Dix ans ! Ça fait dix longues années que les services d’état déversent des alevins de saumon dans les rivières du Morvan affluentes de l’Arroux, celui ci se jetant dans la Loire à Digoin (71).
Dix années où ces déversement se faisaient sans en avertir l’ AAPPMA responsable de la pêche et de la protection des milieux aquatiques concernés.
Et cette année, après réclamation lors de l’assemblée générale de la fédération, enfin une réponse du Conservatoire National du Saumon Sauvage invitant les responsables d’ AAPPMA à les contacter pour connaître les lieux et dates des déversements.
Je me suis donc rendu à l’un de ceux ci sur le Ternin à Lucenay L’Eveque où l’AAPPMA la Gaule Lucenoise gère ce splendide parcours.
Comment ça marche ?
Localement c’est donc un pick up équipé d’une cuve alimentée en oxygène qui est arrivé, la cuve contenait 600 l d’eau et 35 000 alevins de 0,4g (1 à 2 cm). Les deux personnes chargées de cette mission étaient partis le matin même de Chanteuges en Haute Loire où est implantée la pisciculture. Il leur a fallut 4 heures de route pour arriver au premier des 20 points de déversements sélectionnés.
Une autre équipe s’occupait d’une autre rivière avec une cuve de 1000 l contenant environ 60 000 alevins de même taille.
Selon les personnels, 4 heures étaient nécessaires pour l’opération de déversement, ce qui leur occasionne une sacrée journée de plus de 12h00 avec l’aller retour sur la haute Loire !
Pour procéder et quantifier le nombre à déverser le pisciculteur procède avec une passoire dont les marquages lui indiquent la quantité approximative. Les tacons sont alors mis dans des seaux et déversés sur des zones de radiers, en théorie c’est un alevin pour 1m² de radier.
Ces alevins sont nés à Chanteuges de saumons sauvages capturés, l’éclosion des œufs à eu lieu en mars avril et c’est donc en juin qu’on les lâche en milieu naturel.
Chaque point de déversement a été choisi par son accès facile et la présence de radiers, ces points sont les mêmes toutes les années.
Le cycle de vie du saumon :
Revenons un peu sur le saumon atlantique, enfin le peu qui remontent la Loire en échappant aux filets des pros dans les estuaires et sur les zones de grossissement de l’atlantique nord !
Ce saumon remontait par milliers auparavant et se reproduisait dans les rivières morvandelles puis après un long déclin il a totalement disparu. De vieux document mis à jour à AUTUN (71) démontraient cette abondance, en effet les contrats de travail de certains saisonniers précisaient que ne leur serait pas servi à manger du saumon à tous les repas !
Une fois le premier hiver passé, vers mars, alors que le tacon aura atteint une taille comprise entre 12 et 20 cm et que l’eau atteindra 7 à 8 ° se produira le phénomène de smoltification. La robe deviendra plus argentée et les tacons devenus smolts dévaleront jusqu’à la mer. Pour cela il leur faudra éviter les pêcheurs à la ligne qui ne savent pas reconnaître un tacon ou un smolt, les hérons, les cormorans, les turbines de barrages……etc etc.
Localement selon les techniciens ce sont environ 60 % des tacons qui vont se smoltifier la première année, les autres le feront le seconde année et atteindront la taille de 20 à 25 cm.
La polémique du coût et de la réussite de ce projet :
Dix années à tenter de réintroduire le saumon pour quoi ? Une fois, il y a quelques années 6 saumons ont été comptés à la passe à poisson de Geugnon sur l’ Arroux, depuis c’est 1 ou 2 par an. Si ça ce n’est pas la preuve formelle que ce projet est une gabegie. Je n’ai pas la prétention d’être plus malin que les scientifiques du muséum d’histoire naturelle de Paris qui cautionnent ce projet mais 10 ans à lâcher des alevins pour ne rien voir et qu’en plus on évoque d’augmenter les lâchers…J’ai des doutes sur le sérieux de l’affaire.
Certes ce serait dommage de voir disparaître le saumon sur la Loire mais il remonte l’ Allier et s’y reproduit par contre l’ Arroux c’est bernique ! A quoi bon continuer si la nature a parlé. Peut être que les eaux morvandelles ne sont plus favorables au saumon sinon avec de tels moyens il serait remonté, rendez vous compte 100 000 alevins pour 1 saumon aperçu !
