Autrefois, il n’y a pas si longtemps, les moulinets Américains Penn étaient considérés comme des modèles de robustesse, de fiabilité et de résistance aux éléments. Ils étaient la référence absolue pour la pêche en mer, avant d’être détrônés par Daiwa et Shimano.
En effet, à la fin des années 90, la marque fut rachetée par Pure Fishing, un nébuleux conglomérat Américano-Suédois digne de la World Compagny qui s’empressa de délocaliser la production en Chine, ce qui entraina une baisse significative des coûts, mais aussi de la qualité (médiocrité des matériaux, montage bâclé et obsolescence programmée) contrairement aux marques japonaises qui avaient bien compris que l’excellence continuait à payer, et qui nous donnèrent les Stella et Saltigua que l’on sait. Pure Fishing a également racheté dans la foulée d’autres marques célèbres, avec les mêmes résultats, notamment pour Mitchell.
Pourtant, il y eut un sursaut de qualité de la part de Penn il y a deux ans avec la sortie du Torque, très bon moulinet, à nouveau fabriqué aux USA, qui n’a malheureusement pas eut le succès escompté, sûrement à cause de l’image dégradée de la marque et d’une faible publicité. En 2013, Penn fait une nouvelle tentative mondiale pour redorer le blason du légendaire Spinfisher en sortant pas moins de 11 modèles différents, à grand renfort de publicité cette fois ci. Bien que totalement fabriqués en Chine, cette nouvelle série se veut un compromis idéal entre low-cost et qualité, et ce dans la lignée de ses prestigieux prédécesseurs. Pourquoi pas ? Comme j’avais besoin d’un nouveau moulinet débrayable et que j’étais titillé par l’idée de renouer avec la célèbre marque, j’ai donc fait l’acquisition du modèle 6500 LL, que j’ai payé environ 150 € après bien des péripéties webesques que je vous épargnerai ici (il semblerait que la distribution ne soit pas au point). Au départ, je voulais le modèle 4500, mais il n’était plus disponible dans des délais raisonnables, je me suis donc rabattu sur son grand frère!
J’ai enfin reçu il y a quelques jours mon colis tant attendu.
Premier petit mensonge : sur les sites de vente, on nous indique un poids de 673 gr, et sur la boîte, on nous donne 690 gr. Sur ma balance de précision, le moulinet atteindra 709 gr à vide, et 749 gr une fois rempli de nylon et de tresse. Cela fait partie des «petits arrangements » avec la réalité que j’ai du mal à comprendre. Pourquoi mentir sur le poids d’un moulinet ? Passons…
Premières impressions : L’esthétique est réussie, une bobine et une manivelle vieil or sur un bâti noir, ça le fait et ça le fera toujours ! A la prise en main, le « full metal body » accuse son poids mais procure une sensation de solidité indéniable. Le pick-up est en aluminium très épais, le rotor est solide, la manivelle généreuse, la poignée confortable et le boîtier assez fin et compact. Seul bémol, la douceur de fonctionnement n’est pas vraiment le point fort du Spinfisher V. On a l’impression de « forcer » sur la manivelle pour le faire tourner ! Cette résistance qui tranche par rapport aux moulins Japonais est due je pense aux frottements parasites de l’ensemble des engrenages et surtout de la friction de l’axe principal le long du rotor. Un supplément de graisse et quelques gouttes d’huile en viennent à bout rapidement, pas d’inquiétude donc. L’anti-retour est permanent, par souci de simplicité et d’économie surtout, donc pas de bouton anti-retour !
Le système de débrayage est classique, avec la molette de réglage située au cul du moulinet, ce qui n’est pas le meilleur système. Le Daiwa Infinity ou le Fox Stratos par exemple possèdent une molette située au-dessus de l’axe principal, ce qui la préserve des chocs:
C’est généralement le point faible de ces moulinets : une fragilité plus grande et des points d’entrée d’eau multipliés. Tout cela est-il étanche ? Nous le verrons plus loin.
