Pêche, environnement et civisme …

Il y a quelques semaines, j’ai pu assister à une pêche électrique sur la rivière Moselle entre Metz et Nancy, à Liverdun exactement.

Cette session était effectuée par la société Dubost Environnement, un bureau d’études en hydrobiologie, dans le cadre d’un échantillonnage piscicole de cette rivière.

Lorsque l’on parle de pêche électrique, l’image qui nous vient à l’esprit serait plutôt torrent, cuissardes et truites … C’est la première fois que j’assiste à une pêche électrique en bateau.

Franck Renard, chargé de projets et hydrobiologiste au sein du bureau d’études DUBOST Environnement et Milieux Aquatiques, nous présente l’entreprise pour laquelle il travaille:

-« Le domaine de compétences de Dubost Environnement s’étend à tout ce qui concerne l’écologie des eaux douces continentales (plans d’eau, cours d’eau, zones humides …), avec une spécialisation en ichtyologie et une grande expérience dans la réalisation d’inventaires piscicoles.
Nous intervenons généralement sur tout le quart nord-est de la France, mais pouvons ponctuellement travailler dans d’autres régions.
Nous travaillons habituellement pour des industriels, Conseils Départementaux, Syndicats de rivière/des eaux, DDT, DREAL, Communautés de Communes, VNF, AFB, autres bureaux d’études, et parfois pour des particuliers. »

Cette pêche électrique est réalisée dans le cadre d’une étude mandatée par la Commission européenne, et l’échantillonnage piscicole fait partie du réseau de contrôle de surveillance (RCS), mis en œuvre depuis janvier 2007.
Le RCS a pour but d’évaluer l’état général des eaux et son évolution au niveau d’un bassin, avec 2007 comme année de référence.
Cet échantillonnage est réalisé tous les deux ans, suivant une méthodologie et un protocole bien précis (lieux, date, type de matériel, etc …).

Installation et préparation du matériel

 

La pêche électrique s’effectue selon un protocole bien défini

 

Le tri des poissons avant comptage

 

Où l’on voit que le gobie est devenu plus qu’envahissant …

Depuis 10 ans environ (premières captures en 2007 sur le Rhin), certaines espèces de gobies, originaires de la mer Noire et de la mer Caspienne, arrivées par les eaux de ballast des navires, ont investi le Nord Est de l’Hexagone.

Ce poisson (4 espèces recensées pour le moment en Moselle), agressif et très vorace, a une capacité de reproduction exceptionnelle, épuise très rapidement les ressources en nourriture de son milieu (compétition alimentaire exacerbée), et chasse les autres variétés de poissons présents dans son habitat.

Les premières captures de gobie dans la rivière Moselle ont été signalées en 2011. Quelques individus par ci par là …

En 2018, on peut constater que le gobie à tache noire est devenu l’espèce la plus représentée en nombre d’individus.

Au vu des résultats de ces pêches depuis 2012 (données que Franck m’a aimablement communiquées), et sans être un grand spécialiste, on ne peut que constater une chute de densité de certaines espèces autochtones, notamment le gardon, dont l’espèce est fortement impactée par la présence du gobie.

Il y a quelques jours, au retour d’une session pêche sur le lac de Madine, quelle n’a pas été ma surprise de trouver des gobies abandonnés dans une barque amarrée sur la jetée.

J’avais déjà entendu parler de pêcheurs se servant de ce poisson comme vif pour la perche en Moselle, bien que l’utilisation de ce poisson comme appât soit interdite. Au vu de son stade d’invasion par cette espèce, la Moselle ne risque plus grand-chose à ce niveau là.
Mais je n’imaginais pas que des inconscients allaient en amener et s’en servir comme tels à Madine. Et quant j’écris des inconscients, c’est pour rester poli.

Introduit au Canada depuis 1990, ce poisson exotique particulièrement féroce, qui fait partie des espèces aquatiques envahissantes (EAE) à statut préoccupant, a déjà contribué à fortement modifier l’écosystème du fleuve St Laurent.
Il ne lui faudra pas longtemps pour faire de même chez nous, car on peut pratiquement considérer que son implantation est maintenant irréversible dans la rivière Moselle.
Il serait dramatique que ce poisson nuisible se retrouve dans des milieux préservés par la faute de certains qui ne mesurent pas les conséquences de leurs actes débiles.
Pour info, certains gobies, comme le Gobie à tache noire, peuvent pulluler au point de représenter jusqu’à 90 % des effectifs capturés lors des pêches de suivis dans le cadre de la DCE.

