps, mais ça en vaut la peine.

Un petit point sur la taille et l’âge des brochets. Il est évident que cela varie en fonction du milieu et de la richesse de celui -ci. Voici quelques données concernant la pisciculture d’étang et qui nous donnent une idée:

1 été: 20 à 30cm; 2 étés: 30 à 60cm; 3étés: 60cm et plus.

La prochaine étape consistera à enlever le reste des bastaings pour que l’ensemble des poissons présents regagne et colonnise la Seille. Une fois asséchée, la frayère verra les vaches occuper le terrain pour fertiliser les lieux, avec leur fumier notamment, qui permettra au zooplancton de se développer lors du prochain cycle de reproduction. La nature est alors un éternel recommencement…

Si notre frayère a eu des débuts difficiles, il semble que désormais elle fonctionne correctement. Les campagnes d’échantillonage 2011 et 2012 sont pour nous positives. Mais nous n’oublions pas que c’est dame nature, avec les conditions météorologiques qu’elle nous donne, qui déterminera ou pas de la réussite de la reproduction des brochets comme des autres espèces. Soyons conscient aussi que les quantités de brochetons sont encore insuffisantes pour retrouver les populations de brochets d’antan. Mais c’est un début… Et si on peut multiplier les frayères c’est encore mieux…

On peut cependant conclure que la frayère porte ses fruits lorsque l’on voit les captures de brochets entre 40 et 55cm depuis le mois d’août dernier sur notre secteur de Seille.

Aux pêcheurs maintenant de faire fructifier ce cheptel en comprenant qu’il vaut mieux remettre à l’eau ces poissons qui sont encore de petite taille (juste la maille) et augmenter ainsi le nombre de géniteurs. On n’a pas besoin de loi pour ça, juste besoin d’une prise de conscience collective et individuelle. Ne gâchons pas ce que la nature vient de nous offrir.

Un grand merci à l’équipe de la fédé et je sais que Lionel a adoré les échanges avec eux. Ils nous apportent une autre vision de la pêche, un côté technique et scientifique qui nous dépasse parfois mais qui est ô combien enrichissant. Moi, en tant que passionné, je suis toujours fasciné lorsque je les écoute.

Pêchement vôtre 

texte: Olivier Bernolin

Photos: Olivier B et Lionel Forest[subscribe2]

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