Quid de l’importation des matériels de pêche rares en France

Il y a de cela quelques mois, un lecteur m’ a posé une vraie colle et m’ a donc donné l’idée de cet article qui sort un peu du cadre habituel mais qui intéressera nombre d’entre nous.

On voit régulièrement des gens se plaindre que de superbes cannes ou moulinets, voir des  leurres de référence à l’étranger , ne sont pas importés en France par leur distributeur exclusif. Nous avons donc contacté les trois plus grands distributeurs pour le savoir :  Daiwa France qui importe toute la gamme Daiwa, Normark qui distribue Rapala, Shimano et Storm et Ultimate fishing pour Megabass et Tenryu.

Nous avons volontairement écarté Svendsen Sport pour  Savage Gear et Dam, Rivolier pour Sakura Sert,  Sensas pour Illex et Gunki, Smith Europe  et les distributeurs implantés à l’étranger comme Fox ,Westin et Pure fishing.  Une raison simple à ce choix, sans ostracisme aucun, ces entreprises importent soit la totalité ou presque du catalogue de la marque, soit ont fait le choix d’une marque propre à eux.

Plutôt que d’écrire un simple article d’ après les propos qu’ils m’ont relaté j’ai choisi de le faire sous forme d’une interview.

Un grand merci pour leur collaboration à cet article à :

  • Guillaume Fourrier, directeur marketing Daiwa
  • Philippe Guigo, directeur général, responsable Shimano
  • Alban Choinier, Brand & Product coordinator (Rapala, Storm, Blue Fox, Williamson)
  • Yannick Cordier, PDG d’ultimate Fishing
  • Nicolas Cadiou, responsable communication Ultimate Fishing

 

Ultimate Fishing : Avant de commencer à répondre à ce questionnaire, nous souhaitons préciser que le rôle d’importateur ne constitue qu’une partie du métier d’Ultimate Fishing. En termes de « volume », plus de la moitié de notre activité concerne des produits que nous développons en interne à Belle Ile en Mer ou en collaboration avec nos partenaires japonais. Nos réponses à ce questionnaire concernent donc uniquement une partie de notre gamme de produits.

Esoxiste.com : Qui sélectionne les produits qui seront importés en France ? Une seule personne, un comité ou l’ensemble des commerciaux qui connaissent leur marché ?

Ultimate fishing : Une première liste de souhaits est établie en collaboration avec notre équipe d’ambassadeurs, on y rajoute les suggestions que les commerciaux remontent de leurs échanges avec les détaillants et les pêcheurs qu’ils croisent au quotidien. Notre service communication y ajoute ensuite toutes les suggestions que les pêcheurs nous font sur les réseaux sociaux, par mail ou sur les salons.

Un comité de 8 personnes(les commerciaux, la direction et le responsable de la communication) examine ensuite chacune de ces suggestions ainsi que les derniers échantillons que nous présentent les fournisseurs.La première étape se déroule sous la forme d’un tour de table où chacun prend la parole et donne son ressenti sur chaque produit.

Les produits qui passent cette étape (c’est le cas pour la plupart d’entre eux) sont examinés une seconde fois quelques mois plus tard suite à une phase de tests sur le terrain et de consultation de nos revendeurs partenaires. Ceux qui ne nous semblent pas assez convaincants en termes d’efficacité ou qui ne présentent pas une réponse à une demande réelle de la part des pêcheurs sont retirés de la liste.

Les produits restants après cette étape sont ajoutés à notre gamme.

Daiwa :Daiwa France crée ses propres produits, en priorité dans les usines du groupe Daiwa, selon les besoins des pêcheurs français et d’une partie de l’Europe.

Certains produits conçus par Daiwa Japon trouvent leur place dans nos magasins, nos chefs produits sélectionnent ces produits selon les critères techniques, d’usage, de prix et de technologie.

En interne chez Daiwa, il y a un nombre grandissant de passionnés de pêche. Nous sommes toujours fascinés par l’arrivée des nouveaux produits de la maison mère Daiwa Japon. Ensuite, il faut faire des choix de manière pragmatique selon les demandes réelles des consommateurs. Bien entendu, les commerciaux sont aux premières loges et nous remontent des informations précieuses pour ces décisions.

Shimano : C’est un comité qui comprend des commerciaux, les pro-staff et la direction.

Rapala Storm : C’est un choix collégial. On intègre les commerciaux, les pro staff et la direction quand les projets ont beaucoup d’ampleur.

  

Esoxiste.com : Comment faites vous pour savoir ce qui va ou risque de marcher en France au niveau des leurres ou des coloris ?

