Exceptionnellement car c’est la première fois que cette rubrique est en place il m’a semblé opportun de publier les avis suivants arrivé après la date limite: Dom est un pêcheur que je connais et si nous ne sommes pas d’accord sur quelques sujets son analyse sur celui ci est pertinente. Romuald Cosson nous livre lui aussi une analyse pertinente et surtout pointue car il technicien rivière sur la Loire. Ludovic Gaillard commente régulièrement sur le site et pour terminer, Sylvain Delzenne du 77 dont l’avis m’a paru digne de parution.
N’envoyez plus de mail, le sujet est clos.
Voici donc ces quatre avis qui vous permettront peut être de vous forger le votre:
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Bonne initiative que ces débats et merci de nous donner la parole. Ceux qui me connaissent, savent que je suis un Carna et forcément si je devais voter….se serais contre cette loi de brochets nuisibles en première catégorie.
Comment un animal protégé, en voie de disparition, peut-il être nuisible dans certain de nos cours d’eau… !!! Je ne comprends pas. Pour moi la nature s’équilibre d’elle-même, et si le broc est nuisible uniquement pour sauvegarder les truites de lâcher…je trouve cela franchement incohérent…
Les AAPPMA paient des sommes folles pour maintenir les brochets dans nos cours d’eau en lâchant toutes tailles de brochets en refaisant les frayères….etc. ET de l’autre côté on doit éliminer ce même poissons là où il se trouve bien, là où il se multiplie ????? Il n’y a pas comme quelque chose de bizarre ??!!!!!
Ensuite , nous avons un choix à faire….on lâche des truites ? Ok, mais en connaissance de cause. Ces truites ne seront pas uniquement pour les pêcheurs, mais aussi pour les hérons, les cormos…et même les brocs…Idem on veut lâcher des brochets ??? On sait très bien que les silures, les cormos et autres se serviront avant le pêcheur…c’est comme ça, laissons la nature à la nature.
Dom (carnapéro)
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Romuald COSSON
J’abonde dans le sens de Eric Bailly Bazin. Les classements des cours d’eau en première et seconde catégorie piscicole correspondent plus à des classements administratifs qu’à des classements écologiques ou ichtyologiques. Dans bon nombre de départements, les pêcheurs souhaitent avoir des cours d’eau de première catégorie pour assouvir leur traque des salmonidés. On classe donc des cours d’eau en première catégorie pour assouvir cette soif, satisfaire les pêcheurs et vendre des permis de pêche. Ainsi, on constate que la très grande majorité des cours d’eau hexagonaux classés en première catégorie ne devraient pas l’être. Le classement en première catégorie devrait répondre à un seul et unique critère : les caractéristiques hydromorphologiques du cours d’eau. Je m’explique. La truite pour accomplir son cycle complet doit (entre autre) bénéficier d’un cours d’eau oxygéné (faciès d’écoulement lotique), de fond non colmaté (pas d’envasement), d’un substrat de granulométrie adapté, d’une possibilité de circulation longitudinal sur un linéaire suffisamment conséquent… Donc, classer en première catégorie un cours d’eau peu oxygéné (faciès d’écoulement lentique), avec des ouvrages de cloisonnement piscicoles (barrages de moulin, chaussée de pont…) ou des fonds envasés est une hérésie ! ! !
Du coup, ce classement “au forceps” conduit à des réglementations ineptes telle le classement du brochet en nuisible alors qu’il s’agit d’une espèce menacée. On marche sur la tête ! ! !
Le brochet est une espèce indigène. Il ne s’agit pas d’une espèce exotique introduite comme le silure, le sandre ou le black-bass. S’il est présent dans ces eaux, c’est que celles-ci lui sont adaptées, que le cours d’eau remplit tous les conditions nécessaires à son cycle de vie (et je vous assure qu’il sont de plus en plus rares). Il est donc complétement dingue de vouloir “chasser” d’un cours d’eau une espèce indigène menacée qui est tout à fait à sa place pour privilégier une espèce (en l’occurrence la truite) qui tolère ce milieu ou qui y est artificiellement maintenue par des truites de bassines. Dans une “vraie” première catégorie, vous ne trouverez pas de brochet. Si le brochet est présent c’est qu’il y a sa place et que nous ne sommes pas sur une “vraie” première catégorie.
Avouez qu’il est quand même fou de vouloir éradiquer une espèce menacée qui est à sa place et sur d’autres cours d’eau sur lesquels le brochet n’est plus ou peu présent, du fait de la dégradation de son milieu, de dépenser des sommes folles pour créer artificiellement des frayères à grands coups de bulldozers et, dans certains cas, avec nos contributions financières via les permis de pêche.
Il est tant que les pêcheurs aient une conscience des enjeux écologiques qui se jouent sur nos cours d’eau. Ce n’est pas à nos cours d’eau et à leur population piscicole de s’adapter à nos pratiques, mais bien à nous pêcheurs de nous adapter aux cours d’eau de nos territoires. S’il n’y a pas de “vraie” première catégorie dans le département où je réside, il faut que je l’accepter. C’est ainsi. Ce qui peut, soit dit en passant, favoriser le tourisme halieutique.
