Communiqué FNPF: Barrages de la Sélune : un démantèlement inopportunément suspendu par la ministre de l’Ecologie

logo fnpfCe jeudi 4 décembre, la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, a rencontré les opposants et les partisans du démantèlement des barrages de Vezins et la Roche-qui-Boit sur la Sélune dans la Manche.

Un déplacement quelques jours après la clôture de la commission d’enquête qui a conclu favorablement à la déclaration d’intérêt général de l’opération de démantèlement.

Une nouvelle démonstration de démocratie participative qui ouvrait la voie à la phase opérationnelle de l’arasement, en particulier la vidange à partir de 2015. Surtout la phase inédite de renaturation et développement d’un projet de territoire, de croissance verte et d’activités économiques nouvelles et diversifiées, aurait nécessité toutes les énergies y compris celle de l’Etat et des collectivités.

Au lieu de cette impulsion et de ce soutien, Ségolène ROYAL a, au contraire, mis en perspective le coût élevé des travaux, la possibilité d’un équipement assurant la continuité biologique et sédimentaire ainsi que la production d’une énergie renouvelable, pour proposer la recherche de solutions alternatives.

Chacun de ces arguments serait certainement recevable si la séquence liée à l’arasement de ces ouvrages n’était pas ouverte au mieux depuis 1986!

Barrage de Vezins  photo La manche libre
Barrage de Vezins photo La manche libre

Ces ouvrages sont purement et simplement en contradiction avec la Directive Cadre sur l’Eau, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, le SDAGE, le SAGE Sélune et toutes les concertations locales. Plus grave, la ministre fait fi d’une décision de justice et de l’expiration du délai de mise en demeure d’assurer la libre circulation de la biodiversité. C’est enfin oublier nos obligations au regard du plan de gestion de l’anguille pour les besoins duquel les ouvrages de la Sélune sont prioritaires.

Pour Claude ROUSTAN, Président de la FNPF « C’est une très mauvaise nouvelle pour la biodiversité, pour l’environnement et pour le débat local. Chacun des arguments avancés par la ministre a déjà fait l’objet d’âpres discussions, d’analyses sérieuses et de propositions circonstanciées. Ils n’ont jamais constitué un obstacle contrariant l’arasement car aucune autre solution alternative n’est viable et justifiable. C’est à ce titre que tous les décideurs qui se sont succédés[2] au poste de ministre de l’Ecologie ont maintenu la ligne d’une solution exemplaire d’arasement.

Cette reculade, si elle est confirmée, accentuera davantage la dévaluation de la parole politique. Ce retournement inattendu, anachronique et décevant  est un déni des engagements du monde de la pêche pour la biodiversité. La biodiversité n’étant pas en contradiction avec le développement durable de cette vallée.

Nous espérons que nous allons revenir à la sagesse, car ces ouvrages sont  sous le coup d’une décision de Cour d’appel à laquelle nous n’hésiterons pas à faire produire tous les effets sans oublier le recours aux instances européennes.»

Nos structures locales, la fédération départementale de pêche de la Manche et l’Union Régionale des fédérations de pêche de Bretagne, Basse-Normandie et Pays-de-La-Loire (URBBNPL), ainsi que les AAPPMA de la Manche rappellent qu’elles sont engagées depuis de nombreuses années dans le processus d’élaboration d’un projet de développement durable de la vallée et du territoire. Les différents projets identifiés autour d’une maison de l’environnement et des milieux humides, de la pêche de loisir et de son animation sur le territoire, du tourisme en particulier des poissons migrateurs peuvent constituer l’un de ces leviers de développement économique dont cette région a besoin.

Dans la même rubrique, Communiqué de Presse des  Amis de la Sélune ci-dessous :

https://www.facebook.com/pages/Les-Amis-de-La-Sélune/124011074385300?fref=ts

 

ANNEXE

Barrage de la roche qui boit -- Photo la manche libre
Barrage de la roche qui boit — Photo la manche libre

Historique des décisions en faveur de la renaturation de la vallée de la Sélune

La vallée de la Sélune est un des tous premiers bassins historiques à saumon atlantique de France pour lesquels les grands barrages de Vezins et La Roche-qui-Boit forment des obstacles insurmontables à leur migration pour se reproduire, mais aussi accomplir leur cycle biologique et pouvoir repartir en mer. Sa réouverture est un projet de longue date qui est passé par une suite d’engagements politiques forts, de poursuites judiciaires et de décisions administratives de la part des pouvoirs publics en place qui se sont succédés sur ce dossier :

