Le démontage et l’entretien des moulinets spinning

A la demande de Sylvain, je vous propose d’examiner les différentes pièces dont sont composés les moulinets spinning (tambour fixe) actuels pour comprendre leur fonctionnement de l’intérieur et savoir comment les entretenir afin de prolonger leur durée de vie.

 

J’ai choisi comme exemple type un Opus Bull 5000 de Daiwa, plutôt destiné à la mer et au silure mais qui est facile à démonter et qui est bien représentatif des moulinets standards que nous achetons tous. On verra qu’il nous réserve des surprises… C’est justement ce que j’aime !

Pour le matériel, rien de bien compliqué : des tournevis de précision, des petites pinces et un jeu de clés pipes ouvertes (c’est important). Mettez-vous sur une surface plane et propre, restez zen et ça devrait bien se passer ! Une astuce pour ne pas vous perdre en cours de démontage : prenez des photos étape par étape avec votre portable ou votre APN, personnellement ça m’a aidé plus d’une fois à retrouver l’ordre des choses au remontage !

Le frein

Élément capital, il est presque toujours situé à l’intérieur de la bobine pour les modèles frein avant, qui sont au passage bien meilleur en matière d’efficacité que les modèles frein arrière, tout simplement parce que la surface des disques est plus large.

Après avoir desserré l’écrou du frein et retiré la bobine de l’axe, on s’aperçoit que sur ce modèle un joint d’étanchéité a été rajouté, il faut donc l’ôter avant de pouvoir poursuivre. On arrive ensuite à la pile de frein, qui est maintenue par un circlip qu’il faut enlever à l’aide d’un petit tournevis. Attention, c’est le genre de pièce qui aime bien « sauter », vérifiez que le sol est dégagé autour de vous si vous devez partir à sa recherche à quatre pattes…je parle d’expérience !

Il suffit ensuite d’enlever les disques un par un, chacun étant séparé par une rondelle métallique, celle du milieu possédant généralement un ergot pour éviter que l’ensemble de la pile ne tourne sur elle-même et diminue la force de freinage.

Les disques sont ici en feutre, matériau le plus utilisé encore de nos jour. Les freins en feutres sont très bons, très progressifs et assez doux, sans entretien ou presque, mais ils perdent de leur qualité en chauffant lors des combats. Ils peuvent même devenir glissants s’ils ont trop chauffés et qu’ils prennent une couleur brune. C’est pourquoi on leur préfère désormais les freins en carbone, moins progressifs mais beaucoup plus fiable sur les grosses espèces (exotiques, silures…). Le carbone chauffe lui aussi, mais ça accroit au contraire son adhérence, à la différence du feutre.

Faut-il graisser les disques de frein ?

C’est une question souvent débattue… Pour les disques en feutre oui, il faut les graisser, mais pas exagérément non plus. Avec un petit pinceau, on applique un peu de graisse sur chaque face et on les essuie ensuite avec un chiffon. Plus il y aura de graisse, moins fort sera le freinage, c’est ce qu’il faut retenir. Mais un peu de graisse aide à vaincre l’inertie du frein au ferrage et procure une certaine douceur de fonctionnement.

Pour les disques en carbone il y a deux écoles : ceux qui ne graissent pas du tout et ceux qui graissent légèrement. Sans graisse, les freins en carbone fonctionnent parfaitement et leur puissance est optimale, mais ils sont durs, manquent de régularité (à-coups) et il faut les nettoyer souvent car du fait des frottements, des particules de carbone sont arrachées et viennent se loger un peu n’importe où dans la pile. Pour toutes ces raisons je préfère graisser légèrement les disques en carbone, comme pour les disques en feutre, en les essuyant après coup, pour obtenir un freinage plus régulier et plus doux. Ça n’empêche pas de les inspecter régulièrement car ils finissent par lâcher du carbone quand même.

Les engrenages

Si l’inspection du frein est relativement aisée, peu de pêcheurs se risquent à démonter leur précieux moulinet par peur de casser une pièce ou de perdre un ressort. Je les comprends, il m’est arrivé de bousiller des moulinets pour avoir été trop curieux…. Pourtant il est parfois nécessaire de soulever le capot pour aller voir ce qui cloche, surtout quand « ça gratte » ou quand on ressent quelque chose d’inhabituel. En prenant quelques précautions, vous ne risquez rien je vous rassure.

Si quelques moulinets peuvent encore se démonter simplement en enlevant trois vis, il faut la plupart du temps démonter le rotor pour pouvoir accéder aux engrenages. Ici, nous avons un axe simple qui ne pose pas de problème, donc nous allons nous servir d’une clé pipe ouverte de 14 après avoir dévissé la petite pièce qui maintien l’écrou.

Attention, sur certains modèles le pas de vis est inversé (il faut visser pour dévisser), mais pas ici.

Une fois le rotor enlevé, on s’attaque aux vis du carter, en commençant par celles de la plaque de protection qui en cache souvent une deuxième. Attention, il est fréquent que toutes les vis n’aient pas la même longueur, notez bien à quels emplacements elles correspondent.

