VIDEO KILLED THE RADIO STAR : Chanson et tube prémonitoire, sorti en 1981, par le groupe The Buggles. Les anciens de ma génération s’en souviennent sans doute …
Mais que vient donc faire un hit de pop-music anglo-saxon sur un site de pêche ?
Au vu de ce qui se passe depuis quelques années sur la planète internet, et dont le petit monde de la pêche fait partie, il m’a semblé amusant, quoiqu’un peu casse-gueule, de tenter d’établir un parallèle entre ce qui s’est passé dans les année 80 avec l’évolution de la diffusion musicale du fait de l’arrivée de MTV (principalement américaine et anglaise pour l’exemple), et la profonde mutation qui s’est opérée autour de la promotion de notre activité halieutique depuis l’arrivée de YouTube.
Cet article que je vous propose, et qui sort un peu des sentiers battus, saura, je l’espère, occuper un peu de votre temps en cette saison froide et hivernale de fermeture.
Petit rappel (pour les plus jeunes ?) :
A partir du milieu des années 60, et jusqu’à 1983-84 environ, le monde musical, ainsi que le business affairant, s’est établi autours d’artistes ou de groupes dont l’activité est de produire de la musique. Bon, jusque là, rien d’anormal me feront remarquer certains.
Les ventes de disques sont la valeur étalon de la notoriété des artistes, et les radios sont reines pour la diffusion musicale.
Concernant la télévision, les chaînes sont peu nombreuses à l’époque.
On ne compte que quelques émissions musicales, qui diffusent le plus souvent des « lives » (c’est à dire une prestation de type concert en direct, habituellement en playback), et quelques prémices de clips vidéos, dont la réalisation peut sembler de nos jours comme un peu hasardeuse pour certains.
Et tout cela dans une ambiance qui fleure bon la « télé à papa ».
En outre, de nombreux magazines papier, traitant de l’activité musicale depuis les années 60, se spécialisent de plus en plus par genres musicaux dès le milieu des années 70.
Mais en 1981, un nouvel acteur médiatique va pointer le bout de son museau : MTV (Music Télé Vision).
La qualité de départ, loin de la grosse production et des grands plateaux de télévision, est assez modeste (pour ne pas dire médiocre) :
Les décors sont sommaires, la réalisation minimaliste, et ne parlons pas des animateurs, qui sont souvent des débutants. Tout cela respire le bricolage maison, à la limite de l’artisanal. Mais cela va très vite évoluer.
Cette nouvelle chaîne de télévision propose tout simplement de diffuser des clips vidéos musicaux 24h/24h.
Le slogan de l’époque : « Vous ne verrez jamais plus la musique de la même manière ».
Et c’est ce qui va tout révolutionner. On passe du fait d’écouter de la musique au fait de voir de la musique. Tout à coup, la musique pour elle même ne suffit plus. Il faut une identité visuelle, un look qui puisse se démarquer à la télévision. La fin d’un monde se profile.
Les producteurs vont vite comprendre le virage à prendre, et les artistes et anciennes gloires qui ne sauront pas s’adapter vont quasiment disparaître des écrans radar.
En quelques années, MTV va devenir un mastodonte incontournable (pour la musique pop/rock en particulier), diffusant en boucle des clips vidéos de plus en plus élaborés.
Les artistes qui vont en émerger vont devenir les groupes et chanteurs(ses) phares des années 80.
Certains, comme Michael Jackson, avec « Thriller » Dire Strait avec « Money for nothing« , ZZ-Top avec « Eliminator » vont savoir rebondir et relancer leur carrière, alors qu’au même moment apparaissent Duran duran avec « Rio », Eurythmics avec « Sex Crime » (liste non exhaustive), les p’tits nouveaux qui révolutionnent l’offre musicale en ayant tout compris sur la puissance de l’image pour leur carrière.
Ces productions vont définitivement définir les bases du clip vidéo calibré MTV, entraînant derrière eux profusion de nouvelles créations audiovisuelles qui vont aspirer une grande partie des budgets artistiques, et qui vont remplacer tout ce qui se faisait avant.
