Interview de l’homme qui murmurait à l’oreille des blanks (Goulven Dolle fondateur et président de Rodhouse)

Bonjour Goulven,

L’idée de cet article est d’en apprendre un peu plus sur Rodhouse, la success story de la pêche en France ainsi que sur ta vision sur les évolutions de notre activité

Peux-tu nous en dire plus sur Rodhouse?

Nous vendons des blanks et des composants pour les rodbuilders, ceux qui montent leur canne. J’ai commencé il y a 8 ans dans mon garage, maintenant nous sommes 3 à temps plein, bientôt 4. Nous sommes en Bretagne sud, au Hézo sur le golfe du Morbihan.De l’eau partout ! Nous traitons des dizaines de commandes par jour et expédions tous les jours sur toute l’Europe

Quel est ton CV de pêcheur ?

Je n’ai pas de background «pêche de loisir » dans la famille, je suis un autodidacte de la pêche, je me considère comme une « Self Made Fisherman ». Le truc c’est que je n’ai pas un profil  « académique », j’ai besoin de me tromper, de réessayer, d’explorer etc….. Je pense que c’est un point important de se construire soit même en tant que pêcheur, d’avoir cette volonté de capitaliser sur ses réussites, et de tirer des leçons de ses échecs.

Pour la pêche Je fais partie des gens qui pensent au fond…je pense à la densité d’eau, l’obscurité des profondeurs, la texture du fond…. J’aime pêcher creux. La surface m’intéresse moins, je trouve presque même qu’il y a quelque chose de « vulgaire » à tromper un poisson en surface. J’ai une âme de verticalier, j’ai besoin d’aller gratter…d’aller chercher les krakens des profondeurs !

Avant Rodhouse, que faisais tu et comment est née le concept la « Maison de la Gaule »?

J’ai eu deux vies…Après mon service militaire, j’ai fait pas mal de petits boulots puis j’ai atterri dans l’assurance. Je suis rentré via le télémarketing et je suis monté au fur et à mesure. J’ai fait un parcours, qui je pense, n’est plus possible de nos jours.

Et puis j’en ai eu une marre, et donc je me suis lancé dans le bâtiment, je suis devenu charpentier. Mais au bout d’un moment dans ce métier, mon dos m’a dit « Stop ». Je me suis posé pas mal de questions et j’ai fait une analogie entre le matériel de pêche et les outils que j’utilisais en tant que Charpentier. Un bon ouvrier à de bons outils…un bon pêcheur à de bonnes cannes ? A cette époque-là, mon niveau de pêche s’améliorait de saison en saison et je ne trouvais pas ce que je souhaitais sur le marché.

Il y a 10 ans, il y avait zéro tutoriel sur le net pour monter une canne. On a donc tout commandé et au tout début ce fut peu la même chose qu’«une poule devant un couteau». Le truc quand on a commencé, c’est qu’on avait aucune idée du temps que cela allait prendre, ni de ce que cela allait donner. Et là après 10h de travail pour la première canne (sans tutoriel, ni conseil, ni aide) c’est la révélation !  J’ai réalisé que c’était simple et surtout à quel point la qualité était au rendez-vous ! Personne sur l’Europe ne distribuait de matériel pour construire sa canne et donc ça m’a paru comme une évidence qu’il y avait quelque chose à faire…

Donc je me suis associé avec un copain, et j’ai vendu mon bateau pour avoir les fonds pour lancer mon activité.  Un peu comme les explorateurs qui pour se donner du courage et ne pas pouvoir revenir en arrière brûlaient leurs bateaux. Le marché n’existait pas… Pour le banquier, j’étais son premier site de e-Commerce. L’idée de la vente de canne « en kit » a dû lui paraître complètement folle…

On a vraiment commencé avec un tout petit cercle et il m’a fallu 3 ans avant de me verser le premier salaire. Au début j’ai bossé à côté et j’avançais sur Rodhouse la nuit.  J’ai vraiment vécu de pas grand-chose au début. Je peux remercier ma femme qui a été mon premier sponsor moral et qui a su m’accompagner et me faire prendre du recul quand il le fallait. Je pense qu’à un moment j’ai du faire une forme de Burn Out. J’ai cru que j’allais crever au bureau à tout faire, les commandes, la gestion du site, les tutos, je faisais tout. C’est ma femme qui m’a extirpé de mon garage, on est parti en vacances et j’ai pris quelqu’un pour m’aider à mon retour.