Les responsables des AAPPMA locales m’ont confié que ces tacons à la croissance rapide et à l’appétit féroce se nourrissaient au détriment de la truite de souche déjà très mal en point. Il est évoqué que les zones de nourrissage et de stationnement du tacon ne sont pas celles des truites, certes c’est possible je ne l’ai pas constaté mais on peut simplement faire le ratio entre biomasse disponible et truites ou tacons.
Bien entendu les truites vont bouffer des tacons, les tacons bouffer des truitelles…Les pêcheurs qui ne savent pas faire la différence vont capturer les tacons en se disant que ces truites là sont bien plus jolies que celles d’à coté ! Mais selon moi et je ne suis pas le seul à le penser, est ce bien utile de déverser ces tacons là ?
Le Conservatoire National du Saumon Sauvage :
Voila encore une structure qui interroge si on ne s’y attarde pas. Une société coopérative d’interêt collectif à capital variable agrée par le préfet qui regroupe en actionnaires ou partenaires, l’Onema donc l’état, l’association saumons sauvages, l’association protectrice du saumon, la fédé de pêche de Haute Loire, Le muséum d’histoire naturelle, le syndicat mixte d’aménagement du Haut Allier et encore d’autres membres qui participent.
La bonne nouvelle c’est que cette coopérative est non lucrative donc aucun des partenaires ne s’enrichit grâce à elle.
Le CNSS répond à un appel d’offre émanant de la DREAL de bassin Loire Bretagne qui est un service déconcentré du Ministère de l’ Ecologie qui lui donne ses objectifs et les moyens pour y parvenir.
Le projet de réintroduction du saumon date de 1994, la salmoniculture de Chanteuges apparteant au CNSS a été mise en service en 2001. Elle peut produire annuellement 2 225 000 œufs, 600 000 alevins et 235 000 smolts.
Elle s’inspire de ce qui est fait depuis de nombreuses années au Canada ou aux USA qui procèdent eux aussi à des alevinages massifs.
Chanteuges est la plus grande pisciculture de saumons d’ Europe, elle emploie 11 personnes, son chiffre d’affaire est de 715 700 euros en 2012 pour un résultat net de 33 700 euros.
Certains seraient tentés de se dire que ça ne sert à rien, néanmoins les résultats sont là sur l’ Allier qui a vu ses populations revenir (700 à 800 saumons comptés à la passe à poisson de Vichy), à tel point que la fédé et même le directeur du conservatoire du Saumon M. Patrick MARTIN ont pris publiquement position pour la réouverture de la pêche de loisir avec des quotas. Chose que le ministère refuse préférant sanctuariser cette rivière comme c’est à la mode avec les bobos parisiens.
Sur tous ces poissons qui remontent, le CNSS estime que 80 % d’entre eux viennent de la pisciculture de Chanteuges.
Pourtant après avoir discuté à bâton rompu avec les deux techniciens chargés de l’alevinage sur le Ternin, ceux ci m’ont confié que leur action sur le bassin de l’ Arroux ne leur semblait pas franchement opportune mais si le ministère les paye pour le faire alors pourquoi pas…
Conclusion :
le nœud de tout ça car il y en a un à mon sens, c’est que le ministère fait sa popotte, le Logrami aussi en comptant et en déduisant ce qu’il conviendrait de faire et que les fédés et AAPPMA subissent..Elle subissent mais elles financent via la CPMA qu’elles récoltent pour l’état. Pas franchement de concertation entre truc lointain administratif qu’est la DREAL de bassin à Orléans et le petit président d’ AAPPMA de Lucenay l’ Eveque qui en aurait pourtant des arguments à apporter ! Avant le saumon, occupons nous donc des truites !
J’aimerai bien voir un jour remonter les saumons pour frayer dans le Ternin, en prendre un à la ligne, mais c’est de l’utopie. Il est temps d’arrêter de jeter l’argent par les fenêtres dans des projets sans lendemain alors qu’on subit tous la baisse régulière de notre pouvoir d’achat.
Certes quand j’attrape un tacon à la ligne, je le relâche en espérant qu’il atteindra la mer pour y grossir puis reviendra là mais c’est du fantasme.
Merci aux personnels du CNSS de leur franchise et de m’avoir accordé quelques minute de leur très longue journée en Morvan.
Gardez la pêche.
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