Pour rappel :

L’introduction de nouvelles espèces a trop souvent favorisé leur propagation et la colonisation des cours d’eau. Des textes réglementaires ont ainsi été adoptés afin de prévenir toute introduction d’espèce non autorisée.

L’alinéa 2° de l’article L432-10 du code de l’environnement précise à ce sujet:

« Est puni d’une amende de 9000 euros le fait d’introduire dans les eaux mentionnées par le présent titre des poissons qui n’y sont pas représentés;

La liste des espèces représentées est fixé par le ministre chargé de la pêche en eau douce (liste de l’arrêté du 17/12/1985)».

Actuellement, l’écologie et l’environnement sont dans tous les discours, dans tous les médias, et sur n’importe quel sujet.
Bien sur, on nous parle le plus fréquemment de pollution atmosphérique, d’hydrocarbures, de matières plastiques, de métaux lourds …
A cela s’ajoute aussi la disparitions de nombreuses espèces d’animaux et de plantes, disparitions dues aux activités humaines dans la grande majorité des cas.

Certains aménagements, qui semblent pourtant s’intégrer dans une démarche de développement durable, peuvent aussi avoir des conséquences mal anticipées.

Bien que généralement revendiqué plus écologique que le transport routier, le transport fluvial a parfois des conséquences néfastes malheureusement peu visibles, ce qui fait que l’on en parle peu.
En effet, la transformation de certaines rivières en canaux de navigation dits « à grand gabarit » modifie complètement l’écosystème de ces cours d’eau, rendant de fait la reproduction de certaines espèces de poissons (le brochet en particulier) quasiment impossible.

En outre, et pour ne citer que cet exemple en particulier, le canal Rhin-Main-Danube, mis en service en 1992, a mis en contact des bassins versants qui ne l’étaient pas, et est ainsi devenu un vecteur d’espèces aquatiques invasives.

Parmi ces envahisseurs, outre les gobies, on peut notamment citer la crevette tueuse (qui contribue à faire disparaître nos gammares indigènes), Le pseudorasbora, la moule zébrée (vectrice d’une maladie (bucéphalose larvaire) pouvant toucher certains poissons).

Ces bouleversements écologiques nous dépassent en tant qu’individus, mais chacun d’entre nous peut quand même essayer d’apporter sa pierre à l’édifice afin de limiter la casse environnementale.
Bien que cela puisse parfois sembler dérisoire, chaque petit geste compte.
Il ne s’agit pas de totalement bouleverser son mode de vie, et, pour se donner bonne conscience, d’en arriver à manger des racines ramassées au fond des bois.
Il est clair également que ce n’est pas le fait que je trie mes déchets ou que je fasse attention à ma consommation d’eau douce qui résoudra à lui seul les (probables) futurs problèmes de la planète et de l’humanité.
L’important est que chacun essaie de faire sa part, à la hauteur de ce qu’il peut contribuer, et surtout ne fasse pas n’importe quoi quand cela n’est pas nécessaire.

On peut convenir, par exemple, et au vu de notre mode de vie actuel, qu’il n’est (et ne sera) certes pas facile pour tout le monde de se passer totalement de sa voiture, mais que l’on peut déjà essayer, dans la limite du raisonnable, de limiter ses déplacements motorisés inutiles.
Par contre, on peut très facilement éviter de détruire volontairement l’écosystème d’un plan d’eau en y introduisant des espèces particulièrement nuisibles, n’est-ce pas ?

Et corollairement, il serait quant même regrettable qu’à cause de quelques imbéciles, on en arrive, comme pour d’autres pays (Espagne, Irlande, Canada pour ne citer que ceux-ci), à interdire la pêche au vif et au mort manié afin d’éviter que ce genre d’accident ne se produise.

AB

 

Un grand merci Franck Renard pour son aide à la rédaction de cet article, ainsi qu’au bureau d’étude Dubost Environnement.

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