Pourquoi cette désaffection de nos aappma ?

Pour faire suite au dernier article d’ Axel qui a suscité pas mal de commentaires, nous avons décidé ensemble de « creuser » un peu le sujet pour tenter de comprendre pourquoi les adhérents des AAPPMA ne s’investissent pas plus.

Je vous livre mon analyse qui sera suivie par celle d’ Axel, nous n’avons pas trouvé de réelle solution à ce problème qui selon moi finira par faire disparaitre nombre d’ AAPPMA et par conséquent fera disparaitre des animations, une veille sanitaire des milieux aquatiques et un encadrement de jeunes pêcheurs.

Un phénomène pas récent

Avec près de 40 ans de permis derrière moi, je pense avoir une certaine expérience pour donner mon avis sur un sujet plutôt complexe car il met en jeu une donnée extrêmement variable : L’humain.

J’ai mis du temps pour assister à ma première AG, quand on est jeune on a autre chose à penser et cette première réunion ne m’avait pas franchement donné envie d’y retourner. On retrouvait assis à une table une bande de vieux messieurs bien habillés faisant de la lèche aux politiques locaux et parlant de sujets quelquefois très éloignés des questions que se pose le pêcheur de base. D’ailleurs je me rappelle avoir préparé des questions mais devant l’absence générale de réflexions j’avais à l’époque préféré me taire. Il n’a eu que la partie « pot »  de fin d’ AG qui a obtenu grâce à mes yeux avec deux ou trois blanc cassis gratuits avant un retour à la maison et une impression d’ avoir perdu mon temps.

L’info qui circule plus facilement

Pour autant j’avais appris quelques trucs, des dates d’ouverture, les parcours, les lâchers et quelques projets à venir. Nombre d’autres pêcheurs étaient là eux aussi juste pour s’informer sans avoir plus envie que moi d’en savoir plus sur la vie de l’ assoc où de s’y investir. Désormais, et ç’est un service fort apprécié des pêcheurs, les réseaux sociaux ou les sites internet  remplacent la partie info de cette AG, ils sont surtout plus réactifs et favorisent plus l’échange. Ils favorisent aussi malheureusement l’outrance avec le fait d’être caché derrière son clavier. Pour autant ces réseaux sociaux ne sont pas toujours aussi bien utilisés qu’ils pourraient l’être, peu d’ aappma publient  l’ ordre du jour en préalable sur leur page Facebook pour que les pêcheurs réfléchissent en amont et puissent prendre la parole pour lancer un débat. Ce point me semble assez important car j’ai été par ailleurs président d’une association durant 6 ans et je connais la difficulté de gérer ces structures. Selon moi l’échange crée un esprit bénéfique à l’association et même si on peut arriver à des positions bien différenciées on arrive toujours à discuter. Dans la très grande majorité de nos aappma, les décisions importantes sont prises par un petit groupe de personnes car les statuts leur en donnent la possibilité et cela ne peut satisfaire à terme tout le monde. Mieux vaudrait exposer un projet en préalable sur internet et prévoir un temps de discussion en AG avant un vote mais ça prends plus de temps et ça peut vexer des égos.

La réciprocité

La désaffection n’est pas récente mais un élément selon moi l’a accéléré : La réciprocité. Non, je ne veux surtout pas remettre en question cette avancée importante pour les pêcheurs mais il est objectif de constater que nous sommes passés d’une pêche basée sur l’associatif local à une pêche basée sur le consumérisme. Désormais on peut pêcher partout ou presque  alors pourquoi s’investir chez nous où on ne pêche presque plus ? On paye et on a ce sentiment de service dû, d’ailleurs on paye plutôt cher donc on s’attend à un service à hauteur.

Imaginez deux minutes que votre aappma ne soit pas réciprocitaire comme celle des lacs de la forêt d’orient. On peut mettre en place des actions qui ne sont pas permises statutairement ailleurs, on peut se passer de l’ hyper lourdeur administrative de notre fédé. Est-ce que ça fait venir du monde aux AG ou aux actions de nettoyage ? Pas sûr.

