Les verres polarisants apportent au pêcheur une aide précieuse au bord de l’eau. Grâce à leur propriété filtrante, ils permettent d’éliminer tout ou partie des reflets de surface, et nous donnent cette possibilité de « voir » au travers de l’eau.
Jusqu’à présent, je me suis contenté d’un clip polarisant trouvé en tête de gondole, lors d’une vente promotionnelle. L’effet optique recherché était déjà saisissant, mais après avoir essayé le masque (haut de gamme) d’un collègue, je me suis rendu compte que j’étais assez loin d’avoir un aussi bon résultat que lui.
De plus, ce clip, de qualité douteuse, ne pince pas formidablement, s’est rapidement oxydé, et les verres (trop grands et un peu coupants) frottent régulièrement sur mon nez, ce qui m’oblige à clipser le support un peu plus« haut » afin de ne pas me blesser.
Il en résulte que de cette façon, le clip tient encore moins bien : C’est le cercle vicieux de la loi de Murphy, on ne s’en sort pas …
J’ai profité d’une visite chez mon opticien, lors de l’achat d’une nouvelle paire de lunette de vue, pour lui poser quelques questions au sujet des verres dits « polarisants », et des différentes solutions possibles afin de les adapter aux lunettes correctrices.
Après tout, ce sont des spécialistes, et qui mieux qu’un professionnel de l’optique pour répondre à mes interrogations ?
Ma première question fut la suivante :
Existe-t-il des verres polarisants totalement clairs (c’est à dire non teintés) ?
En effet, pratiquant souvent le coup du soir, le côté «lunettes de soleil» devient pour moi vite un handicap, surtout en début de saison. Dans les sous bois, lorsque le soleil baisse, on n’y voit plus grand chose avec des verres teintés.
Sa réponse fut sans appel : Malheureusement non. En effet, le principe de fonctionnement d’un verre dit polarisant est de filtrer les rayons lumineux suivant un angle déterminé (dans notre cas, les rayons horizontaux), un peu à la manière d’une persienne devant une fenêtre. Plus on veut filtrer, plus il faut serrer la persienne. Le verre se teinte alors de plus en plus d’une couleur marron suivant le taux de filtration désiré, et laisse de moins en moins passer la lumière.
Suivant le taux de polarisation désiré, les verres seront plus ou moins teintés
Test de polarisation : D’abord en vision normale, puis les verres jaunes (recommandés pour la conduite), puis les verres spéciaux « fishing »
Deuxième question :
Etant porteur de lunettes correctrices, quelles solutions peut il me proposer ?
La solution la plus chic serait de faire réaliser des verres à ma vue, doublés d’un filtre polarisant. En effet, les fabricants de verres sont à même d’élaborer toutes sortes de réalisations. Malheureusement, le prix de mes verres de corrections sont déjà très (trop?) élevés, et le coût d’une paire de lunettes supplémentaire m’a paru un peu prohibitif par rapport à l’usage que je pourrais en faire.
La deuxième solution est la sur-lunette intégrale, qui se porte par dessus les lunettes de vue, un peu à la manière d’un masque de ski.
Cette solution a l’avantage d’un prix abordable, et d’un point de vue optique, elles isole énormément la lumière provenant hors du champ de vision, ce qui renforce l’effet de filtrage polarisant.
Seulement, elles sont incompatibles avec des montures pour verres progressifs.
La correction progressive en elle-même n’est pas en cause. Simplement, les verres progressifs nécessitent une certaine « hauteur » de verre, et seules des montures relativement étroites permettent la mise en place d’une surlunette. Pour ma pomme, c’est mort, mais si vous ne portez pas de verres progressifs, je ne saurais que vous conseiller cette solution si elle est compatible avec la taille de votre paire de lunettes.
Surlunette polarisante intégrale
La troisième solution, c’est le clip.
Ayant déjà une expérience peu concluante avec ce type de système, je fais part de mes réticences à mon interlocuteur.
Il me présente un clip de marque JH Buffard, le spécialiste français du clip solaire. Cette maison fabrique et distribue des produits de qualité, et est titulaire de nombreux brevets.
Cette marque propose, entre autre, un verre spécial « fishing », parfaitement adapté à notre activité favorite, avec un filtre polarisant performant de catégorie 2, c’est à dire pas trop foncé.
De plus, et c’est là tout l’avantage d’aller chez un professionnel, mon opticien se propose de me retailler les verres en polycarbonate, afin de les adapter parfaitement à ma monture.
Le clip se positionnera ainsi de manière optimale, et je ne serai plus gêné par le débordement du verre par rapport à ma monture.
Les verres du clip, une fois retaillés, sont parfaitement adaptés à ma monture
Ce clip vaut certes un peu plus cher que ceux que l’on peut trouver chez un détaillant d’articles de pêche, mais on est sûr de la qualité du produit, et on bénéficie d’un vrai service professionnel.
De plus, la qualité optique est au rendez vous, et la discrétion de ce clip n’a d’égale que son poids plume.