Et là, je pense que les plus perspicaces parmi vous auront compris où je veux en venir.
Recontextualisons tout cela autour de la pêche (mais cela pourrait s’appliquer à de nombreux autres domaines, tels la mode, la cuisine, etc …)
Jusqu’au début des années 2000, la communication concernant la pêche se fait surtout par voie de presse spécialisée (aujourd’hui quasiment disparue), par la compétition (de manière plus confidentielle), et par la retransmission encore plus confidentielle de reportages télévisuels (Histoires naturelles, pour ne pas le citer …), diffusées bien sûr en dehors des heures de grande écoute.
Les acteurs du genre sont soit des auteurs halieutiques, dont les écrits font autorité (Henri Limouzin, les frères Drachkovitch, Alphonse Arias, Michel Tarragnat…), soit des compétiteurs chevronnés (soit dit en passant, qui sont souvent interviewés par les premiers …).
Les enveloppes financières, octroyées par les grands acteurs commerciaux de la pêche, se répartissent alors en publicités dans les magazines, en dotations pour les compétiteurs et pour les différents concours/compétitions répartis sur le territoire, ou encore en stands dans les grands salons de pêche.
On est encore très loin du placement de produits dans les reportages pêche, dont la confidentialité n’intéresse pas les annonceurs potentiels, malgré l’arrivée sur la TNT de chaînes de télévision spécialisées (chasse & pêche, …)
Mais comme avec MTV pour la musique, tout va changer avec l’arrivée de nouveaux entrants médiatiques, qui vont bouleverser les codes établis.
A l’aube des années 2000, les plateformes de diffusion via internet, les réseaux sociaux, etc… ne vont pas tarder à redistribuer les cartes.
Et le virage va être particulièrement serré à prendre. Il faut s’adapter, ou être condamné à disparaître. Une bonne partie de nos anciennes célébrités, auteurs, etc, ne vont pas tarder à être bousculés, quand ils ne seront tout simplement pas remplacés par des nouveaux intervenants, prêt à tout pour réussir.
Qui réellement peut se souvenir du nom des champions de pêche au carnassiers de ces dix dernières années ? Quasiment personne, à part quelques aficionados.
Nous entendrons sûrement Sylvain Legendre et Gaël Even. Mais les autres ?
Sponsoriser des quasi-inconnus, qui, au mieux, communiquent (pas très bien) via un blog plus ou moins à jour, ce n’est pas cela qui fait vraiment vendre du matériel et de l’équipement.
Mais c’est tout ce qu’il y a à l’époque.
Alors, à présent, face à un jeune youtubeur revendiquant pas moins de 80 000 abonnés (ça parle à l’oreille des annonceurs), qui parmi ceux là peuvent encore faire le poids question notoriété, et donc question revenus publicitaires ?
Et je ne parle pas de Bar d’écume ou des suédois de KanalGratisdotse (pour ne citer qu’eux), qui revendiquent plus de 300 000 abonnés chacun …
Parmi tous ces champions et anciens journalistes spécialisés, les plus médiatiques vont se faire directement embaucher par les marques, marques qui mettront en oeuvre des ressources assez conséquentes afin de créer des chaînes youtube, pour rester dans le coup.
Mais à y regarder de plus près, par exemple, FoxRageTv, avec tous ses moyens, ses stars, ses Pro-staffs, ne totalise que 40 000 abonnés, alors que Tristan Hédouin, à lui tout seul, totalise pratiquement 80 000 followers. Ce qui dénote quand même que le pêcheur lambda s’identifie beaucoup plus facilement avec une personne qui lui ressemble et qui partage le même ordinaire, qu’avec une star de la pêche qui peut sembler parfois un peu hors de portée.
Go-pro, la caméra incontournable du début des vidéos youtube.
Dès 2004, cette marque a particulièrement bien compris ce qui était en train de se jouer, et a rapidement proposé des caméras adaptées au tournage de type « sport » : Objectif grand angle, peu ou pas de réglages, pouvant délivrer un résultat immédiatement diffusable sur internet par des néophytes en tournage et montage vidéo.
