Quota carnassiers ou pas ?

La pêche des carnassiers évolue sans cesse, technique, éthique, tous les domaines qui l’entourent ne cessent de changer, en bien ou en mal mais ça change. Face à la raréfaction des carnassiers, face à l’engouement qu’ils suscitent vis à vis de toutes les générations des pêcheurs, il convient de trouver une solution à cette équation bancale. Les quotas sont ils cette solution ? Voyons ensemble les arguments pour et contre, ainsi vous vous ferez votre opinion vous même sans avoir besoin de vous appuyer sur l’avis des autres.

 

Les arguments pour :

La pêche des carnassiers est en plein boum depuis une petite dizaine d’années, le nombre de sites de ventes par e-commerce, de blogs et de pages Facebook qui y sont consacrés augmente chaque année de façon exponentielle. Même le nombre de barques et de bateaux vendus explose et tout ceci à une conséquence simple, les pauvres carnassiers sont de plus en plus traqués.

Et la ressource, bien entendu, n’est pas inépuisable. On peut même la quantifier assez précisément  dans les lacs et étangs mais beaucoup moins bien  en fleuve ou rivière, néanmoins on constate quasiment partout une baisse du nombre de prises et surtout une baisse moyenne de la taille de celles ci.

 

Pour faire un parallèle avec la chasse, car son mode de gestion du gibier fonctionne à peu près bien, lorsque les chasseurs il y a plus de 30 ans ont constaté que la population de chevreuils s’effondrait , ont mis en place un plan de chasse et depuis il n’y a jamais eu autant de chevreuils dans le pays. Évidemment le parallèle s’arrête là car ce plan de chasse est basé sur le territoire et non sur un quota personnel mais c’est un exemple de gestion qui fonctionne bien.

De même, tout simplement, si vous avez 10 stères de bois pour vous chauffer cet hiver, vous comprenez aisément qu’il ne faut pas tout bruler d’un coup et vous acceptez d’avoir un peu froid quelques fois pour bien passer l’hiver. Une population de carnassiers doit se gérer pour prospérer et ne pas être une manne dans laquelle on pioche sans compter.

L’éthique moderne de la pêche des carnassiers, qu’on y adhère ou pas, se met en place toute seule et cet éthique nous amène à considérer le poisson comme un partenaire sportif  et non comme un filet au beurre blanc encore vivant. Cette nouvelle façon d’aborder la pêche nous vient des anglo saxons qui peuvent démontrer que le catch and release fonctionne, je ne sais pas s’il y a des quotas chez eux mais je me doute que oui, ce que je sais c’est qu’ils ont une population de  carnassiers en pleine forme.

Le brochet a été inscrit sur la liste rouge des espèces en danger, même si cette liste prête à commentaire on ne peut nier que des études scientifiques démontrent que le cheptel de brochets s’effondre sur le domaine public.

Dernier argument qui me vient à l’esprit, un argument soufflé par la fédération départementale de Saône et Loire qui a voté en AG les quotas carnassiers en règlement intérieur, comment dépenser des sommes importantes en restauration des milieux si aucune autre mesure de protection ne vient en appui ? Pour faire simple, pourquoi restaurer des frayères s’il n’y a plus de reproducteurs ?

 

Les quotas me paraissent une mesure simple et de bon aloi, certes il peut y avoir d’autres pistes à explorer mais celle ci me paraît la plus pleine de bon sens. Tentons, testons, donnons nous quelques années pour voir si ça marche.

 

Les arguments contre :

Mais face à ces arguments d’autres viennent contrarier cette démonstration idyllique. La grande majorité des pêcheurs français se sent pêcheurs pas sportifs, le pêcheur lambda ne va pas à la pêche pour jouter avec un poisson mais parce que ses instincts primaires de prédateurs l’y obligent. Beaucoup de « sportifs » se mettent à la pêche après une période badminton, puis au bout de trois ans arrêtent pour se mettre au vélo, ce n’est pas à cette minorité de régir la pêche. Un pêcheur a ce besoin d’attraper du poisson chevillé aux tripes si fort qu’il se lève aux aurores, affronte la météo, il n’a jamais vidé les étangs et les rivières depuis 50 ans !

Et les pêcheurs pro ? On va limiter les pêcheurs amateurs, ceux qui payent les alevinages, qui entretiennent les milieux pour que des pros qui ne sont qu’une poignée  gardent tout, puissent en vivre en épuisant la ressource ? En mer il y a des quotas me semble t’il pour certaines espèces, pour les coquille saint Jacques, alors pourquoi en eau douce n’y a t’il pas de quotas pour la pêche pro ?

N’oublions pas le cormoran, cette espèce nuisible à notre activité qui s’engouffre des tonnes de carnassiers que nous lui offrons sur un plateau. Y’a t’il des quotas pour lui ?

 

Comment faire accepter à un brave homme qui paye 90 euros de carte de pêche par an et qui n’y va que 5/6  fois qu’il ne pourra garder qu’un brochet, si encore il arrive à en prendre un ? Ceux qui attrapent plus de 10 brochets ou sandres par an sont  une petite minorité et ce n’est pas leur prélèvement qui met à mal l’espèce. Regardons plutôt du coté des pollutions, des cormorans, de la disparition des frayères ou le manque de mesure de protection pour la fraye du sandre.

Et puis, tout simplement, si on relâche tous nos poissons, il s’éduqueront de plus en plus et finiront par ne plus mordre. Le brochet a beau ne pas être malin mais il finit par comprendre le danger. Le sandre et la perche sont eux très malins, c’est pourquoi lors des vidanges de lacs on trouve de gros sandres et de belles perches qui ne mordent plus à la ligne depuis belle lurette. De même à force de les piquer, n’en meurent ils pas ensuite, loin des yeux ? Les sandres en verticale l’hiver qui remontent avec la vessie natatoire gonflée pourraient peut être retourner à l’eau ?

 

Et puis après tout, le réempoissonnement ça existe non ? Les pisciculteurs maitrisent bien la reproduction des carnassiers et la plupart des AAPPMA ont de confortables bas de laine, pourquoi ce serait au pauvre pêcheur de toujours supporter l’incurie des autres.

Ces quelques arguments plaident eux, et à juste titre, contre les quotas ou autres mesures restrictives.

 

Alors ?

Ceux qui me lisent depuis quelques temps savent que je suis favorable aux quotas, pourtant je ne suis pas sourd aux arguments de ceux qui sont contre. Faites vous vous même votre opinion, et c’est le plus important : Allez à votre AG d’ AAPPMA et faites part de vos réflexions, pas sur Facebook où une petite centaine de  pêcheurs au clavier croient être le cercle vertueux des philosophes halieutistes mais en vrai, dans le monde réel. Le futur de la  pêche a besoin des arguments pertinents de tous, pour ou contre, peu importe,  afin qu’une décision la plus intelligente possible soit prise.

Gardez la pêche.

 

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