G Guinchard a souhaité nous livrer son analyse de la pêche au vif suite à la parution du dernier article sur le sujet. Une réflexion brillante et sensée au sujet de cette technique qui méritait sa parution dans nos lignes. Merci à lui pour cette intervention.
« Cette pratique est parfois pointée du doigt, car soi-disant cruelle. La question qui se pose est : qu’est-ce qui est cruel ? Le sort du vif me direz-vous, car celui-ci est destiné à se faire manger par des poissons carnassiers. Personne n’aimerait être à sa place. Aimeriez-vous être proposé à un lion ou à un grand requin blanc ? Même les plus masochistes diraient non. Pour autant, est-ce véritablement cruel ? Oui ça l’est, puisqu’il est destiné à un sort tragique : qu’il se fasse manger est précisément le but.
Regardons maintenant si cet acte de prédation est mauvais ? Un prédateur qui mange une proie, c’est cruel pour elle, mais en quoi est-ce immoral ? Eh bien en rien du tout, c’est le fonctionnement même de la nature. Oui, c’est rude : la vie est rude. Mais ce n’est ni bien ni mal, ce n’est que l’ordre naturel : le prédateur mange ses proies. Ce principe est le fonctionnement normal de la nature avec des forts, des faibles, des dominants, des dominés, de la pression de certaines espèces sur d’autres, etc.
La pratique de la pêche au vif n’est-elle pas un bon exemple de fonctionnement naturel ? Le prédateur cherche une proie à manger. L’espèce humaine, autrement dit l’espèce dominante de la planète, trompe le prédateur en lui proposant une proie piégée. Je ne vois là qu’un respect de l’ordre naturel, je n’y vois aucun crime répréhensible, même si c’est rude pour le vif (tuer est forcément criminel, mais pas forcément répréhensible, comme dans le cas de l’alimentation). Une vision relativiste de l’évènement nous montre que pour la proie, la prédation est mauvaise et que pour le prédateur, elle est bonne. Il ne faut toutefois pas s’en contenter, il est nécessaire de prendre de la hauteur. Nous nous rendons alors compte que l’action n’est ni bonne ni mauvaise, qu’elle est simplement naturelle.
Nous pouvons légitimement nous demander si la pratique de la pêche au vif est souhaitable ? Pour moi, la réponse est du type vie/survie. Vous pouvez considérer que la vie n’est pas indispensable et que nous devons nous contenter de survivre. Dans ce cas, la pêche au vif est légitime parce que le carnassier est ensuite tué pour nous nourrir et que l’investissement dans le petit poisson nous sert à en obtenir un plus gros. Si l’on considère à présent que le but de l’Homme est la vie, la pêche au vif a toujours sa place : c’est une pratique qui ne met pas en danger la planète, qui permet de s’épanouir en exerçant sa passion et qui, en plus, respecte le fonctionnement de la nature.
Là où il faut faire attention, c’est dans le respect du vif. Qu’il soit destiné à se faire manger n’est pas une raison pour le maltraiter. Il doit être respecté, surtout qu’il le mérite amplement. En plus, son bon traitement est préconisé car plus il est vigoureux, plus il est attractif : le pêcheur a intérêt à prendre soin de ses vifs et il le sait. Quant à la pêche au poisson mort, il n’y a là rien à signaler, mis à part que le poisson doit être proprement tué.
Écologiquement, il est probablement meilleur de pêcher avec un vif qu’avec un leurre artificiel, même si pour en être certain, il faudrait effectuer un bilan écologique global et arriver à comparer des éléments pas forcément comparables : peut-on raisonnablement comparer l’empreinte écologique d’un leurre en plastique ou en métal avec celle de l’amorce et de l’esche utilisées pour pêcher ce qui deviendra un vif ? C’est difficile, mais on constate tout de même que la pêche aux leurres utilise des matières non renouvelables et difficilement recyclables, surtout en cas de perte du leurre. On peut aussi constater que la pêche au vif s’inscrit dans une démarche naturelle.
Dans notre rapport avec l’animal, c’est la gratuité ou non de la cruauté qu’il faut regarder. Lorsqu’un prédateur mange une proie, il ne le fait pas pour la faire souffrir, il le fait pour s’alimenter. De même lorsque c’est nous qui mangeons un poisson : c’est cruel pour lui, mais nous ne le faisons pas pour rien, nous le faisons pour nous alimenter. La prédation n’est pas agréable pour celui qui est mangé, mais l’action est on ne peut plus naturelle et elle ne pose pas fondamentalement de problème. C’est lorsque la souffrance est un but et non une conséquence inévitable, qu’un problème se pose. Par exemple, dans la corrida, la souffrance du taureau est recherchée puisque de celle-ci dépend l’intérêt du spectacle. Le problème moral de cette activité est explicite et les polémiques vont à coup sûr continuer.