Mais au fait, la polarisation de la lumière, comment à ça marche ?
Lorsqu’elle est d’origine naturelle, la polarisation de la lumière peut être due, par exemple, au filtrage par les différentes couches de l’atmosphère (polarisation par diffusion, responsable entre autre, de la couleur bleue du ciel), ou en utilisant, par exemple, des verres dichroïques spéciaux, dits verres « polaroïd », quand elle est d’origine artificielle.
C’est le cas de nos verres de lunettes polarisants : Ils filtrent les rayons lumineux selon un angle bien précis de polarisation.
Sans entrer dans les détails, il est à noter que ce principe est utilisé pour le cinéma 3D, en plaçant devant chaque œil un filtre polarisé avec un angle différent, de manière à séparer la vision droite et la vision gauche afin de recréer artificiellement l’effet de relief.
Un autre phénomène, et c’est celui-ci qui nous intéresse en particulier dans le cadre de nos activités halieutiques, est la polarisation de la lumière par réflexion vitreuse.
Attention : Cela ne fonctionne pas avec une réflexion dite « métallique », comme avec un miroir par exemple.
Le filtre polarisant élimine une grande partie des réflexions de la vitre de cette voiture, mais pas celles de la carrosserie
Pour appréhender le phénomène, il faut avant tout comprendre quelques principes optiques : La réfraction et la réflexion de la lumière.
Lorsqu’un faisceau lumineux atteint une surface « vitrée » (verre, cristal, eau …), une petite partie de ce faisceau est réfléchie (réflexion partielle), et le reste du faisceau traverse cet élément, avec un changement notable de direction. Ce phénomène, par lequel la lumière change de direction lorsqu’elle passe d’un milieu transparent à un autre, s’appelle la réfraction.
Chaque élément transparent possède un indice de réfraction qui lui est propre, et fera qu’un faisceau lumineux le traversant sera dévié en fonction de la grandeur de cet indice (à l’indice de référence 1, pas de déviation).
Pour info, l’air a un indice 1, le verre un indice 1.5, l’eau un indice 1.33, et nous allons voir un peu plus loin en quoi cet indice est important.
Le faisceau lumineux réfléchi par une surface vitrée est polarisé de façon rectiligne selon une direction parallèle à la surface de réflexion.
La surface de l’eau étant horizontale, les rayons réfléchis seront donc polarisés horizontalement.
Il suffira alors de filtrer cette lumière polarisée à l’aide d’un verre adéquat pour éliminer totalement l’effet de réverbération.
Mais attention, c’est ici que cela se corse : La polarisation de la lumière ne sera maximale qu’à un angle bien particulier, dit angle de Brewster, du nom du scientifique qui a découvert ce phénomène en 1812.
En effet, en dehors de cet angle bien précis, la lumière réverbérée ne sera que partiellement polarisée, et ne sera donc que partiellement filtrée par nos lunettes.
Cet angle bien précis est fonction de l’indice de réfraction de l’élément traversé par le faisceau lumineux, d’où l’explication qui précède. Il se mesure par rapport à la verticale à la surface, et la polarisation par réflexion est maximale quand le rayon réfléchi et le rayon réfracté sont à 90° l’un de l’autre (ouh là là, j’en vois qui décrochent au fond …).
Dans le cas de l’air par rapport à l’eau, cet angle est de 52°.
L’effet de filtrage par nos lunettes polarisantes sera donc maximum lorsque l’on regardera la surface de l’eau avec un angle de 52° par rapport à la verticale. En dehors de cette zone particulière, la lumière réfléchie sera de moins en moins polarisée, et nos lunettes perdront de leur efficacité.
Inutile donc de vouloir chercher à voir trop loin … Pour un pêcheur lambda mesurant 1,75m, avec les yeux à 1,65m du sol et surplombant l’eau de 40 cm, la zone la plus favorable se situera à environ 2,60m de ses bottes.
Autant dire qu’il faudra rester discret, car à cette distance, une truite vous aura déjà repéré depuis bien longtemps.
Un autre effet du à la réfraction de la lumière lorsqu’elle traverse l’eau :
Nous avons tous été confronté à ce fait optique qui tend à nous faire croire que notre fil, une fois passé dans l’eau, fait un angle et semble plus horizontal qu’il ne l’est réellement.
De même, un poisson nous semble plus « haut » dans la colone d’eau qu’il ne l’est en vérité.
Tout cela est du également au principe de réfraction de la lumière.
Et attention: Le fait de d’éliminer la réverbération avec des verres polarisants ne modifie en rien le phénomène optique du à la réfraction de la lumière : Votre leurre continuera à vouloir nager bien plus profondément que vous ne pensez le voir (j’aurais du m’en rappeler au moment ou mon B’Freeze fétiche est resté planté dans cette foutue souche …).
AB
Je tiens à remercier particulièrement Deny Optic, à Metz Ban-St-Martin. Encore merci pour votre aide, vos explications et vos conseils.
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