Dernièrement j’ai revisionné une vidéo de Michel Naudeau et Daniel Maury sur YouTube, un film qui à l’époque passait sur le célèbre programme « histoires naturelles » qui a marqué toute une génération.
Cette vidéo m’a replongé dans mon passé de pêcheur, gamin, ado, adulte pour arriver au vieux que je suis qui a connu nombre d’évolutions de notre loisir. Tout a changé, matériel, électronique, techniques et même mentalités. Pour les plus jeunes d’entre nous je vais me permettre de faire un petit état des lieux afin qu’ils comprennent qu’en une seule génération, tout peut rapidement changer. Si je suis un peu nostalgique, je mesure quand même les énormes progrès qui facilitent la pêche et à titre personnel je ne voudrais pas retourner en arrière.
Il y a quelques années, et sans vouloir jouer le vieux con, il y avait seulement deux catégories de pêcheurs, les alimentaires et les passionnés et de visu il était impossible de les différencier, pas comme maintenant. Lorsque j’ai commencé, comme beaucoup de cinquantenaires voir de soixantenaires, très peu possédaient une barque. Cet équipement plutôt commun en bord de fleuves ou de grands lacs était plutôt rare ailleurs, chez moi on comptait sur les doigts d’une main les pêcheurs qui avaient une 3.5m…
On démarrait donc du bord, pas loin de chez soi et on enviait le détaillant à la pointe qui allait déjà à Mequinenza. On pêchait essentiellement au vif et lorsqu’on en avait marre d’attendre on pêchait au leurre. Perso, j’en ai eu vite marre et je préférai le crapahut en milieu sauvage que l’attente sur son siège. Lorsque j’ai démarré la pêche des carnassiers, j’avais environ 14 ans, soit début des années 80. Le seul ou les seuls leurres de l’époque étaient les cuillers et quelques rares Rapala bien trop chers pour nos bourses de gamins. Quelques mois plus tard, sont arrivés les premiers twists, ce fut une petite révolution. Une simple tête plombée, un twist jaune ou blanc et on piquait facilement ses premiers poissons qui n’avaient jamais vu ces leurres. Dans les années 80, il existait essentiellement deux techniques actives : La cuiller tournante ou ondulante et le mort manié dont on remplaçait quelquefois le poisson mort par un shad. Dans les années 90, le manié eu son heure de gloire puis la tirette apparut. Ces deux techniques marquèrent le début de la pêche moderne des carnassiers en ce sens que des cannes et moulinets spécifiques leurs furent dédiés. Auparavant une canne faisait tout et le pêcheur n’en avait qu’une, puis il lui fallut une canne manié et une canne tirette, maintenant on a presque tous une dizaine de cannes ! Vers 2001/2002, la pêche au leurre, emmenée par celle en mer, s’est développée grâce à quelques passionnés qui en créant l’AFCPL on démocratisé cette pêche ludique qui s’est formidablement développée depuis, tant en leurres, cannes, électronique et bateaux. Fin 2003 j’ai découvert les nouvelles techniques grâce à une chaine du satellite passant sur TPS (à l’époque le concurrent de Canal Sat). Mon premier leurre moderne fut alors un spinnerbait, ce leurre qui passait partout sans jamais s’accrocher et qui m’a fait prendre de nombreux brochets. Du bord j’ai alors pu pêcher les endroits encombrés que je délaissais lorsque je pêchais à l’ondulante et j’ai fait des cartons sur les brochets. Une fois cette invasion des leurres durs US et Japonais passée, sont arrivés les leurres souples techniques portés par Megabass, Sawamura et les créations françaises de Berkley grâce à Sylvain Legendre. La pêche moderne au shad s’est énormément développée avec en parallèle les techniques comme le drop shot ou la finesse qui ont remplacé la tirette et le manié. Le bigbait est aussi arrivé et la pêche des gros brochets en lacs alpins s’est elle aussi beaucoup développée.
