Culture Pêche: Escher et les poissons

On ne présente plus l’œuvre de M .C.Escher (1898-1972, rien à voir avec Stéphane, le chanteur préféré de Sylvain) : tout le monde a vu un jour ou l’autre ses magnifiques gravures qui mettent en scène un monde irréel où les repères classiques de la perception sont bouleversés.

Il n’y a plus de haut ni de bas, ni de plein ni de vide, et tout un bestiaire étrange évolue au milieu de perspectives impossibles, superbement dessinées. Il est cependant un animal qui vient régulièrement hanter ces compositions et que nous affectionnons tous : Le poisson. Peut-être parce que sa forme assez simple se prête remarquablement bien aux différentes métamorphoses que lui fait subir l’artiste, mais également parce que son élément, l’eau, lui offre des jeux de reflet infinis.

C’est le cas pour cette gravure intitulée « Les trois mondes ». L’eau, le ciel et la terre sont ici réunis en une seule image, apparemment simple, et pourtant d’une savante complexité. Le thème du miroir, qui sépare et qui unit en même temps, est ici pleinement exploité. La perspective est donnée par les feuilles posées à la surface de l’eau, la profondeur par le poisson (un carassin ?), et la hauteur par le reflet des troncs. Chez Escher, le vertige n’est jamais loin, et on tomberait presque dans cette image aussi sûrement qu’on tomberait dans un bassin !

 

Autre image vertigineuse intitulée à juste titre « Profondeur », ces poissons volants non identifiés qui défilent en rang serré vers un but inconnu. La composition très structuré (une variante du cube en perspective, dont on retrouve l’écho chez le dessinateur François Schuiten qui a subit l’influence du travail d’Escher) donne une note implacable à l’ensemble, un peu adouci il est vrai par le regard « rapalien » des bestioles. Allez, un anneau brisé et un triple et on a là un nouveau modèle de crankbait ou de leurre souple!

 

  Une autre caractéristique des dessins d’Escher est l’occupation totale de l’espace par des formes s’imbriquant les unes dans les autres, comme les motifs d’un carrelage…ou comme les écailles d’un poisson. Escher réussit la tour de force de fabriquer un poisson à partir d’une écaille et vice-versa, en se servant du motif en damier. Observez attentivement l’image, les poissons occupent absolument tout l’espace, sans aucun interstice ! Voilà une idée pour décorer la coque de l’Esoxiste III…

 

  Enfin, ce qui passionnait Escher par-dessus tout était, littéralement, la transformation, c’est-à-dire le passage d’une forme à une autre. Il a inventé le morphing avant l’heure, en se servant d’un simple crayon (nous sommes dans les années 50, les PC n’existent pas encore…). L’exemple le plus frappant est la transformation de l’oiseau en poisson (ou le contraire). La graduation subtile du dessin et du noir et blanc fait merveille, on assiste à la naissance de deux formes engendrées l’une par l’autre.

 

  Il développera ce procédé dans d’autres gravures, et fera même une synthèse avec le premier (l’imbrication) comme dans cette œuvre intitulée « Mosaïc II » d’une effroyable complexité pour qui sait voir, ou qui pratique le dessin.

 

Le message de Escher, si message il y a, c’est que les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent, et qu’elles sont liées les unes aux autres, qu’elles sont interdépendantes. En quelque sorte, les objets, les choses, les êtres, n’existent pas seulement par eux-mêmes mais grâce aussi et surtout à ce qui les entoure. C’est pour ça aussi que la pêche c’est mieux avec les copains que tout seul !

A une époque où l’on parle beaucoup d’environnement -sans savoir de quoi on parle en vérité puisque le mot environnement suppose que nous soyons au centre de tout, ce qui est absurde- il serait bon de se rappeler que tout interagit sur tout, et que nous sommes aussi l’environnement de la nature, qui nous transforme à son tour. Tout pêcheur averti devrait avoir ça en tête lorsqu’il aperçoit son reflet !

  Vous pouvez admirez les Œuvres de M.C Escher en achetant ce bouquin aux Editions Taschen. Il est régulièrement réédité pour un prix modique. Bonne lecture!

Texte et photos: Jean-Paul Charles

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