L’évolution sociétale de la pêche depuis 40 ans

La pêche a grandement évolué depuis une quarantaine d’ année, passant du moment de détente à celui de sport avec comme corollaire des dépenses de plus en plus importantes pour la pratiquer. Ce petit moment de communion avec la nature et de connexion avec son instinct de prédateur le plus primaire est aussi devenu un moyen de se positionner socialement et cet état de fait semble dorénavant surpasser les autres effets de la pêche.

Un bref retour en arrière, nous sommes en 1980 et la pêche tendance chez les personnes qui en ont les moyens est la mouche fouettée, bien que le lancer léger pour la truite talonne grandement la mouche. A la pêche c’est surtout le lancer léger qu’on croise au bord de l’eau, il reste quelques pêcheurs à la canne et au ver mais de moins en moins.  A cette époque on a guère le choix, c’est un Mitchell 300 et une canne en fibre de verre et bien que cela coûte déjà cher pour l’ époque le pêcheur n’a pas besoin d’autres cannes.

 

Quelques années plus tard vont arriver les moulinets japonais puis les cannes carbone et suivant cette révolution c’est la mode du mort manié qui précédera l’ engouement envers les carnassiers. Chacun achètera sa canne manié et son moulinet adapté, puis viendra la tirette et notre pêcheur comptera désormais au moins trois cannes et trois moulinets pour officier.

Avec le leurre dur, puis souple, ce sera encore l’occasion d’investir dans plus de matériel et ce sera la débauche avec le casting. Désormais tout bon pêcheur des années 2005 se devait d’avoir au moins une dizaine de cannes et tous les magazines, seuls vecteurs de com à l’époque s’en faisaient l’ écho.

Les pêcheurs classiques ont vite lâché l’affaire, laissant aux énervés, aux insatiables, aux curieux, aux passionnés, le soin d’aller piquer les carnassiers avec tout le matériel rutilant.

 

Puis au zénith de cette évolution vinrent les cannes hors de prix, tout le monde voulut alors pêcher avec le top du top en matière de matériel, canne à 1000 euros, moulinet au même prix pour finalement continuer d’investir dans le fol espoir de devenir un meilleur pêcheur.

On retrouve un peu cette histoire dans un vieux film avec Bourvil et Louis de Funes dans « Poisson d’avril » avec cette course effrénée au matériel. Je vous le conseille, il s’adapte parfaitement à notre époque comme quoi l’humain ne changera jamais.

 

Tout ceci à bien entendu plusieurs causes, la première en est l’ émulation entre pêcheurs. L’émulation ou jalousie envieuse positive en langage courant est la première étincelle qui nous fait investir dans la pêche. Rappelez-vous le premier beau moulinet du copain, comme vous aviez eu envie d’ avoir le même, puis vous l’avez finalement eu, même en mieux…. Et il a pris plus de poissons que celui de votre copain !

La seconde cause à cette course éperdue est l’amour du beau matériel, il est vrai que l’on peut se satisfaire d’une canne premier prix qui prendra autant de poisson mais posséder un « truc » d’exception, bien à soi, satisfait tout homme ou toute femme. Et pour un pêcheur la satisfaction est quelquefois plus forte dans la possession d’une canne ou d’un moulinet que dans celle d’un poisson.

La troisième est justement le positionnement social. Plus on a d’ argent, plus on va acheter un outil cher. C’est inconscient chez tout homme comme me l’avait expliqué un jour mon prof d’ éco au lycée. Bon salaire veut dire beau matériel même si piètre pêcheur et par là, le bon pêcheur pauvre qui pêche avec du beau matériel se retrouve hissé au même barreau de l’ échelle sociale que son homologue fortuné mais mauvais disciple de Saint Pierre.

On a vu arriver avec la mode des gros bateaux et des énormes sondeurs, cette course à l’ armement inutile sauf en de très rare cas. Pourquoi acheter un gros bateau si on n’a aucun lac près de chez soi pouvant l’accueillir ?  Est il raisonnable de s’endetter sur plusieurs années pour quelques sorties annuelles ? Mais on s’en fout, on le voulait et on l’a, maintenant on le regrette un peu mais les copains sont admiratifs et ça satisfait notre petit égo. On retrouve aussi ce comportement avec les voitures, les piscines, bref tout ce qui est un moyen de se positionner par rapport à ses contemporains même si on ne l’ a pas fait pour ça.