Ultimate Fishing : L’expérience de notre équipe commerciale et l’étude des statistiques de ventes de produits proches nous permet de nous faire une première idée. Les tests sur le terrain viennent la plupart du temps confirmer cette première impression mais peuvent parfois nous faire faire marche arrière ou au contraire nous pousser à porter encore plus d’intérêt à un produit.

Daiwa : Le mot clé de la question est « risque ». Nous devons donc minimiser les risques de voir un coloris dormir en stock. Nous appliquons la même méthode pour l’ensemble de nos produits. Nous observons les ventes passées avant tout pour diminuer ce qui ne fonctionne pas ou mal, et augmenter les gammes qui plaisent aux pêcheurs. Certains coloris fonctionnent très localement, d’autres sont des incontournables partout en Europe. L’univers fascinant des leurres évoluant très vite, nous observons les tendances et sommes à l’écoute des expériences de terrain pour parfois essayer des coloris originaux, qui peuvent nous apporter de bonnes surprises.

Shimano : pas concerné

Rapala Storm: nous nous appuyons sur nos années d’expérience et nous possédons aussi les statistiques établies sur tous les modèles précédents depuis de nombreuses années qui nous permettent de faire le bon choix. Mais depuis cette saison, il n’y a plus de choix à faire car nous proposons dorénavant au catalogue la quasi-totalité des coloris et pratiquement tous les leurres Rapala, Storm, Blue Fox et Williamson. Seuls quelques produits inadaptés à nos usages ont été écartés.

 

Esoxiste.com : Pourquoi le très haut de gamme japonais ou américain  n’est que très rarement importé alors qu’il y a un marché, certes petit mais il existe. Je pense aux cannes Loomis, aux cannes Shimano Lesath, aux  cannes Megabass, aux  tailles et modèles  spéciaux  de moulinets Daiwa , Shimano, à certains modèles de leurres Mégabass, Gancraft, Duo et autres… ?

Ultimate Fishing : Certains produits répondent à des exigences très spécifiques au marché japonnais (matériel destiné à la pêche de l’ayu, du flat fish ou des breams par exemple) et ne présentent que rarement un intérêt avéré pour les pêcheurs européens. Dans ces cas là, nous préférons ne pas référencer plutôt que d’ajouter à notre catalogue un produit peu utile ou peu efficace sur notre zone. Au contraire, quand nous identifions un marché (même petit) pour un produit et que nous savons qu’il présente un vrai intérêt en France, nous le référençons.

Les exceptions à cette règle concernent généralement des produits pour lesquels il s’agit de séries très limitées ou encore de produits sur lesquels le fournisseur n’est pas capable de nous assurer une capacité de livraison régulière sur l’année. La disponibilité de notre stock et la capacité à livrer les magasins en 24 h (pour les leurres et les accessoires) à 48 h (pour les cannes) fait partie des services principaux de notre entreprise et nous faisons vraiment attention à faire le maximum pour conserver ce niveau de service auprès des détaillants. C’est la raison qui nous amène parfois à ne pas mettre au catalogue un produit si le risque de rupture est trop important.

Nous avons cependant pour habitude de répondre aux demandes des pêcheurs qui souhaitent s’équiper de certains produits qui ne figurent pas à notre catalogue. Sous réserve que le produit soit en stock chez le fournisseur et avec un délais de livraison un petit peu plus important que celui que nous proposons d’habitude, nous accédons très régulièrement aux demandes de commandes spéciales que les pêcheurs formulent par l’intermédiaire de leurs détaillants.

Daiwa : Je pense avoir répondu en partie à cette problématique et je ne suis pas forcément d’accord avec la question très orientée qui suppose une incompétence des marques. On parle d’un marché lorsqu’il y a une véritable opération entre le vendeur et le pêcheur. Bien souvent pour les produits hauts de gamme, une poignée de pêcheurs rêvent devant des produits d’exception mais lorsqu’ils se trouvent en vente, le prix les font redescendre sur terre.

Pour rester sur les leurres, généralement le choix d’un modèle n’est pas anodin. Il faut réaliser les traductions des packagings, les schémas techniques, les photos et les campagnes de pub si nécessaire. Tout cela dans le but de vendre les centaines de pièces à la couleur et à la taille que l’usine de fabrication nous impose.

