Pêcheurs amateurs et professionnels, la cohabitation est elle possible ?

Vous vous doutez bien à la lecture du titre de cet article que je ne vais pas faire l’éloge de la pêche professionnelle. Celle ci a tellement mis à mal nos rivières que les amateurs sont obligés de s’expatrier ailleurs. Voici un article extrait de mon précédent blog et daté de décembre 2011 qui me parait toujours d’actualité.

 Pourquoi alors l’état tolère t’il des pêcheurs pro ? Et bien dans le droit français chacun ayant fait preuve de ses capacités peut demander à vivre de ces capacités, c’est une expression de la liberté qui anime notre démocratie. Même un chasseur pourrait s’installer professionnel, même un ramasseur de champignon pour peu qu’on lui accorde un droit de chasse ou de cueillette.

 Imaginez un pays, qui sous prétexte d’intérêt supérieur ramené à la défense des animaux, vous interdirait de vivre d’un métier là où c’est possible. Je n’aimerai pas qu’un tel état d’esprit  totalitaire puisse exister dans mon pays.

 Là où le bât blesse en ce qui concerne la pêche c’est que nous pêcheurs nous sommes autoproclamés seuls utilisateurs et défenseurs des eaux et des poissons. Et ben non, il n’y a pas que nous, il y a aussi les bateliers, les gérants de base nautique, les pêcheurs pros..etc, etc. Il serait temps d’être un peu moins hautain dans notre façon de voir l’eau en général.

 L’eau, la rivière, le fleuve, sont « res nullius » (à personne) tant qu’ils sont des eaux libres et « res propria » (à quelqu’un) pour les eaux closes. En conséquence, dans un fleuve qui n’est à personne ou à tout le monde car il appartient à l’Etat, qui contient une eau qui n’est à personne et des poissons qui eux aussi ne sont à personne il serait plutôt liberticide de vouloir interdire une activité. D’ailleurs, les parcs naturels supportent la pêche la chasse, le pastoralisme, le tourisme et d’autres activités qui restreignent l’empreinte humaine mais ne l’interdisent pas.

 Un grand combat de notre révolution française fut d’obtenir le droit de propriété, mais aussi le droit de chasse, de pêche, de cueillette…Fort de ce droit, nos associations fédérées sont devenues agrées pour la protection du milieu aquatique et là nous nous sommes sentis tout puissants. Une pollution et ce sont les pêcheurs qui sont sur le front, une nuisance et ce sont les pêcheurs qui gueulent, une taxe à payer ? Et ce sont les pêcheurs qui la payent… Pourtant la nature res nullius est à tout le monde, donc tout le monde devrait payer.

 Et payer nous conforte dans notre position, c’est nos rivières, c’est nos fleuves, c’est nos poissons !!! Entendons nous régulièrement chez nos collègues pêcheurs. Et bien non, ils sont à l’humanité. Et voir un pro se pointer avec ses filets et prendre tout ce que l’AAPPMA aura mis des années à faire, ça nous fait rager, pester, hurler. Pourtant tout comme les cormorans, les pêcheurs pro n’ont pas la volonté d’annihiler, ils sont là pour récolter, qu’importe si les fruits sont venus seuls sur l’arbre ou si les soins du jardinier bénévole ont grandement facilité cette fructification.

 Le pêcheur pro paye des taxes, donc est utile à la collectivité, ne lui jetons pas la pierre si fort alors que le cormoran lui ne paye rien et pourrait s’accommoder avec des échalotes ou se composter. Le pêcheur pro s’en fout des amateurs, il est là pour gagner sa croûte. Il y a du poisson, res nullius, sur des eaux libres donc l’état peut l’autoriser à exploiter et il peut en vivre.

 Il pêchera quelques années jusqu’à épuiser la ressource (dans l’absolu car eux aussi sont obligés de gérer un peu  pour avoir toujours de quoi pêcher), les amateurs n’auront plus rien à se mettre sous l’hameçon et iront officier ailleurs. Plus tard lorsque le pro aura délaissé la zone, l’amateur reviendra doucement, tout comme le poisson. Espérons que ce dernier ne subira pas le sort de l’anguille où les aménagements divers des cours d’eau et le pillage intensif des civelles sur l’estuaire ont fait reculer cette espèce aux portes de la disparition.

Idem pour le saumon, voir autant d’argent public gaspillé en déversement de tacons et études variées alors que les barrages les empêchent de remonter aux frayères mais surtout que les pro en chopent 95 % avec les filets tendus eux aussi dans les estuaires des grands fleuves comme la Loire.

 Vouloir gérer la nature res nullius est une utopie, une belle utopie mais une utopie quand même. La seule façon de gérer quoi que ce soit c’est la res propria. Regardez la  pêche en première catégorie, elle appartient à une multitude propriétaires qui laissent des baux de pêche à des AAPPMA ou qui se les gardent pour eux même. On arrive tant bien que mal à gérer sa population de poisson sur une petite rivière mais il faut quand même une autorité supérieure pour légiférer sur les débits et les aménagements. Imaginez une minute que les rivières à truites soient du domaine public….J’en frémis.

Pour la deuxième catégorie, là où sévit principalement le pêcheur professionnel, je pense que l’autorité supérieure qu’est l’état devrait interdire la pêche professionnelle, non pas dans l’intérêt du poisson parce c’est trop discutable entre écolos intégristes, pêcheurs et intellectuels défenseurs des libertés individuelles mais au nom de la pêche de loisir. Celle ci fait gagner à l’état beaucoup plus d’argent que n’en rapporte le professionnel, et le domaine public profite vraiment au public.

 

La question éthique n’a pas à se poser, elle n’amènera que des incompréhensions, seule la question du profit (et c’est navrant pour un amoureux des libertés comme moi) doit primer. Ainsi nous auront des parcours plus poissonneux comme aux USA et la pêche pourra se développer en sport de masse au bénéfice de tous, pêcheurs, poissons et biodiversité.

 C’est dommage que j’appelle au sacrifice d’une profession sur les eaux libres mais je pense que la situation ne peut que s’aggraver. Le pêcheur n’est plus le cueilleur qu’il était avant, il se veut gestionnaire et protecteur. La présence d’un pro ne pourra qu’entretenir une inimité qui finira un jour en haine.

 Et puis sans les pros, je pense que l’anguille et le saumon pourraient revenir sans ces mesures couteuses pour la collectivité au bénéfice d’une minorité.

 Je n’en veux pas au pêcheur professionnel, il fait ce qu’il a le droit de faire mais je préférerai qu’il raccroche ses filets!

 Gardez la pêche.

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