 

Mais tout ça a bien entendu des effets pervers, et ces effets se font ressentir dans la pratique de la pêche. Il en va pour certains des amitiés d’intérêt, où on délaisse son vieux pote qui pêchouille pour s’associer avec un « bon ». C’est aussi là un moyen de sortir de sa condition et de s’élever aux yeux des autres sauf que si le premier n’est pas bon il passe juste pour un faire-valoir. Un autre effet pervers arrive avec le socialement correct, pire avec le socialement correct facebookien. L’ancien quasi braco qui devient un chevalier blanc et se met publiquement à faire la morale aux autres….Ça a au moins le mérite de faire rire…

Malheureusement ces effets pervers de ce positionnement social tronqué entraînent souvent un comportement peu approprié  tel que l’absence d’investissement en aappma. On se la joue un peu, on doit assurer des prises, faire parler de soi et donc on critique sans apporter de solutions ni même aider. On finit par considérer qu’il y a une exigence de service à partir du moment où l’on a acheté sa carte de pêche et c’est pourquoi c’est si souvent le boxon au bord de l’eau.

 

Tachons de rester nous-mêmes, ce que nous sommes vraiment mais c’est mission impossible car l’être humain n’est qu’en perpétuelle recherche de reconnaissance.

Bref, la pêche a-t-elle évolué en bien ou en mal ? Cette évolution sociétale est-elle bénéfique aux pêcheurs ou au milieu ?  Avec le confinement, vous pourrez au moins réfléchir à tout ça.

Gardez la pêche.

 

18 réflexions au sujet de “L’évolution sociétale de la pêche depuis 40 ans”

  1. Toutes les activités de nature ont suivi ce chemin, avec moins d’amateurs purs et davantage de gens bien informés, bien formés parfois, bien équipés. Mais la pêche a davantage évolué socialement.

    Chasseur passionné devenu pêcheur en fonction de la réduction drastique de ses capacités physiques, ce n’est rien de dire que je suis tombé sur le cul. Il y 55 ans, j’étais un gamin qui pêchait. Mon épouse me rappelle que chez elle, si ses frères prenaient du poisson pour en faire un repas, c’était important dans une famille d’ouvriers.

    Y a t’il moins de pauvres ou plus de cons ? On m’a menacé de me virer et on m’a traité de troll sur deux fora de pêche ! Je croyais que c’était un gag, mais non : interdiction de parler cuisine de la pêche, interdiction de montrer tout poisson non vivant (je n’écris pas “mort”, c’est un mot tabou). Les gens semblent parfois avoir un certain niveau socio-culturel et écrivent avec peu de fautes. Manger ses prises serait à peu près du niveau de sodomiser sa grand-mère, bien que ceci n’est pas fait débat.

    En gros le VRAI pêcheur mange une fois l’an quelques perches en se sentant coupable – et va plutôt manger du poisson cru à la japonaise – respecte les vartiaux et autres vairons comme n’importe animal humain ou non humain, pêche d’un côté du bateau pour libérer de l’autre. Car visiblement planter du fer juste pour le fun, c’est encore très bien (mais interdit en Helvétie).

    Je suis heureux que la chasse soit restée la chasse, on se limite au niveau des prises, du bag limit au plan de chasse grâce aux comptages. La consommation de nos pièces est une fête assumée.

    Je suis un vieux (et pauvre) pêcheur à l’ancienne et c’est tout bizarre …

  2. Bonjour sylvain tu parle de noisetier tu te souvient des parties de pêche avec une bobine de fil un plomb voir une pierre dans un bout d’alu de paquet de clope et une sauterelle pour prendre des perches .Et cette truite qui revenait systématiquement dans le mème trous de plus en plus petite bien sur les bonnes époque de l’innocence.allé jarrette ce confinement me rend nostalgique!!

  3. Salut,
    Finalement, on retrouve tous les travers et tous les bons côtés de la société dans le microcosme de la pêche …

    • Pas faux…
      Sauf que c’est un “loisir” qui se veut “écolo”, “proche de la nature”, pas tout le temps cohérent avec les pratiques observées…

  4. Ecologiquement parlant la pêche était mieux il y a 40 ans, je pense. Mais je n’étais pas encore né! ;-())) Moins de km avalés, moins de dechets produits, plus de simplicité, moins de course à la performance, les poissons davantage consommés (nourriture “locale “), moins de “business only”,… donc moins de CO2 produit. Aujourd’hui on gère davantage les pêcheurs que les poissons et leurs milieux, sauf que les intérêts ne sont pas forcément concomitants… notamment du fait du business pêche…
    Vision perso…
    Mais vivement qu’on puisse y retourner :-((
    Je me suis émerveillé de prendre une carpette et un carassin dans ma mare…

  5. Salut Sylvain ; encore un superbe article, merci.
    Comme tu le dis à juste titre j’ai moi aussi débuté avec le lancer jaune d’1,80 mètre payé de mémoire 11 francs avec des anneaux métalliques qu’il fallait changer régulièrement puisque le nylon avait la fâcheuse tendance d’entrailler au bout de quelques séances de pêche et la poignée jaune en plastique rainurée avec des bagues en plastique noir non préformé.
    C’était un autre temps ; le moulin dont tu parles le fameux Mitchell 300 était une référence mais c’était le haut de gamme ! Personnellement ayant des moyens plutôt limités j’avais au début dans le bas de gamme de chez Mitchell le 320 et le 324……
    Les deux époques avaient chacune leur propre charme ; il a fallu ensuite s’adapter au matos d’aujourd’hui. J’arrête le descriptif craignant de passer pour un vieux con.
    À bientôt……. une fois qu’on pourra à nouveau tremper un bout de crin dans l’eau.