La personnalité du président et l’air du temps

S’il y a bien un truc qui rassemble les gens c’est l’humain. Dans la pêche comme partout ailleurs le charisme d’un dirigeant est à même de fédérer c’est même selon moi l’élément le plus important de tous les arguments. Sans un bon président bien entouré, actif, humain, besogneux, sympa, disponible mais bénévole….Rien n’est gagné, on peut fédérer quelques années sur un gros projet ambitieux mais garder cet esprit associatif puissant est difficile à inscrire dans le marbre.

L’air du temps est un autre point important, notre société a évolué depuis le siècle dernier et les gens sont passés à une civilisation de consommation de loisirs. On aura beau faire tout ce qu’on peut, jamais on ne retrouvera la moitié de ses membres en AG comme ça a pu être le cas dans la première moitié du 20ième siècle. Désormais les gens ont autre chose à faire ou s’en foutent. Certes beaucoup veulent que leur avis soit pris en compte mais ils veulent le donner sur Facebook, pas en se déplaçant un dimanche matin à 10h pour avoir à subir la litanie lourde des passages statutaires avant d’arriver enfin aux questions diverses.

L’adhésion obligatoire forcée

J’ai faillit la louper celle là tellement elle est énorme comme une montagne. En fait elle n’est pas vraiment obligatoire car si vous louez un parcours de pêche privé vous n’aurez que la CPMA à payer mais dans les faits on vous oblige à adhérer à une association pour avoir le droit de pêcher. Imaginez être le citoyen lambda qui n’est pas très fortiche avec internet et qui donc va prendre sa carte chez un détaillant. On va lui imposer de cotiser, donc de devenir membre de l’ aappma locale !  Si vous maitrisez Internet, aucun soucis car vous pouvez cotiser partout en France ou presque mais dans le cas contraire on vous force la main et ceci peut nuire à un investissement dans l’association car vous ne serez pas considéré comme un entrant à courtiser mais un cotisant qui doit se plier à la doxa en cours.

Comment améliorer le schmilblick ?

Déjà redonner plus d’autonomie financière aux aappma. Dans mon département sur une carte vendue à 100 euros seulement 15 revient à l’ aappma. Certes elle peut en avoir plus mais il faut monter un dossier, justifier, y passer de nombreuses heures et les décisions échappent alors au CA de l’ aappma qui se demande à quoi il sert ?

Sortir de l’agrément préfectoral et de son carcan. L’agrément préfectoral c’est surtout pour avoir de droit de vendre des cartes mais pour cela le carcan du réglementaire statutaire est puissant. Dernièrement on a obligé les AAPPMA à avoir au minimum 8 personnes dans le conseil d’administration mais dans certains villages, à part trois braves prêts à s’engager…Donc pas de quorum = dissolution obligatoire= regroupement= dispersion des avoirs et moindre engagement sur le territoire = désaffection des pêcheurs, cqfd !

Honnêtement, pensez-vous vous engager à diriger une aappma, qui vous coutera soucis et temps et n’avoir qu’une main mise bidon sur la gestion de votre assoc ? Les fédés décident de tout ou presque, vous abreuvent de papiers à remplir, de circulaires, d’obligations et vous vous retrouvez accusés par les pêcheurs de ne rien faire ?  Je tire mon chapeau aux présidents car ils sont dotés d’un sens de l’abnégation que je n’aurai jamais. Redonnons déjà un peu plus de latitude aux AAPPMA sans pour autant laisser s’installer le binz mais redonnons confiance aux territoires. Ce n’est surement pas la panacée et ça n’empêchera pas le déclin mais ça le ralentira.

Je suis membre actif de mon AAPPMA depuis 2007 et son secrétaire depuis 2013 au cas où mon discours pessimiste aurait pu faire croire à un lecteur de que je n’y connais rien. A titre personnel, j’estime que ce système est voué à l’échec. Vouloir faire gérer par des bénévoles ce qui relève de la compétence de l’état, tout en encadrant ses bénévoles comme s’ils étaient aux ordres ne peut que mener à la mort des aappma telles qu’elles existent. J’espère qu’ Axel a une solution ou une amorce de solution.