Cette époque postérieure à 2005 a vraiment été une époque de boom pour la pêche des carnassiers, c’est aussi durant ces années que la pêche en bateau s’est développée avec l’ apparition des premiers bass boat et des pontages bricolés sur des barques. Avant c’était la 3.5m rotomoulée, sans siège et à la rame. Après 2003 et l’autorisation de pêcher avec un sondeur car avant c’était interdit, pensez vous, ça rendait la pêche trop facile selon certains. On retrouve cette idéologie actuellement avec la sonde live. Bref, le sondeur puis le moteur électrique arrière ont beaucoup fait progresser la façon de pêcher, les premiers moteurs avant à commande à pédale puis enfin le moteur avant à télécommande ont permis de pratiquer un power fishing actif. Avec l’arrivée du Ipilot ce sont les verticaliers qui ont été heureux, plus besoin de gérer la dérive..Et dire que certains là encore voulaient interdire la verticale car ils l’assimilaient à la traine et bien entendu ça prenait tous les poissons ma pauvre dame !
Vinrent ensuite les coques alu modernes de forme waleye boat ou chaloupe, le side imaging, etc etc.. Vinrent les cannes à crank, les cannes à la verticale, au drop shot, à gratter, les castings, les big baits, les moulinets hors de prix… On s’est mis à presque tous voyager, Espagne, Irlande, Hollande, autre bout de la France, alors qu’avant seuls les plus fortunés pouvaient le faire. Grâce à Internet on sait tout sur tout ou presque, en un clic on peut obtenir des renseignements qui nous demandaient des années de relations par le passé.
En fait l’évolution de notre pêche des carnassiers c’est surtout l’évolution des tarifs vers les sommets. Arriver à nous faire croire qu’une canne à 700 euros, qu’un leurre à 150 et un moulinet à 700 nous rendra meilleur est une vraie réussite du monde du commerce qui est fortiche en vente de rêve. En 1990, j’avais une canne de 2.7m en 15/40g et elle faisait tout avec son moulinet et son nylon fluo. Une simple boite à leurre qui tenait dans la poche arrière du gilet, une paire de cuissardes en caoutchouc, un treillis d’occasion et c’était parti pour une belle journée de traque des carnassiers. Maintenant je trimballe 20 kilos de matériel, 4 cannes au minimum, j’ai deux sondeurs, un bateau confortable et spacieux et mon plaisir est le même que par le passé, il me coute juste plus cher.
Donc dans les années 80 la pêche des carnassiers en barque c’était un type en treillis sur une barque en bois ou en plastique avec un petit moteur thermique 6 cv ou des rames, qui pêchait à poste fixe en déposant des poids. Ce n’est plus vraiment comme ça que ça se passe mais hormis l’évolution du matériel, l’approche intellectuelle du prédateur que nous sommes reste la même, on réfléchit, échafaude des théories, tente diverses approches.
Et maintenant je mesure les progrès faits en une petite quarantaine d’années où la pêche s’est vraiment modernisée. En réalité on ne prend pas plus de poissons qu’avant, certains disent moins, mais on découvre des plaisirs à naviguer, pêcher de nouveaux coins, jouer avec son électronique, traquer plus activement que par le passé où seule la touche et le combat était le moment de plénitude. On profite toujours des mêmes levers de soleils, des mêmes instants magiques dans la brume, du silence des grands lacs, de la tasse de café qui fume ou du vin blanc glacé qui fait mal aux dents en hiver.
On garde moins les poissons, on préfère les prendre en photos que naturaliser la tête de son gros brochet pour la pendre sur la cheminée du salon. Et comme toujours depuis que la pêche existe, on polémique, on critique son voisin, les autres catégories de pêcheurs, celui qui a un plus gros bateau, celui qui pêche mieux que les autres….Mais on reste des passionnés qui n’attendent encore que la nouvelle innovation pour pouvoir poursuivre le rêve.
Gardez la pêche
Juste au ca où, le générique d’Histoires Naturelles est la partie « danse » de la Carmina Burana de Carl Orff. Cette musique qui a réveillé nombre de pêcheurs qui s’endormaient devant la télé…
https://www.youtube.com/watch?v=MhyX4pNYNDw