    • Salut Didier, un amoureux du bon matériel comme toi n’a pas eu un 300 ? Je t’échange tes cannes Loomis contre un 300 en état correct ? J’ai hérité moi aussi d’un 320 de mon arrière grand père que j’ai malheureusement cassé en chutant au bord de l’eau. On n’est pas des vieux con, quoique… Mais j’ai quand même un pointe de regret quand je pense à ma jeunesse à la pêche. A bientôt au bord de l’eau ou devant un maxi jaune !

      • Bonjour, mais non on est pas des vieux cons! !! On avance moins vite sur le bord des rivières, que les jeunes , c’est tout!! Un jeune pressé de doubler le vieux avec son matos performant, va courir devant, et au final l’ancien coureur de berges va faire son panier tranquille!!! N’est ce pas les vieux cons????☺!!!

  6. Bravo pour votre discour. Effectivement plus de pêcheurs nouvelle génération, et ca brille bcp. Super matos et caméra indispensable pour faire n importe koi… Je rigole bcp.

  7. salut Sylvain,
    toi qui comme moi sommes confinés(pour la bonne cause) il aura t il un geste de la part de nos dirigeants nationaux sur le tarif de la carte 2021.Car je pense pas que l’on reprenne notre loisirs de sitôt.
    bon confinement et à très vite le long de nos rivières.

  8. Salut Sylvain,
    J’avoue que je ne te rejoins pas trop dans ton analyse sociétale… Bon, peut-être que les pêcheurs qui veulent se faire mousser à tout prix existent, c’est même certain, mais ils sont une petite poignée. Peut-être aussi qu’on les entend plus que les autres… Personnellement je n’ai jamais eu le moindre problème avec le “niveau technologique” de mon matos, souvent très en-dessous des modes du moment, ça ne m’a jamais empêché d’avoir de bons rapports avec les autres pêcheurs mieux équipés qui ne me prenaient pas de haut non plus. On a toujours échangé, moi leur donnant des infos sur la tenue du poisson, eux sur les derniers trucs à la mode 😉 ! C’est justement ce côté “égalitaire” de la pêche, toutes classes sociales confondues qui me plaisait et qui me plaît toujours. Le positionnement social est justement atténué grâce à la pêche. La dérive “Facebookienne” est un phénomène commun aux réseaux sociaux mais c’est en train de s’essouffler, surtout actuellement… Bref, tous les vrais pêcheurs ont cette étincelle au fond des yeux qui fait qu’ils se reconnaissent tout de suite quelque soit leurs différences sociales. J’ai des amis pêcheurs de tous horizons : Avocats, maçons, médecins, couvreurs, chercheurs, chômeurs à vie, cinéastes animaliers, plombiers, flics etc,… et ils sont tous à fond la pêche! Peu importe leur “niveau social”, une fois au bord de l’eau ils sont tous frères et ça se voit. C’est mon point de vue, peut-être naïf, mais mainte fois vérifié 🙂 !

    • Salut Polo, en effet ce sont ceux qu’on entend le plus qui m’ont fait faire cette analyse. Même si tu ne le ressent pas trop, ça en prend le chemin à mon avis et cette fraternité qui à mon sens était portée par les sociétés de pêche tend à disparaître au profit du pêcheur qui ne s’implique pas et qui consomme du produit pêche comme du Mc Do.

  9. Bonjour sylvain, très bon raisonnement dans ton article! On raisonnent tous pareillement! Mais bon, pour ma part je suis assez solitaire dans ma pêche principale à la truite, et peu importe le prix et la notoriété de mon matos, peu de monde le voit! ! il est vrai que, par contre, au carnassier, par rapport a d’autres pêcheurs avec mon matériel vétuste, certains doivent rire, mais ça se passe bien à l’heure de l’apero, j’ai toujours ce qu’il faut dans la glacière! Et l’important, c’est de prendre plaisir à notre passion de la pêche, peu importe le matériel, l’équipement, le look de chacun! N’est ce pas? Et la en ce moment, ce foutu confinement nous prive de notre loisir préféré, marre!!!! @+!!

    • Bonjour, a titre perso j’irai pêcher avec une baguette de noisetier s’il le fallait mais j’ai discuté avec des grands ados et de jeunes adultes qui voient la pêche comme un sport avec une performance à accomplir, ils pensent plus matos que pêche.
      Et tu as raison, vivement la fin de ce foutu confinement

Les commentaires sont fermés.