Mort manié, non ce n’est pas mort !

Certains d’entre nous voudraient bien l’enterrer à grands coups de bavettes de  leurres  mais notre bon vieux mort manié n’est pas prêt d’être enfermé aux tréfonds des oubliettes du château de la pêche. Toujours efficace, toujours  plus efficace que les leurres souples, le manié tel qu’on l’a appris n’a guère changé et il semble n’en avoir pas besoin.

 

La pêche au mort manié n’est pas née de la main d’ Albert Drachkovitch, ce peintre pêcheur de talent a eu le mérite de démocratiser une monture facile à bricoler et diablement efficace. Pourtant auparavant le manié se pratiquait déjà mais avec d’autres montures, Drachko a eu la géniale idée d’articuler la jonction entre le lest et l’agrafe qui tient le poisson lui donnant ainsi plus de liberté et ce montage s’est avéré diabolique sur le sandre.

Il faut revenir avant l’explosion démographique du sandre, cette période ou le brochet trônait en monarque absolu des carnassiers. Pour prendre ce poisson que Pierre Affre qualifie de « préhistorique » car il est assez facile à leurrer, une simple cuiller, un gardon sous un bouchon suffisait largement. Seules les grosses truites mordaient sur des montages vairon manié plus ou moins sophistiqués.

 

Puis le sandre est arrivé et avec lui ses aficionados. C’est un poisson magnifique et l’un des plus fameux sur la table, il fallait donc que quelqu’un trouve comment le rechercher activement car sa pêche de l’époque ne se pratiquait quasiment qu’au posé. Rares étaient ceux qui le recherchaient aux leurres, car il y répondait assez mal.

M. Albert, pêchant activement les grands lacs du Morvan, car il est toujours un habitant de la Nièvre, avait constaté que les populations de sandres étaient nombreuses, surtout sur Pannecière et après moult réflexions et observations mit au point sa monture dont la légende veut qu’elle fut inventée sur ce lac mythique.

 

Nous étions au tout début des années 70 et sa réussite fut vite remarquée, d’autant qu’il avait le talent d’écrire des récits clairs et accessibles et qu’il avait su convaincre Henri Limouzin de sa technique.

Pendant de longues années, le mort manié façon Drachko tint le haut du pavé. Tout pêcheur sportif se devait de devenir un manieur et ainsi il prenait de bonnes quantités de sandres qui régalaient sa famille et ses amis.

photo O. Bernolin

 

Vinrent les cannes en carbone, le nylon fluo, tout le nouveau matériel que M. Albert savait mettre à contribution pour en faire profiter le mort manié. Des cannes spécial manié chez des fabricants prestigieux furent fabriquées, cannes que l’on retrouve toujours au catalogue. Mais depuis quelques années on entend trop souvent  « quoi ? Tu pêche encore à la viande ? » et le manié est progressivement délaissé, même interdit dans certaines compétitions.

 

Pourtant à l’instar d’autres pêcheurs, je résiste tant bien que mal à cette dictature autoproclamée du leurre en plastique. Même si j’éprouve beaucoup de plaisir à pêcher avec un crank Mégabass ou un leurre souple Berkley, il n’en reste pas moins que je prends mon pied à pêcher au mort.

 

Dorénavant, avec les nouveaux matériaux, le mort ne demande plus qu’un bonne canne à leurre souple en MH, la tresse offre une résonance inégalée, le fluoro en fort diamètre de la discrétion et la Drachko bricolée dans le garage n’a pas besoin d’être un chef d’œuvre pour être efficace. Les seules avancées que l’on peut se permettre se situent au niveau du lest que je préfère confier à des plombs agrafe de marque Cannelle et les avançons que je monte en supratresse de la même marque.

Tout juste je glisse une olive sur le corps de l’épingle lorsque je recherche le brochet qui semble apprécier les effets plus coulés.

Montures manié perso

 

Certains d’entre vous, chers lecteurs, êtes assez jeunes pour ne pas avoir pratiqué cette technique pleine de subtilité qui ressemble à la pêche au LS à gratter. Il faut tenter de donner vie à son  montage, le sentir évoluer sur le fond avant de ressentir la touche.

Certes on a les mains qui puent le poisson, du sang sur la manche, il faut balader un seau à vif ou trimballer quelques poissons morts dans sa poche et ne pas les oublier une fois rentré….mais avec les leurres modernes et les attractants on a aussi les doigts qui puent.

Au leurre on est obligé de promener  sa caisse, au mort ce n’est  que quelques gardons, quelques montures, quelques émerillons, une bobine de tresse armée pour le bas de ligne et c’est quasiment tout. Pas besoin de gilet, de sac à dos, de musette, juste une poche de veste de treillis qui ne craint rien.

 

C’est une autre philosophie de la pêche, celle qui ne s’encombre pas de préjugés idiots dictés par les marques de leurres ou certains grands penseurs de la presse dite moderne ou sportive. On privilégie l’efficacité au consumérisme, la simplicité à la complication, la pêche active à la pêche au nouveau leurre super machin truc.

Non le manié n’est pas mort, car ma canne bande encore son blank pour me faire profiter quelquefois d’un moment de simple bonheur avec des montures bricolées dans mon garage et une technique pas si évidente qu’il n’y paraît.

Découvrir la technique du mort manié

Gardez la pêche

 

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