Alors Axel, qu’en pense tu de ton coté ?

Bonsoir Sylvain,

En toute modestie, je ne me permettrais pas de penser que je puisse avoir les compétences d’imaginer une solution …
De plus, amha*, si solution il y a, seule une réflexion globale pourrait, d’une part, apporter des idées, et ensuite aboutir à des propositions.
Mais les pêcheurs auront ils envie de participer à un questionnaire sur ce sujet ? Rappelons nous la consultation de 2013, qui bien qu’ayant eu le mérite d’avoir été mise en place, n’avait pas beaucoup mobilisé les foules.

En fait, le système associatif en charge de la pêche n’est que le reflet de notre société.
On peut y retrouver nombres de valeurs positives et humaines, telles que la coopération, la convivialité, le sentiment d’appartenance, l’altruisme, etc…, mais aussi tous les travers et dérives de notre civilisation consumériste et individualiste. Et toutes les nuances sont possibles entre les deux extrêmes.

Autrefois, le petit monde de la pêche ne s’occupait que de la pêche. Puis, peu à peu, se sont ajoutées des notions de protection environnementale, de réglementations de plus en plus lourdes, qui demandent le plus souvent des compétences qui deviennent hors de portée pour le commun des pêcheurs et leurs représentants locaux.

De plus, le système pyramidal et vertical de la gestion fédérale de la pêche oblige les AAPPMA à se conformer aux directives qui « viennent d’en haut », ce qui parfois n’est pas si simple. Mais cela fait partie du contrat, au même titre que toute activité sportive licenciée.

Il est probable que l’évolution du système amènera la dissolution de nombres de petites AAPPMA, au profit de structures plus importantes, qui permettront de mutualiser les moyens humains et financiers. Et pourtant, ces petites unités locales étaient importantes, surtout en milieu rural, où, bien souvent, une poignée de main avec le président, figure locale bien connue, et les propriétaires riverains, suffisait à valider la cession du droit de pêche sur le petit ru communal. Mais, à contrario, que peuvent devenir ces micros AAPPMA, avec si peu de moyens, qu’ils soient financiers ou humains ?

De plus, comme tu le précises Sylvain, le développement du système des réciprocités (Urne, AHGO, …) a profondément modifié le rapport à la pêche autours de chez soi, rendant encore plus cette activité comme un loisir de consommation courante.

Ce changement, bien qu’étant souhaité par une grande majorité de pêcheurs, amène son lot de problématiques, avec bien souvent à la clef toutes sortes d’incivilités et de comportements peu en phase avec le fonctionnement associatif, occasionnant une lassitude grandissante des bénévoles qui s’investissent sans compter pour n’avoir en retour que critiques et dénigrement.

Et pourtant, tout le système, comme nombres d’activités sportives, est basé sur ce bénévolat, cheville ouvrière de cette pyramide aux pieds d’argile.
Des hommes engagés, on en trouve de moins en moins. Des bénévoles qui ne supportent plus la situation, on voit de plus en plus.

Alors, faut il en arriver à faire comme cette AAPPMA http://latruitedelarcmosellan.fr/rivieres/le-ruisseau-oudrenne/, non réciprocitaire, qui oblige ses adhérents à participer à l’AG, ainsi qu’à au moins une journée de nettoyage, sous peine de retrait du droit de pêche ?

Ou alors faut il « professionnaliser » la gestion de la pêche, ce qui, amha, demanderait des moyens considérables pour son fonctionnement, et amènerait certainement à des notions de rentabilité peu en phase avec un loisir populaire ? Et quid de la petite rivière amoureusement entretenue par quelques personnes de bonne volonté, noyée au milieu d’une entité aussi éloignée du pêcheur de base que l’est le parlement européen du citoyen lambda ?

Je n’ai malheureusement pas de réponse …

*AMHA :argot internet « à mon humble avis »

 

 

 

3 réflexions au sujet de “Pourquoi cette désaffection de nos aappma ?”

