Pourquoi pêche-t-on ?

Un petit article repris de mon ancien blog et qui a droit à une seconde vie: Pourquoi pêche t’on ? Vaste question philosophique, pour autant sans pêcher par orgueil je vais tenter en quelques lignes de répondre à cette question.

Il y a longtemps que je me la pose, pourquoi pêcher alors que c’est l’une des choses les plus indécises qui soient ?

En effet, l’acte de prédation qui anime l’homme et qui est à la base, qui est le fondement de l’art halieutique, joue un rôle prépondérant dans ce sport. Le No Kill total est pourtant une prédation et non un jeu comme on peut le lire parfois, d’ailleurs jouer à retirer un animal de son élément en lui accrochant un hameçon dans la gueule serait un jeu bien cruel.

Dans cet acte de prédation, nos sens retrouvent leurs buts premiers, une grande partie de ce pourquoi l’évolution a fini par les construire au fil du temps. La vue joue le rôle prépondérant  dans cet acte mais l’ouïe, l’odorat et le toucher jouent aussi leur rôle. Seul le goût pourrait être classé en dehors car dorénavant l’acte de prédation n’amène pas obligatoirement à la table du dîner.

A bien y réfléchir, l’acte de prédation ne concerne pas que la chasse ou la pêche mais bien d’autres « sports » nature. Le ramassage des champignons, du muguet, le fait de faire son bois de chauffage….sont des actes de prédation qui apportent leur lot de satisfactions sensorielles.

L’un des sens les moins utilisés dans la pêche au contraire des autres actes de prédation est la vue. Point de poissons que l’on traque en leur courant derrière à la pêche, la vue ne se concentre que sur un bouchon, une ligne…Mais s’égare toujours au lointain et s’émerveille régulièrement des paysages divers et variés que rencontre le pêcheur. La pêche est aveugle, on pressent, on ressent, on imagine, on espère mais on ne voit pas grand-chose hormis quelquefois une nageoire qui percera le voile de la surface de l’eau et vous fera bondir de votre chaise.

 

Dans la pêche, pas plus d’ouïe ou d’odorat  pour accomplir sa prédation, encore que l’odorat anime le pêcheur au coup pour son amorce mais avouez quand même que l’odeur des poissons n’a rien d’attirant. Je ne me souviens pas voir humé le plan d’eau pour savoir s’il y avait du poisson comme je feugne ( mot morvandiaux pour exprimer le fait de sentir avec insistance)  le sous bois pour chercher les champignons mais j’hume pourtant l’air et j’apprécie l’odeur de nature qui m’entoure. L’odorat serait notre plus ancien sens, celui tapit au fond de nous dont la mémoire est la plus forte. Quoi de plus génial et de plus jouissif que d’arriver avant l’aube par un matin chaud et de respirer l’air au moment où le jour se lève. A cet instant la rosée va faire s’exhaler toutes les senteurs des arbres, des herbes, des mousses. Un moment fugace de plein bonheur, une petite jouissance intellectuelle que seuls les pêcheurs, chasseurs et quelques autres peuvent connaitre. A mon avis bien plus puissant que la contemplation béate d’un tableau d’art contemporain, mais il en faut pour tous les goûts (qui sont dans la nature, rappelons le !!).

Et l’ouïe, rien de tout cela dans la pêche. Pas de plaisir de musique hormis celle de l’eau courante et du frein qui chante. Ce frein qui lorsqu’il démarre fait instantanément passer vos battements de cœur à plus de 100. Notre oreille est branchée en directe sur la zone reflexe, elle n’analyse pas elle nous alerte et est à l’origine de la décharge d’adrénaline qui nous fait vibrer. Que dire des bruits des queues des brochets lorsqu’elles frappent la surface avant la mise à l’épuisette, les bruits de succion des grosses perches qui chassent votre leurre de surface….

Reste le toucher dans ce récit, ce sens si éloigné. Sentir son moulinet et sa tresse souffrir sous les assauts du prédateur, sentir vibrer le carbone du blanck sous les coups de tête. Toucher ce poisson si glissant, mettre ses mains dans l’eau….

 

La pêche est un acte de prédation infiniment plus complexe que la chasse. Pas de chevreuil qui courre en craquant du bois, de chiens qui aboient en suivant sa voie, des traqueurs qui hurlent, des faisans qui décollent à vos pieds dans un vacarme et une beauté rare. La pêche est une quête de l’impossible, du poisson tant  attendu, mais qui s’accommode d’une absence quasi-totale de sensations se rapportant à la quête.

Par contre à la prise, c’est Bysance, plein les yeux, les oreilles, les narines…C’est peu être pour cela que la pêche est si puissante, un grand rien quelquefois long puis un grand tout, toujours trop court…..

Gardez la pêche.

[subscribe2]

Les commentaires sont fermés.