Un bémol à tout ceci : l’état du réseau hydrographique. De potentiellement “vraies” première catégorie présentent une population de brochet du fait de cette dégradation. Si de gros efforts ont été fait ces dernières décennies pour l’amélioration de la qualité physico-chimique des eaux, la qualité hydromorphologique reste très dégradée. Les services de l’état et les structures gestionnaires des milieux aquatiques ont conscience de cette situation et souhaitent lors des décennies à venir porter l’accent sur la restauration hydromorphologique des rivières (suppression de barrages, resserrement de sections d’écoulement…) et ainsi retrouver de “vraies” première catégorie où la truite retrouvera les conditions pour accomplir son cycle complet et le brochet n’aura de fait plus les conditions nécessaires pour y prospérer.
A noter que bien souvent lorsque que des projets de restauration de cette qualité hydromorphologique via la suppression d’un ou plusieurs barrages sont en passe de voir le jour pour retrouver de “vraies” première catégorie, ils se heurtent bien souvent à des opposants. Qui sont-ils me demanderez-vous ??? Il s’agit bien souvent des pêcheurs eux-mêmes et à leurs AAPPMA ! ! !
Les pêcheurs doivent être responsables et cohérents. Une population piscicole riche et équilibrée nécessite une eau et un milieu de qualité. L’avenir de la pêche en dépend. Soyons, en tant que pêcheurs, moteurs et garants de cette protection et de cette restauration des milieux aquatiques et non de l’éradication d’une espèce sur des critères totalement subjectifs et ineptes d’un strict point de vue piscicole.
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Ludovic Gaillard
Dans un premier temps, il faut savoir que le brochet est l’un des seuls poissons endémiques de nos cours d’eau… La plupart des espèces a été introduite il y a plus ou moins longtemps, donc il fait partie de notre patrimoine. En second lieu, il ne faut pas que l’on élimine un poisson juste parce qu’il se nourrit des rares truites sauvages que notre pollution a quasi exterminé ou des truites de bassine qui n’ont rien d’endémique. Pour moi, il est là depuis des années, n’a pas été introduit et il ne devrait payer les erreurs que les humains ont commises. S’il n’y a plus de truites ou presque plus, ce n’est pas à cause des brochets. Donc il doit être géré comme en 2ème catégorie.
De plus il se fait suffisamment rare pour ne pas qu’on lui mette en plus des bâtons dans les roues dans les rares endroits où il est encore en population viable.
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Sylvain Delzenne
Pour donner rapidement mon avis sur « Faut-il classer nuisible le brochet en première catégorie ? » J’ai un avis très tranché la dessus, c’est non pour plusieurs raisons :
– La première catégorie n’est pas un biotope pour le brochet : ni pour qu’il puisse grossir (biomasse pas assez élevée), ni pour se reproduire, ni même se développé (température, courant… le brochet n’est pas n’est pas de la famille des Camille Lacourt et autres Yan Thorpe). J’ai consulté pas mal de compte rendu de pêche électrique en « vrai » première catégorie, la prise de brochet reste anecdotique. Le brochet si il est présent dans des cours d’eau de première catégorie c’est qu’il y est bien, et que c’est la définition qui est peut-être à revoir : présence de truite dans une rivière de seconde catégorie ? Bien sur les brochets doivent bien boulotter quelques truites de bassines, mais je pense qu’elles doivent bien bouffer aussi quelques brochetons qui se promènent aussi.
– La présence en amont de brochets qui se reproduisent, amène des poissons en aval vers la seconde catégorie…
– Le brochet n’est pas une espèce invasive (ça se saurait) –
– Et je finirais il n’y a pas d’espèce nuisible, il y a des erreurs humaines qui provoquent les déséquilibre.
Je voudrais quand même aussi souligner que le brochet est classé espèce sensible en 2nd catégorie et là on l’éradique pour protéger des truites de première catégorie qui n’a que le nom (mais bon je tempère, certaines espèces protégées en voie de disparition dans certains secteurs peuvent aussi nuire à cause de leur status espèce protégée en pullulant dans d’autres secteurs, comme par exemple et de taille celui de l’éléphant qui détruit le biotope d’autres espèces dans certaines réserves africaines ou il est surdensitaire…comme quoi tout n’est pas blanc ou noir)
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Merci à Dom, Romuald, Ludovic et Sylvain pour ces avis, la réponse à la question posée n’est pas simple, vous vous doutez bien qu’il n’est pas facile voir impossible d’être d’accord. Entre partisans du brochet, scientifiques et gestionnaires d’AAPPMA le dialogue est possible et j’espère que cette rubrique régulière l’ouvrira un peu plus largement.
N’oubliez pas le sujet du mois prochain ; Carnassiers, pour ou contre une pêche ouverte toute l’année. Vous avez peut être de bon arguments pour ou contre, partagez les. Merci d’ avance.
Gardez la pêche
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