Nombreux sont les pécheurs à s’être essayé à ce nouveau hobby, mais ce succès (commercial pour Gopro) restera malgré tout très éphémère.
Tout va évoluer rapidement. Les vidéos réalisées à bout de bras, en mode « tournées/montées » comme on dit dans le jargon, vont vite être distancées par des productions beaucoup plus élaborées.
Le site YouTube a été créé en 2005, et racheté par Google en 2006.
De 350 millions de visiteurs en 2009, on est passé à 2 milliards en 2020, avec une croissance des revenus générés par la publicité qui est complètement insensée.
Ce montant des revenus publicitaires s’établit à plus de 36 milliards de dollars en 2024.
Cette manne financière va rapidement faire le bonheur de nombreux youtubeurs et autre influenceurs. Réussissant pour certains à fidéliser de nombreux followers, ils vont vite comprendre comment monnayer leur nouvelle notoriété, que ce soit par la rémunération au « clic », le placement de produits, le sponsoring, etc …
Le business de la pêche, un secteur économique qui n’est pas différent des autres acteurs du marché commercial, va alors opérer un changement assez radical dans son approche de la communication et des budgets publicitaires/sponsoring, dont une bonne partie ne va pas tarder à glisser vers cette vitrine médiatique offerte par YouTube, au détriment des anciens financements.
Les magazines papiers ont disparus, avec leurs auteurs, faute de lecteurs et de dotation publicitaire, les petits concours de pêche locaux sont en galère pour obtenir des lots, et il est de plus en plus compliqué d’obtenir, même pour un très bon pêcheur compétiteur, un contrat de sponsoring.
Mais quel est le futur de tout cela ?
Si l’on refait le parallèle avec MTV, cette chaîne de télévision n’aura tenu que 10 ans dans son format de départ, avant de virer progressivement vers la production d’émissions pour les jeunes, délaissant les programmes purement musicaux.
(Entre temps, l’industrie musicale va subir une nouvelle évolution de la consommation de musique, j’ai nommé spotify ou Deezer. Mais c’est une autre histoire)
Et pour la pêche, YouTube et nos youtubeurs ?
Certains youtubeurs revendiquent des centaines de milliers de followers, ce qui permet à ces nouvelles entreprises, grâce aux gains engrangés, de salarier une petite équipe.
Ils peuvent ainsi produire des vidéos de qualité de plus plus haut de gamme (tournage et montage professionnels, pilotage de drones, etc …).
La conséquence, c’est que la marche à franchir pour les nouveaux prétendants vidéastes sera de plus en plus élevée pour l’accession au statut tant convoité d’influenceur voulant vivre de cette activité.
D’autre part, et d’une certaine manière, en France, l’industrie de la pêche essaie de reprendre un peu la main, ou tout du moins de suivre le mouvement en étant le plus possible à la source de la diffusion d’informations et de contenu.
On peut, par exemple, citer le fishing club, collaboration entre Ultimate fishing, Navicom, et David Vengerder.
Le Mercury Fishing Cup, en partenariat avec la FFPS, est pour moi le meilleur exemple.
Cette compétition est l’alibi d’une énorme campagne promotionnelle et commerciale pour la pêche, avec des moyens techniques de captation et de communication mis en œuvre qui sont sans commune mesure avec ce qui s’est fait jusqu’à présent en France.
Comment cela va-t-il évoluer ? Les nouveaux protagonistes d’aujourd’hui seront-ils à leur tour un jour remplacés, du fait de nouveaux formats de diffusion ?
Tik-Tok, Insta, etc, avec leurs courts formats de type « reels », et qui pour l’instant servent à faire de la promotion rapide, pourraient-ils entrer en concurrence avec YouTube ?
Difficile de prédire l’avenir.
Il faut quand même se rappeler que si acheter n’importe quoi d’un clic de souris est maintenant monnaie courante, peu nombreux sont ceux qui ont vu venir le commerce en ligne.
De même que personne n’avait imaginé l’explosion des réseaux sociaux et autres YouTube. Toutes les options restent ouvertes …
AB