Nous faisons le maximum pour répondre aux attentes des spécialistes. Nous avons ces dernières années introduit dans notre offre des produits rockfishing, Egging, ISO, tenya et notre offre de leurres s’agrandit généreusement avec des rubberjigs, chatterbaits et autres frogs en élastomère pour ne citer qu’eux. Nous faisons donc le maximum pour répondre à toutes les attentes, en respectant un seuil minimum de vente.

Shimano : Le marché des cannes US en France est effectivement petit. Nous avons déjà lancé des produits assez confidentiels et les ventes ne sont pas au rendez-vous. Les cannes Lesath ont une action progressive qui ne plait pas vraiment localement, nous les « essayons » en comité en nous prenons ensuite la décision. La gamme Shimano est maintenant « mondiale » à quelques exceptions près (moulinets pour des techniques non pratiquées localement). Nous distribuons les modèles JDM = Japanese Domestic Market comme le Cardiff ou le Sephia cette année.

Rapala Storm : pas concerné, de plus tous les leurres Rapala sont fabriqués en Europe.

 

 Esoxiste.com : Est-ce que les maisons mères vous imposent certains produits et vous en interdisent d’autres ?

Ultimate Fishing : Mis à part quelques rares séries limitées à d’autres régions du monde que nous n’avons pas le droit de commercialiser, non les fournisseurs nous laissent très libres dans nos choix de produits.

Daiwa : Daiwa est une marque leader dans le monde de la pêche et le groupe ne fonctionnerait pas sans des règles à respecter au niveau mondial. Il y a notamment des produits phares à forte valeur ajoutée qui annoncent les tendances et technologies du futur. Je pense au dernier moulinet EXIST LT qui doit, bien sûr, faire partie de notre gamme. Pour ce type de produit, la technologie prime. Les lancements de ces produits d’exception sont d’ailleurs mondiaux désormais avec, depuis 3 ans, des lancements en avant-première mondiale en France à l’occasion du salon de Clermont-Ferrand, ce dont nous sommes très fiers !

Shimano : non. Le choix est libre mais nous essayons toujours de répondre aux    demandes du marché.

Rapala Storm : Non, nous avons toute latitude, il n’y a aucune obligation ni interdiction. Par contre, nous n’allons pas distribuer une cuillère conçue pour la traîne au saumon en Norvège si nous ne lui trouvons pas d’autre usage en France et en Europe continentale.

 

 Esoxiste.com : Comment, en termes de volume relatif à la pêche des carnassiers,  situez-vous le marché français par rapport à ces pays : Angleterre  Irlande compris,  Allemagne, Espagne, Scandinavie ?

Ultimate Fishing: Mis à part peut être sur la Scandinavie, ces pays se caractérisent par un partage assez comparable des techniques de pêche pratiquées et des volumes de ventes qui sont poussés principalement par la pêche de la carpe et par la pêche des carnassiers. On y note aussi que la pratique de la pêche des carnassiers et plus particulièrement la pêche au leurre est celle qui se développe le mieux depuis maintenant plusieurs années.

Daiwa : Le carnassier est très développé en Allemagne et en France et reste une pêche en croissance dans l’ensemble des pays européens.

Shimano : très similaire aux leurres

Rapala Storm : La France est un marché parmi les plus importants et les plus matures en Europe en ce qui concerne la pêche au carnassier. Pour schématiser : l’Angleterre a au moins 5 années de retard en matière de technicité par rapport au continent ce qui influence le volume. L’Allemagne est assez proche de la France. L’Espagne est un marché plus petit parce qu’ils sont moins nombreux et la Scandinavie est un marché complètement à part. La pêche y est une activité traditionnelle familiale, donc très pratiquée mais d’une manière globalement moins spécialisée.

 

Esoxiste.com : Daiwa et Shimano, A titre d’exemple et si vous voulez bien communiquer là-dessus, combien importez-vous de moulinets en une année juste pour le marché Français ?

Combien de moulinets de moyenne gamme et combien de haut de gamme ?

 Daiwa : Beaucoup 🙂

Je vous laisse le soin de les compter sur notre catalogue général où les prix publics sont affichés :

Shimano : beaucoup… Mais c’est une information confidentielle.

Rapala Storm : pas concerné

 

Nous vous remercions de vous être prêté à ces questions  qui auront fait prendre conscience à notre lectorat de votre engagement financier dans l’importation de tous ces matériels de pêche, leur stockage, leur distribution sur le territoire.

Ultimate Fishing : En conclusion je noterai qu’importer du matériel de pêche c’est aussi un gros risque financier, de nombreuses personnes dépendent de cette filière et si les choix sont mauvais ce sont eux et non les pêcheurs qui peuvent subir les conséquences d’un mauvais choix

 

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