La bobine : Là aussi très classique, avec une série de marques concentriques pour vous indiquer son niveau de remplissage, ce qui est bien sûr complètement inutile, mais graphiquement sympathique ! Le bourrelet en caoutchouc au centre du moyeu sert à éviter que la tresse ne tourne sur l’axe, mais de toute façon je mets toujours quelques dizaines de mètres de nylon en backing par précaution, je ne peux donc pas vous dire si c’est efficace ou pas. L’axe est un peu sous-dimensionné par rapport au gabarit du moulinet, avec ses 5,5mm. 6 vrais millimètres n’auraient pas coûté beaucoup plus cher…
Le frein : La raison principale qui m’a fait choisir ce moulinet est la qualité de son double frein qui lui procure une puissance et une progressivité digne des plus grands. Il y a donc un frein carbone situé classiquement en haut de la bobine, et un autre scellé, ou plus exactement boulonné avec joint étanche situé à la base, et beaucoup plus large, ce qui équilibre et homogénéise la pression exercée sur les disques. Ce double frein est vraiment étonnant à ce niveau de prix, c’est une vrai bonne surprise. Malheureusement, il n’est pas étanche. Plus précisément, le frein en lui-même est étanche, mais laisse passer l’eau le long de l’axe, qui finira donc par rentrer dans le bâti. Il aurait fallu un joint en haut et à l’intérieur du rotor pour que l’ensemble soit parfait. Ce point faible a été relevé par de nombreux utilisateurs. C’est donc un second mensonge dont se rend coupable la marque, qui se targue de la totale étanchéité de son produit. Ceci dit, ce frein est vraiment génial et diminue considérablement l’inertie sur un ferrage ou sur une touche, surtout couplé au système débrayable. Il est annoncé pour 13,5kg mais je pense qu’il doit atteindre ses limites vers 7 ou 8 kg, ce qui est déjà considérable. Je le répète, en matière de frein ce qui est important c’est la progressivité et non la puissance.
Je m’inquiétais donc de l’étanchéité du boitier à cause du système de débrayage et du bouton de réglage arrière, j’ai donc démonté le capot pour voir ce qu’il en était. Au passage, contrairement aux anciens modèles débrayables qu’il fallait démonter avec précaution, il suffit de retirer la petite vis supérieure du levier (et les 4 vis principales) pour permettre l’ouverture du capot, cette accessibilité est appréciable. Soulagement, le joint rouge que vous voyez sur l’image ci-dessus épouse parfaitement les formes des différents mécanismes, assurant logiquement l’étanchéité de l’ensemble. D’autres joints sont placés aux endroits stratégiques, comme à l’articulation du levier de débrayage. A priori, ça semble étanche, on verra à l’usage.
Les différents engrenages sont « en alliage de Zinc », ce qui ne veut pas dire grand-chose, puisqu’il existe des centaines d’alliages de zinc différents (est-ce de l’acier galvanisé, du laiton, un alliage à base d’aluminium-le plus probable- ?). C’est là je pense que réside le principal point faible du moulinet : Les matériaux utilisés me semblent suspects. Sont-ils issus de frittage, de forgeage à froid, d’usinage dans la masse ? Mystère. La seule chose qu’on peut dire, c’est qu’ils sont correctement et précisément assemblés dans un espace très compact, les contrôles qualité sur les chaînes de montages ont dû être renforcés ! Résisteront-ils dans le temps ? C’est la principale inconnue. Le graissage est correct, mais quelques gouttes d’huile et deux ou trois noisettes de graisse supplémentaires seront les bienvenue et permettrons comme je l’ai dit plus haut de diminuer la sensation de frottement qui se dégage du moulinet de prime abord.
L’enroulement est tout à fait satisfaisant, et peut rivaliser sans problème avec les meilleurs modèles actuels. J’ai rangé sur la bobine (et lancé) sans aucun souci la nouvelle Power Pro 8 brin. Le moulinet est fourni avec deux rondelles supplémentaires à fixer sous la bobine pour modifier l’enroulement si vous le souhaitez plus conique.
Pour conclure, je dirais que le Penn Spinfisher V 6500LL est un moulinet débrayable basique mais doté d’un excellent frein, à un niveau de prix attractif. Sa construction souffre d’un certain manque de qualité interne, mais avec un entretien régulier on préservera les engrenages. D’ailleurs tous les moulinets, même les meilleurs, ont besoin de graissage fréquent. Pour une utilisation en eau douce, il ne devrait donc poser aucun problème. Pour la mer, il faudra l’inspecter plus souvent. J’ajouterai que globalement, les retours utilisateurs sur les sites et forums US sont très positifs, ce qui n’est pas une garantie en soi, mais c’est tout de même rassurant.
Vous pouvez lire ICI l’analyse minutieuse qu’Alan Hawk a faite du modèle 8500, et de sa déconvenue avec la rupture incroyable du pignon de rotor ! Il faut dire qu’il maltraite particulièrement le matériel, et peut-être a-t-il joué de malchance avec un modèle défectueux, en tout cas je ne pense pas avoir ce genre de problème en France avec nos brochets et nos sandres !
J’ajouterai un compte-rendu de mes tests en conditions réelles d’ici quelques semaines. Si la météo le permet!
Textes et photos: Jean-Paul Charles
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