Je suis impatient comme un gamin, après demain je serais à la pêche comme des milliers d’entre vous. En 2013 cette ouverture m’avait inspiré et j’avais écrit cet article qui m’amuse toujours lorsque je le relis, il résume parfaitement mon état d’ esprit lors de cette journée si particulière.
Voici cet article très partiellement modifié pour l’ actualiser, bonne lecture.
Cette année encore je suis tout énervé et j’attends demain avec la même ferveur qu’une nonne attend le goupillon !
Demain samedi 11 mars 2017 c’est l’OUVERTURE !!!! Au cas où parmi les presque 4500 lecteurs journaliers de ce site, l’un de vous l’aurait oublié..
Donc dès après demain, je serai prêt aux aurores pour pouvoir lancer mon vairon à 6h33 (soit une demi heure avant l’heure légale du lever du soleil définie à 7h03). Comme d’habitude je serais speed, plutôt nerveux, plutôt ronchon, pas patient pour un sou et jaloux du premier qui aura l’outrecuidance de prendre une truite avant moi. Je serai limite discourtois avec ceux qui me gratifieront d’un bonjour sincère, je serai tel un ours qu’on dérange dans sa tanière.
Mon épouse s’écartera, pas pour pêcher ailleurs mais pour ne pas avoir à subir mes réflexions incessantes et énervées du genre « branche de mer.e », « put..n de tresse de mer.e ! », « trop d’courant », « keskifoula çuila ? ».
Samedi, prenez deux petites minutes et regardez vous, regardez les autres, c’est riche d’enseignement. A l’aube personne ne viendra taper la causette, personne ne s’attardera à admirer le paysage. Tout le monde sera ultra pressé, ultra concentré, impatient de jeter sa ligne à l’eau, moment libératoire et presque jouissif après tout ce temps passé en préliminaires à préparer son matériel.
Cette communion solennelle avec la rivière est attendue de longue date et représente l’espoir d’une année nouvelle, année où s’enchaîneront les prises de poissons tous plus gros les uns que les autres, tous plus beaux….Ou pas !
Chez moi, l’excitation sera forte jusqu’à 9 heures avec le fol espoir d’une jubilation d’avoir pris quelques poissons ou la grosse poponne du secteur. La tension finira par redescendre à l’appel du casse croûte, au cri si particulier de la bouteille de Bourgogne blanc à qui l’on arrache son bouchon de liège avec un certain savoir faire du à bon nombre d’ouvertures précédentes (de bouteilles et de truites).
A ce moment là, l’arrivée de tout copain pêcheur à la voiture et arborant un grand sourire sera considérée comme une déclaration de guerre. Sûr qu’il en aura attrapé plus que moi avec ce sourire mesquin !!!! Ou alors il bluffe et vient à la pêche aux infos ???? Lequel va demander en premier combien l’autre à pris ? Buvons un coup, on verra bien !
Et oui la jalousie, l’envie, la convoitise sont aussi l’apanage du pêcheur, c’est humain. Ce n’est pas tant le poisson qu’il veut, c’est prendre le poisson, déclarer à la face du monde qu’il est un grand pêcheur et un grand guerrier…….Et en ce jour d’ouverture où les passions sont exacerbées, c’est typiquement le raisonnement que je me fais sans bien entendu me rendre compte du ridicule de la situation.
Le jour de l’ouverture je ne suis plus moi même, j’ai oublié mon sens critique à la maison. Ce dernier m’attend patiemment posé sur mon clavier d’ordinateur, attendant que je rentre et qu’enfin je fasse le point le plus objectivement possible. Au bord de la rivière, j’aborderai les postes n’importe comment et le plus vite possible dans l’espoir de prendre, prendre et reprendre..Mon œil critique s’attardera toujours sur les autres et je repérerai immédiatement leurs défauts, technique, matériel, comportement, je me gausserai en moi même de l’autre alors qu’en réalité je suis pire. Trop pressé et trop excité, je pêcherai mal et j’en oublierai certainement une pince au sol ou rangerai une bobine dans la mauvaise poche du gilet en pestant ensuite de ne pas la retrouver.
Je ne suis pas l’ombre de moi même ce jour là mais le pire de moi même, un être autoritaire qui s’engueulera tout seul s’il décroche une pauvre truite de bassine. Imaginez si je décroche trois ou quatre poissons, c’en sera fini de ma zénitude pour le reste de la journée.
Pourtant, à chaque fois, la pression retombe à mesure que mon verre de blanc se remplit. Après le casse croûte, toujours rapide (on ne sait jamais si un autre prenait ma truite du trou sous la roche..) c’est le retour au bord de l’eau, certes moins speed car le divin breuvage apaise le guerrier mais toujours avec cette envie chevillée de combattre et de gagner.
Ce n’est que vers 11h30, lorsque sonnera le gong de la fin du match que je rendrai enfin les armes. Je me déclarerai ou vainqueur ou bien vaincu et tel Vercingétorix après la bataille d’ Alesia, j’irai déposer mes cannes au pied de la voiture, symbole du retour à la paix des hommes.
Ensuite ce sera la buvette, montée pour l’occasion par un président d’AAPPMA qui pense à guérir les âmes de ses pêcheurs. Là je n’aurai plus aucune jalousie, j’aurai accepté ma victoire ou ma défaite, ou presque.
J’apprendrai là où ça a mordu, avec quelles techniques et je me dirai « ahh, j’aurai du faire comme ça.. » en rendant hommage au copain qui aura réussi. Ca chambrera, ça se gaussera, on écoutera en souriant les mythos, on prendra pitié du jeune débutant en lui donnant plein de conseils, on gueulera au vent contre les bracos, mais on sera rempli d’un indicible bonheur. Juste le bonheur simple mais immense d’ être là, au cœur de tout ce qui fait notre passion.
Et là au pied de la buvette, j’abandonnerai ce coté obscur de ma personne pour la sagesse apaisée du maître Jedi pêcheur du Morvan, j’écouterai les autres, je serai bien, j’attendrai patiemment le moment de rentrer jusqu’au lendemain matin où tout ce bazar recommencera dans ma tête, comme surement dans la votre …..
Après demain je n’aurai pas le temps de me moquer de moi, j’en profite donc un peu aujourd’hui. Amies truites planquez vous, j’arrive plus décidé que jamais !
Gardez la pêche.
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