  1. Bonjour Sylvain, je suis d’accord avec Axel le facteur humain est la première cause de se désintéressement avec la pêche comme un loisir de consommation courante !
    Nous avons fait notre AGÉ et un seul constat les présents sont les pêcheurs engagés. http://www.lepecheurbarbezilien.com/2021/12/retour-sur-l-ag-elective-pour-le-mandat-2022-2026.html
    Si les petites AAPPMA tiennent, c’est uniquement grâce à une poignée d’hommes. Mais pour combien de temps ?
    Ce ne sont pas toujours les plus grosses AAPPMA qui ont les plus grands cantonnements. Alors mutualiser les moyens, c’est aussi augmenter les territoires qui seront très difficile à surveiller, le ratio hommes/linaire de rivière ne changera pas. Souvent elles ont des cantonnements sur le chevelu. Ces ruisseaux sont considérés sans importance par beaucoup de pêcheurs, c’est une erreur se sont les petites rivières qui font les grandes. La seule solution est que les Fédérations accompagnent les AAPPMA en difficultés pour ne pas les voir disparaitre.
    Il faut impérativement mettre en place des outils simples, modernes pour simplifier le travail des bénévoles au niveau administratif, compta, juridique, compte rendu, etc… et que tout ce travail soit facile à transmettre à nos successeurs. Toutes les obligations statutaires font peur à beaucoup de bénévole. Je prends l’exemple de notre AGÉ, une journée de préparation pour ne rien oublier et une journée à remplir les extraits de procès-verbaux pour la Préfecture.

    J’ai peut-être tort, mais j’y crois encore.
    Bonnes fêtes à tous.
    Le Président de l’AAPPMA de Barbezieux

  2. bonjour sylvain
    justement je me posai la question récemment sur l’utilité de reprendre un permis.non pas que je ne veuille plus aller à la peche,je serai toujours pecheur.non c’est l’utilisation de notre argent par les aappma et les fédé qui me pose probléme.je peche la seine dans l’aube et les sociétés qui gérent le parcours n’investissent pas un centime sur ce parcours.la fédé en investi un peu,elle t’avait d’ailleurs invité sur la commune de Saviéres pour la reconnection d’un bras mort au lit principal .la riviére n’est pas entretenu,pas grave elle est sauvage et poissonneuse mais je me mets à la place de pecheurs moins tolérants que moi.en ce qui me concerne je vais quand meme reprendre un permis mais dans une autre société,vive la réciprocité.

  3. Bonjour Sylvain, je te donne mon humble avis de quelqu’un qui a bossé au CSP, et dans l’Aube à un certain moment, que tu mentionnes dans ton billet, et au temps où le CSP travaillait de concert avec les Fédé, mais surtout d’un pêcheur de carnassiers comme toi. Je trouve que le plus gros problème n’est pas la réciprocité (d’ailleurs, il y avait très peu de réciprocité dans l’Aube; pour l’anecdote, je me souviens avoir croisé un pêcheur qui avait …17 cartes et fier des plus de 1000 francs dépensés à l’époque) car elle a eu quand même le mérite de démocratiser la pêche car tout le monde n’était pas prêt à faire des kilomètres et des kilomètres contrairement à une certaine catégorie de pêcheurs dont nous faisons partie actuellement. Par contre, pour la mainmise de plus en plus présente des fédé je suis d’accord. Mais surtout, je vois (d’ailleurs tes photos sont très parlantes) que depuis toutes ces années, les asso ne se renouvellent peu ou pas avec les jeunes adultes, ce qui aggravé par le fait que de moins en moins de jeunes sont intéressés par la pêche (phénomène de société de loisirs oblige). Il y a aussi cette dualité entre les fédés qui se sont inscrites comme associations de l’environnement (ce que je ne critique absolument pas) et qui ont orienté les missions en adéquation et les petites app dont (et je le comprends) les préoccupations tournent autour du nombre de cartes (rentrées d’argent) et les empoissonnements. Vaste sujet mais réelle inquiétude légitime. Quand aux asso et fédés qui gardent l’argent plutôt que l’utiliser pour l’halieutisme aussi , ces dérives, bon j’arrête là . Bon vent à toi et à ton blog de passion et de sincérité.

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