Une fois le carter ouvert, on voit ceci :

Le grand disque gris, c’est la roue de commande. Généralement, elle se retire simplement, mais pas ici parce qu’elle est maintenue par la came d’oscillation qui est elle-même bloquée par un guide, donc il faut commencer par démonter celui-ci, puis dévisser la came de l’arbre (que l’on peut retirer au passage), et enfin la came. La roue peut alors sortir, et l’on aperçoit le pignon en laiton.

Il s’agit d’un engrenage hypoïde, comme 99% des moulinets actuels.

Pour mémoire, il existe trois grands types d’engrenages :

Les engrenages coniques, très répandus jusqu’aux années 80 et que l’on retrouve notamment chez les vieux Mitchell, les Luxor, les Crack etc., mais également encore de nos jours chez les Van Staal et les Zeebaas. Très puissants, ces engrenages ont deux défauts : beaucoup de vibrations et impossibilité d’avoir une manivelle réversible. Il faut des modèles droitiers et des modèles gauchers…

Les engrenages à roue et vis sans fin, sûrement les meilleurs, mais plus volumineux et plus chers à produire. Ils équipaient le célèbre Abu Garcia Süveran et sont encore utilisés pour la série Quick FD de DAM.

Les engrenages hypoïdes, les plus répandus donc, commodes et fiables, bien que d’une puissance moindre que les deux précédents. Leur succès est dû en partie à la possibilité d’obtenir des manivelles aisément réversibles, ainsi qu’à leur faible coût de revient puisque produits en masse.

Cette roue de commande est en aluminium, mais il y a aluminium et aluminium… Le top, c’est l’aluminium forgé à froid, qui préserve la continuité moléculaire du métal, le rendant ainsi plus solide. Ensuite il y a l’aluminium usiné dans la masse, et enfin la fonte d’aluminium (pièces moulées) généralement à base d’alliage pour abaisser le point de fusion,  ou pire, l’aluminium fritté (granulats de minerai chauffés qui s’agglomèrent entre eux à la manière des caramels oubliés dans un sac au soleil…Très faible résistance du matériau !) Ici, nous avons probablement de la fonte d’aluminium car c’est un moulinet moyen de gamme. On trouve aussi des roues en acier, en bronze ou en laiton, mais c’est beaucoup plus rare. On note la présence d’une petite tige en acier fixée à la base de l’axe. C’est un ressort passif destiné à maintenir en tension l’anti-retour secondaire, comme nous le verrons plus loin. D’habitude, cette tige est absente.

Avant d’examiner le pignon, nous allons voir de plus près la came d’oscillation que nous venons de démonter. C’est une came en « S », comme 80% de la production mondiale. Elle s’emboîte sur la roue à ergot (qui est entrainée par la roue de commande à l’aide du petit engrenage situé sur son axe) et assure la montée et la descente de l’arbre. Si elle était droite, l’enroulement serait classique, à spires jointives, puisque le mouvement aller-retour serait régulier. Le fait de lui donner cette forme en S ralenti la montée (ou la descente) à chaque cycle d’oscillation (d’où le terme de double oscillation) ce qui procure un enroulement croisé du fil, plus compatible avec les tresses, ainsi qu’un gain de distance au lancer, les spires ne se chevauchant pas. C’est le système le plus simple et le plus solide, le moins cher aussi, celui que l’on retrouve le plus fréquemment.  L’enroulement est très bon si la came a été bien calibrée.  Le problème vient des frottements produits par la came sur la roue à ergot, et quoiqu’on y fasse il est difficile de les éliminer complètement. Un moulinet qui « gratte », c’est 9 fois sur 10 la came d’oscillation qui est en cause, ou la roue qui frotte sur le fond du carter. Il faut donc veiller à la graisser soigneusement et à bien inspecter le dos de la roue à ergot pour vérifier qu’il n’y ait pas de saleté qui gêne sa rotation.

la came d’oscillation recto/verso:

La roue à ergot:

Il y a des systèmes d’oscillation plus sophistiqués, notamment le « Wormshaft » qui utilise une double vis sans fin, comme sur ce Shimano. La fluidité est bien meilleure, mais c’est aussi plus cher…

Sur notre Opus Bull, on voit que Daiwa a rajouté une petite roue en laiton pour aider la came à coulisser, c’est un plus appréciable (Sur les Saltiga c’est un vrai roulement à bille qui coulisse sur un rail, doublé d’un palier en plastique, et l’ergot de la roue (montée sur roulement elle-aussi) est protégé par une gaine en plastique, c’est le grand luxe !).

Il y a aussi un guide en plastique (celui que nous avons démonté) qui maintien la came et évite les vibrations, c’est bien vu.

Passons au pignon. Pour le démonter, il faut d’abord enlever le cache de l’anti-retour infini. Trois vis le maintiennent. Après cela nous pouvons sortir le bloc pignon/anti-retour.

A priori il n’y a jamais à intervenir là-dessus, sauf si vous avez un problème avec votre anti-retour, mais en général c’est dû au ressort qui l’actionne plutôt qu’à l’anti-retour lui-même.