Ma stratégie, c’était que pour réussir il fallait axer le site à 100% sur la vente du matériel. Ne pas se disperser et rester sur un concept simple et clair. Laisser le boulot de montage aux monteurs pros, et rester focus sur la vente de matériel en elle même. On a commencé avec 750 références et maintenant on en a plus de 3500 et 3 personnes à temps plein.

On n’est pas des chiens fous, on n’a pas décidé de se lancer sans réfléchir à l’écosystème pêche. Je sais qu’on occupe les pensées de beaucoup dans la pêche, c’est bien, il vaut mieux faire envie que faire peine. Mais heureusement ils sont de moins en moins nombreux, les autres ont compris que généralement un gars qui monte une canne, il va mettre dessus un moulinet, de la tresse, et du terminal tackle.  Si on avait voulu rentrer comme des éléphants dans un magasin de porcelaine on l’aurait fait depuis longtemps, façon « il n’y a que nous à faire du bon matos ». Non. On fait du bon matos, on est pas les seuls, généralement les plus dérangés par notre activité sont ceux qui ont le plus a cacher. Bref, on prendra notre place, toute notre place, à la régulière, comme on l’a toujours fait.

Quels sont pour toi les avantages du Rod building?

Pour moi et c’est mon cheminement personnel un des gros intérêts du Rod building, c’est que tu progresses dans ta pêche, car tu te poses les bonnes questions. Comme je te le disais mon idée de Rodhouse à germé à une époque où je ne trouvais pas ce que je voulais dans le marché et quand tu es charpentier, tu sais à quel point l’outil est important. Il y a des cycles de progressions dans la pêche. Tout le monde se rappelle de quand il pêchait et n’accordait pas tant d’importance que ça à son moulinet par exemple. Quand tu y passes un peu de temps, que tu réfléchis progressivité du frein, que tu réfléchis ratio, quel choix pour lancer léger etc, tu progresses, c’est l’évidence. C’est la même chose pour la tresse, le mono. Tu peux pêcher, être bon, faire des poissons, et dire «  la tresse c’est de la tresse ».Oui. Mais quand tu t’y intéresses,  tu comprends qu’il y des résistances, des diamètres des 4/8/12 brins, etc, que ça à un lien avec le nœud à privilégier sur tel accord de tresse-fluoro etc. Et bien les cannes c’est pareil. Tu peux dire « je fais du poisson avec n’importe quelle canne ». Pas de soucis. Mais quand tu commences à vraiment prendre en compte l’intérêt de la longueur, de l’action, quelle pointe ? Un point dur qui apparaît quand sur le blank ? Combien d’anneaux, quelle longueur de poignée ? Alors là aussi, tu progresses dans ta pêche.

Nous avons tous des spécificités dans notre pêche et avoir un outil custom est un vrai plus.  Je dois en être plus de deux cents cannes montées, et j’ai toujours le même plaisir quand j’attaque un nouveau projet. La relation blank et anneaux est une quête de perfection et d’amélioration continue. Quand tu montes une nouvelle canne tu as exactement le même job qu’un chef de produit qui va lancer une nouvelle canne. Tu choisis un blank en fonction d’un cahier des charges, et tu développes sa rampe d’anneau et sa poignée. C’est fascinant comment on donne vie à un outil. Au début le blank, les anneaux tout paraît inerte, et puis au fur et a mesure que tu les assemble, l’ensemble devient cohérent et les premières animations sont toujours des moments magiques.

Sur Facebook on peut voir que tu es bien branché musique, y a-t-il une relation pour toi entre la musique et le rodbuilding

Je considère une canne un peu comme un instrument de musique et on a poussé la démonstration assez loin. On a fait appel il y a quelques temps à un ingénieur acoustique pour comprendre ce qu’était que la « résonance ». Pour commencer on l’a emmené à la pêche pour lui faire comprendre ce qu’était la notion de résonance, de sensibilité. Notre ingénieur a travaillé avec un accéléromètre pour comprendre le phénomène, qui mesurait les déplacements du blank soumis à des chocs, et les traduisait en ondes sonores. Ce qu’il en ressortait c’est que les sensations qu’on recherche en termes de résonance sont plus liées à notre relation acoustique (notre oreille tout simplement), qu’a un phénomène mécanique de conduction. Je ne suis pas ingénieur mais ce qu’on a retenu, c’est qu’une partie des sensations transmises par la canne sont en fait des ondes sonores, que l’on entend. Ce qui ouvre des champs nouveaux de compréhension, comme le fait qu’on pêche mieux sans bonnet ou capuche, qu’on ressent mieux les choses quand il n’y a pas de bruit ou de vent…. Nous avons aussi tous des perceptions du son différent, ce qui fait que certains d’entre nous sont plus sensibles à certains blans et pas à d’autres.