  • 1986 : classement de la Sélune au titre de la libre circulation des poissons migrateurs (classement reprenant un précédent classement de … 1924 !). Ce classement imposait déjà la mise en place pour les deux barrages de dispositifs assurant la libre circulation des poissons migrateurs (saumon, truite de mer, aloses, lamproies, anguille). Les études menées alors par EDF, en charge de l’exploitation des barrages, ont conclu à l’impossibilité technique de réaliser de tels dispositifs. A publication de l’arrêté de 1986 fixant la liste des espèces migratrices du bassin de la Sélune, EDF disposait d’un délai de 5 ans pour se conformer à ses obligations et se mettre aux normes.
  • 1991 : le délai de 5 ans ayant expiré le 3 janvier, EDF exploite désormais de façon irrégulière.
  • 1993 : vidange catastrophique des ouvrages qui pollue la baie du Mont-Saint-Michel pendant des semaines : l’enjeu de la restauration de la Sélune devient très concret.
  • 1996 : le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie vise entre autres les barrages de la Sélune et rappelle qu’il convient de s’orienter vers le non-renouvellement des concessions hydroélectriques là où les conditions de libre circulation piscicole ne peuvent être respectées.
  • 2006 : Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques donnant le cadre juridique de la réouverture de la vallée, projet jugé d’autant plus pertinent que la dégradation de l’eau (eutrophisation, stockage de substances dangereuses) a été amplifiée par les barrages ; étude de 3 scénarios et décision de l’effacement des barrages par la Commission Locale de l’Eau du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) de la Sélune.
  • 2007 : fin de concession des barrages ; approbation du SAGE et donc des effacements.
  • 13 novembre 2009 : annonce par la Secrétaire d’Etat à l’Ecologie Chantal Jouanno de l’effacement des barrages à l’occasion du lancement du Plan National de Restauration de la Continuité Ecologique (PARCE, un minimum de 60 000 ouvrages recensés sur les rivières de notre pays). Les concessions des barrages de Vezins et de la Roche-qui-Boit ne sont donc pas renouvelées. Néanmoins, depuis 2007, EDF continue son exploitation dans le cadre de “délais glissants” tant que l’arrêté de fin de concession n’a pas été signé par le Préfet de la Manche sur décision de la Ministre.
  • 2010 : inscription de la Sélune en Zone d’Action Prioritaire pour le rétablissement de la transparence migratoire dans le Plan de Gestion Anguille français adopté par la Commission Européenne en application du Règlement européen sur l’anguille de 2007 ; mise en demeure par jugement de la Cour Administrative d’Appel de Nantes du 26 novembre 2010 de garantir le franchissement des poissons migrateurs d’ici à fin décembre 2013.
  • 21 février 2012 : le démantèlement des deux barrages, accompagné d’un programme ambitieux de développement durable de la vallée dans le cadre d’un contrat de territoire, est définitivement confirmé par la Ministre de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet ; le calendrier annoncé prévoit la vidange de la retenue supérieure à partir de 2015 et la renaturation de la vallée pour 2018.
  • 3 juillet 2012 : la Ministre de l’Ecologie Delphine Batho confirme la décision prise en novembre 2009 de ne pas renouveler les titres d’exploitation hydroélectrique des barrages et le Préfet de la Manche notifie à EDF la décision d’arrêt de cette exploitation. Afin de garantir la sûreté des ouvrages et la sécurité publique, EDF en poursuivra la gestion jusqu’à la vidange complète des retenues.
  • 6 mai 2013 : les élus locaux confient au Syndicat Mixte du pays de la Baie du Mont-Saint-Michel la réalisation d’une étude pour définir un projet de valorisation socio-économique de la vallée de la Sélune.
  • 23 avril 2014 : avis circonstancié de l’Autorité environnementale du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) faisant suite à la concertation publique qui s’est déroulée du 17 février au 31 mars 2014.
  • 26 mai 2014 : décision par arrêtés de l’autorité environnementale pour les projets de mise en compatibilité des Plans Locaux d’Urbanisme des communes riveraines dans le cadre de l’effacement des barrages.
  • 24 novembre 2014 : avis favorable à la demande d’autorisation au titre de la Loi sur l’Eau de l’opération de démantèlement des barrages consécutif à l’enquête publique qui s’est déroulée du 15 septembre au 17 octobre 2014, ayant recueilli 53 % d’avis favorables (contre 47 % d’avis défavorables) sur un total de 4 589 opinions exprimées.
  • 4 décembre 2014 : une semaine après la Conférence environnementale, Ségolène royal remet en cause le processus engagé depuis 1986 et toutes les précédentes décisions ministérielles successives. Elle affranchit ainsi l’Etat de la mise en demeure prononcée par la Cour Administrative d’Appel de Nantes le 26 novembre 2010 à l’attention d’EDF de garantir le franchissement des poissons migrateurs au 31 décembre 2013.

 

[2] Cet arasement a été annoncé en 2010 par la Secrétaire d’Etat, Chantal JOUANNO et confirmé par la ministre de l’Ecologie Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET et Delphine BATHO en 2012

 

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