Truite Arc-en-Ciel, un poisson mal aimé

Cette année encore, des milliers voir des millions de truites surdensitaires dont la plupart des arcs-en-ciel ont été déversées dans les rivières et les étangs Français pour satisfaire la grande majorité des pêcheurs.
En discutant au bord des rivières morvandelles j’entends souvent tout un tas de réflexions négatives vis à vis de ce pauvre poisson qui ne les mérite pas. La bassine, la poponne, la TAC, l’arc est un superbe salmonidé qui selon moi vaut largement la fario.

Ma première vraie truite, celle qui m’a donné mes premières émotions de pêcheur était une fario sauvage du Morvan prise avec mon grand père. Mais, celle qui m’a peut être rendu le plus fier n’est qu’une simple arc-en-ciel prise lors de ma première ouverture de la truite en solitaire, celle pour laquelle j’avais séché les cours.
L’ arc ou Oncorhynchus mykiss, qui est son nom latin est un poisson originaire d’ Amérique du Nord qui s’est acclimaté dans quelques coins d’ Europe, pour la France il en existe une population sauvage dans une zone des Pyrénées. Chez nous on la trouve à l’état résiduel à la suite des lâchers d’ouverture, elle n’aime pas les eaux chaudes des étangs en été et succombe discrètement en coulant, on ne retrouve quasiment jamais d’ arc-en-ciel morte dont le corps flotte à la surface des étangs. Pourtant elle résiste bien mieux à la chaleur que la fario ce qui justifie qu’on ne trouve souvent qu’elle en réservoir.

C’est cette truite qu’on découvre sous cellophane chez le poissonnier à des tarifs la plupart du temps bien moins chers que nos AAPPMA ne les payent au pisciculteur.
L’ arc est le poisson dont les piscicultures maîtrisent le mieux l’élevage, elle grossit plus vite que les autres et de ce fait coûte bien moins cher à produire. Les professionnels nous vendent des truites arcs-en-ciel qui ne peuvent se reproduire, dixit un pisciculteur, ainsi et dans l’absolu ils se gardent un marché pour leurs poissons. Par ailleurs introduire un poisson stérile dans un cours d’eau peuplé de truites natives ne risque pas de les mettre en danger de remplacement.

La plupart des gens qui ne connaissent que très peu la biologie des poissons l’appellent la saumonée, gage de qualité selon eux mais la chair rose de ces truites ne vient que d’un colorant contenu dans les granulés, sinon elle possède la même chair blanche que les autres.
L’arc vit la plupart du temps en bancs qui circulent et recherchent les zones de pleine eau, ce n’est pas un poisson de cache comme la fario, c’est pourquoi en rivière on la trouvera dans les secteurs les plus calmes et les plus profonds. J’ignore si ce comportement est identique au comportement de l’arc sauvage mais il est indéniable que chez nous c’est ainsi que se comporte ces poissons. En étang et lac elle est très mobile et circule, ainsi on peut voir que si un pêcheur en prend une, son voisin fera de même dans la foulée.

On accuse sur mon Morvan l’arc-en-ciel de bien des maux, pourtant selon moi elle n’a que des qualités. Son combat est extraordinaire, une arc ne se rend jamais, elle pourra vous faire toutes les figures de tous les poissons carnassiers : Sauts, rushs, sondées….Et quand on croit qu’elle est fatiguée elle se réveille et repart de plus belle à la vue de l’épuisette.
Il est vrai qu’elle n’a pas la chance d’avoir la belle robe de la fario mais son dos vert ponctué de points noirs et sa bande latérale rose sont superbes. Nos arcs arrivant de pisciculture sont souvent en piteux état, nageoires atrophiées, gueule abîmée, pourtant si elle survit un mois et se refait une santé vous aurez face à vous un poisson superbe.

L’arc est plutôt facile à prendre ce qui enchantera le gamin comme le pêcheur âgé qui ne peut plus crapahuter. Elle mord à tous les leurres, et aux appâts naturels on arrive même à la prendre au maïs. J’ai le souvenir d’un après midi en rivière à la nymphe où 16 arcs m’avaient gratifiées de ma plus belle sortie, j’ignorai que l’ AAPPMA avait vidé dans cette partie de la rivière le stock d’ arcs qui restait du bassin à truites de la kermesse du village.
Là où elle est lâchée, elle apportera quelques bénéfices aux truites autochtones. Elle détournera la prédation humaine vers elle car elle sera plus facile à piquer, autre avantage elle ne risque pas de s’hybrider avec une fario. Etant un poisson de pleine eau, elle va plus se déplacer sur le linéaire de la rivière et laissera tranquille les postes de chasse des farios.

Mon AAPPMA a choisit cette année encore de lâcher 250 kg de farios sur l’ensemble du parcours et 30 kg d’ arcs sur la zone du bourg ou les accès sont les plus faciles pour les jeunes pêcheurs ou les plus âgés. Beaucoup d’ AAPPMA ne lâchent plus de farios, la raison est simple et économique, elle coûte trop cher et de moins en moins de pisciculture en proposent. L’arc y a gagné sa place et les quelques pêcheurs passionnés de truites ont la possibilité de rechercher les farios dans des rivières à gestion patrimoniale. Pour tous les autres, soit 90 % des pêcheurs qui arpenteront les rivières en mars puis passeront à autre chose en avril, l’arc est la solution de gestion piscicole la plus sage.

C’est quand même relativement étonnant quand on y pense, on vénère le brochet, on porte aux nuées le bass, on idolâtre la fario, on porte au pinacle le sandre, on adore (ou presque) le silure…..Mais presque tous les pêcheurs se moquent de la truite arc en ciel et de la perche qui restent à mes yeux les meilleurs poissons de sport pour leur abondance et leur pêche accessible à tous. Pauvre arc, elle ne mérite pas ce mépris si français alors qu’elle est adulée outre atlantique.
Gardez la pêche.

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