Sur le pignon sont enfilés un petit engrenage, un palier en plastique noir, le collier et les roulements à rouleaux de l’anti-retour, puis un roulement. On les retire simplement en les faisant glisser et on vérifie qu’il n’y ait pas de poussière ou de grain de sable à l’intérieur du pignon, cause fréquente de frottement avec l’axe.

Attention, jamais de graisse sur les roulements à rouleaux (ni sur aucun autre roulement) ! Une goutte d’huile éventuellement.

On a vu qu’il y avait une sorte de petit engrenage à l’extrémité du pignon (ci-dessus) : c’est le genre de bonne surprise que j’aime bien ! Il s’agit en fait d’un anti-retour mécanique de secours fonctionnant à la manière d’une crémaillère, qui viendrait prendre le relais si le ressort de l’anti-retour principal venait à lâcher. On ne voit ça en général que sur les moulinets haut de gamme, c’est plutôt surprenant. D’autant plus que Daiwa n’en fait pas la réclame et que ce n’est pas spécifié non plus sur la notice, bizarre…mais tant mieux ! Le ressort de déclenchement de cet anti-retour est maintenu en tension par la petite tige de la roue de commande que nous avons vue, il faudra la remettre à sa place en remontant la roue, dans le petit trou prévu à cet effet à côté de la vis qui maintien le ressort, ce n’est pas bien compliqué :

Un dernier point à vérifier est la rotation correcte du galet de pick-up. Généralement monté sur roulement, il n’y a ici qu’un palier, c’est dommage. Il faudra graisser ce palier. Si c’est un roulement, une petite goutte d’huile.

Le graissage

Il s’agit maintenant de nettoyer les engrenages en enlevant la vieille graisse avec un chiffon. Si vraiment vous avez un vieux moulinet complètement pourri de graisse noire, le mieux est de le nettoyer complètement au white spirit et de le laisser sécher une journée avant de le graisser.

Il existe différents types de graisse dans le commerce. Personnellement, j’utilise de la graisse au lithium, d’un prix abordable et qui convient tout à fait pour l’entretien courant. Évitez par contre les graisses au silicone, qui finissent par durcir et obstruer les engrenages.

J’utilise pour l’appliquer un petit pinceau plat en soie de porc que vous trouverez dans n’importe quel rayon peinture des magasins de bricolage. Ça permet d’être précis et de ne pas trop en mettre, chose que l’on a tendance à faire au début.

Les endroits stratégiques sont bien sûr le pignon et la roue de commande, la came et la roue d’oscillation, l’axe et les points d’entrée possible de l’eau, c’est-à-dire les deux côtés de la manivelle et le cache de l’anti-retour. Je le répète, jamais de graisse sur les roulements, vous risquez de diminuer leur efficacité. Une petite goutte d’huile si vous êtes anxieux… Il s’agit bien sûr d’huile minérale : n’allez pas mettre d’huile végétale (huile d’arachide ou huile de lin), elles ont des propriétés siccatives (elles collent) !

Bon!

Mauvais!

Une fois les pièces de votre moulinet correctement graissées et huilées, il ne reste plus qu’à les remonter. Personnellement c’est le moment que je préfère : c’est un Meccano assez amusant tout compte fait !

 Aux premiers coups de manivelle, vous ressentirez une certaine dureté dans le mécanisme, c’est normal : la graisse neuve diminue la fluidité, mais ça s’estompe rapidement au bout de quelques sorties.

Tous les moulinets se démontent, mais certains sont plus problématiques que d’autres. Les nouveaux Daiwa et leur système Magsealed (joint d’étanchéité du rotor à base d’huile aimantée) vont perdre leur huile au démontage et, à part d’avoir une burette d’huile magnétique sous la main (elles existent mais sont hors de prix…) vous perdrez en étanchéité et en fluidité, il vaut mieux ne pas y toucher. Ceci dit les modèles les plus récent semblent moins fuir, les aimants étant plus puissants, c’est à vous de voir si ça en vaut la peine ou pas.

Beaucoup de moulinets sont heureusement équipés de port de maintenance, en général une petite vis qui donne accès aux engrenages et qui permet d’introduire quelques gouttes d’huiles dans le carter sans avoir à tout démonter, c’est mieux que rien.

Voilà, il ne vous reste plus qu’à profiter de la trêve hivernale pour réviser vos moulins de fond en comble, ça leur redonnera un coup de jeune et vous fera patienter jusqu’à l’ouverture. A vos tournevis !

Pour en revenir à notre Opus Bull, c’est un bon moulinet pour son prix (autour de 80 €), très robuste avec un son axe de 6mm, ses roulements étanches et doté d’un anti-retour de secours. Mon conseil : remplacez les disques de frein en feutre par des disques en Carbontex et vous aurez un engin capable de s’attaquer sans problème aux plus gros silures. Je lui mets donc un honorable 12/20.

 

 

Texte et photos : Jean-Paul Charles

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