Et puis on peut aller plus loin, imaginer des trucs un peu plus perchés. J’aime fabriquer des instruments de musique, j’ai fabriqué un Cigar Box électrifié via un micro piezzo. On pourrait faire la même chose, mettre un micro  dans le butt de la canne et l’écouter pêcher… imagine le chant de la tresse qui passe dans les anneaux ! Imagine le tube l’été si l’on pouvait écouter un walking the dog ..

Vu qu’on est dans le dur du rodbuilding pour toi, Est-ce que la taille ça compte ? 

Dans les deux sens, il faut parfois des trucs de poneys pour faire des gros boulots,  mais plus ça va et plus on va vers des petits roseaux qui plient énormément .

Peux-tu nous parler de la grande famille des rodbuilders et de tes pro staff

A partir du moment où l’on monte sa première canne on fait automatiquement partie de la famille. C’est plus fort que de pratiquer tel ou tel pêche ou d’utiliser telle ou telle marque. Monter sa canne c’est devenir un self made fisherman. C’est cette famille qui contribue aussi maintenant à tirer le marché vers le haut, c’est ce que j’appelle la culture blank. Quand j’ai lancé Rodhouse, 8 pêcheurs sur 10 ne savaient pas ce qu’était une ligature, comment c’était fait. Sur les salons, les formations, les mecs hallucinaient. Le « ha je croyais qu’une ligature c’etait une sorte de chatterton » c’est un truc que j’ai entendu 1000 fois. Maintenant, plus du tout, la culture blank est en train de gagner, le niveau monte, et c’est très bien pour tout ceux qui vendent du bon matos.

Il y a une entraide incroyable entre les self made fisherman sur le forum ou sur facebook. Une entraide pour monter les cannes, les conseils, les bonnes pratiques, et qui se finit souvent au bord de l’eau.

Les ProStaff Rodhouse ce sont des légionnaires, pas ou peu de stars, que des mecs hyper pointus dans leur pêche, passionnés, passionnants,  et tous capables de monter et démonter une rod du scion au talon. Je ne leur propose pas d’intégrer le groupe  pour leur capacité à faire des photos de poisson, dans le milieu de la pêche tu donnes un coup de pied dans une poubelle et des photos de gus avec des poissons et des casquettes (moi le premier) tu en trouves dix.  Je les fais rentrer car ils capable de  véhiculer quelque chose de particulier, de moteur, qui leur est propre, individuel et parce que ce sont tous des purs rodbuilders.

J’ai vu que vous avez lancé votre propre gamme de blank, un pour le thon sur chasse, l’autre pour le slow jigging, et des produits (colle , vernis) quels sont tes futurs projets ?

En ce moment on développe un blank  Fly destiné a la nymphe au fil « à l’espagnole », long et super light, on finit de travailler sur un blank Tenya. Rodbuilder’s Republic c’est un concept qui nous permet de commercialiser des blanks OVNI, rares, donc indispensables. Des vrais blanks slowjigging super light capables de manger 3 kilos de frein, des blanks à thons capables de balourder 30 grs et de sortir des bébés de 80 kilos. Des qu’on identifie une case vide, on la repeint avec du Rodbuilders Republic.

 Que dirais tu pour conclure

Je dis sans arrêt aux gars que le rodbuilding commence à la deuxième canne. Il faut monter la première pour voir que c’est facile, et à la deuxième il faut se faire plaisir, explorer, développer. Les gens cherchent souvent le point d’entrée dans le Rodbuilding. Le point d’entrée c’est le blank, c’est pas mal de commencer avec un blank polyvalent, classique, le bon vieux 7′ de 10-30 grs. Sur Rodhouse, pour chaque blank on propose un pack de poignée, un pack d’anneau, dédié. Pour le choix du blank, on peut nous appeler, nous envoyer un mail, ou poser la question sur le forum de Rodhouse.  Ensuite on propose le pack d’anneau, le pack de poignée. Ensuite il faut regarder les tutos vidéos, dispo sur le site, pour se faire l’œil. Et puis se lancer. N’hésitez pas à venir nous voir, nous exposons à Clermont et Nantes.

 

Merci Goulven d’avoir pris le temps de répondre à ces questions !

https://www.rodhouse.fr/fr/

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