La souffrance n’a pas à être un but. Lorsque nous mangeons un animal, lorsqu’un prédateur en mange un ou lorsque nous en faisons manger un à un prédateur, elle n’est aucunement un but, elle n’est qu’une conséquence malheureuse d’un fonctionnement élémentaire de la nature : l’alimentation par la prédation. C’est la recherche de la souffrance qui est condamnable, alors que celle induite par une activité peut tout à fait être acceptée. »
G. Guinchard
la pêche aux vifs est elle condamnable ?
elle est encore autorisé sur le territoire français donc la question ne se pose pas sur le coté juridique.
maintenant, sur le coté « éthique » avec cette notion du bien être animal avec « la mode » du no-kill et du respect de « nos amis les poissons » qui a bien été aidé par la pollution de nos eaux autrement nous mangerions encore de la perche, du sandre et du brochet mais c’est un autre sujet.
pêcher aux vifs « moralement » est ce répréhensible ou condamnable?
je pense que oui, bien que j’ai pratiqué moi même cette technique quelque fois pour chercher le brochet ou le sandre.
j’ai évolué (enfin j’aime a le croire) et j’ai surtout constaté que nous pouvions pêcher nos amis les poissons ou nos copains de jeux comme aiment les appeler certain d’entre nous avec des moyens moderne comme les leurres durs ou souples.
alors, pourquoi continuer a locher un poisson? je vous pose la question…….
Et oui, la pêche reste un acte de prédation. Ni plus ni moins. Et un pêcheur au vif qui garde un sandre pris en bas de chez lui (les pêcheurs aux vifs font rarement bcp de kilomètres et utilisent peu de matos) et mange son poisson (circuit de conso très court) a un bilan écologique bcp plus respectable que le leuriste qui emploie bcp de matériel (et donc bcp de matières premières, hydrocarbures, énergies en tous genres, métaux lourds, métaux rares,…) qui relâche son poisson… rentre chez lui en faisant de nombreux km puis mange un morceau de poisson acheté dans un supermarché (km parcourus du poisson, emballages, énergie dépensée pour le transformer, le conserver, matières premières pour le nourrir pour les poissons d’élevage )… donc les « viandards » sont bcp plus écolo que les no killeur, et de loin. Par contre ils rapportent bcp d’argent au business pêche…
Je suis bouche bée …
Axel
Si on trouve un système pour maintenir les vifs sans les accrocher à l’hameçon (genre élastique), plus de cruauté envers les vifs.
Je ne trouve pas les arguments convaincants. On peut vivre sans pêcher au vif ; quoi qu’en dise Mr Guichard, on fait ça pour le plaisir, le plaisir de la capture ou même celui de manger notre prise, mais dans les deux cas, un plaisir qui cause une grande souffrance au vif, et qui n’est aucunement nécessaire pour nous ; ni plus ni moins qu’aller voir un spectacle de corrida. Que notre but ne soit pas immédiatement de le faire souffrir n’enlève rien à la souffrance du vif, et c’est celle-ci qui n’est en fait pas prise en compte par Mr Guichard (même s’il ne fait pas l’impasse sur sa réalité). C’est une grande souffrance qui pourrait être évitée, mais qui est provoquée au contraire pour des raisons frivoles (car c’est une raison frivole de notre part, de faire ainsi souffrir un être pour un plaisir fugace et non nécessaire).
Quant à l’argument de la nature, ça n’en est pas un. On ne peut rien justifier avec la nature, ou bien alors on justifie tout, le pire (meurtres, viols, tortures, non-assistance, etc.) comme le meilleur. Le fait que des animaux en mangent d’autres ne rend pas en soi notre propre prédation justifiée ; on ne tue pas pour survivre, et on ne va comment à justifier ce qu’on fait par la nature, ou bien c’est la porte ouverte à tout !
Bref, je pense qu’il faut trouver d’autres arguments en faveur de la pêche au vif ; ceux-là ne sont pas convaincants.
Très brillant garçon dont le témoignage est d autant plus fort qu il est parfaitement argumenté et que Germain Guinchard est un exemple dans le respect de la nature et de sa faune. Je peux en témoigner car c est … mon fils. Et depuis sa tendre enfance c est un principe de vie au quotidien. Alors oui félicitations pour cet article.