La bonne cuillère …

Dans quelques semaines, ce sera l’ouverture (tant attendue par certains) de la truite.

Comme d’habitude, nous aurons droit à ces traditionnels et magnifiques reportages télévisuels, nous montrant (et démontrant), une fois de plus, que la valeur d’un sympathique pêcheur ne se mesure qu’au nombre d’AEC sanguinolentes entassées au fond de la musette… Mais c’est une autre histoire.

Depuis de nombreuses années, je suis adepte de la cuillère tournante en ultra léger pour la pêche de la truite en ruisseau. C’est une pratique ludique qui fait (et fera) toujours ses preuves, avec une dépense en matériel somme toute assez modeste.

Vu les endroits encombrés où je pratique, c’est un point non négligeable, car j’y laisse malheureusement quand même un peu de matériel pendu derrière les racines ou accroché dans les cailloux, surtout en début de saison, lorsque l’on n’a pas encore le droit de marcher dans l’eau.

Comment définir la qualité d’une bonne cuillère tournante pour la truite, ce leurre si commun qu’on dirait qu’il a toujours existé, avec ce principe de fonctionnement basé sur les vibrations et les flashs d’une palette en rotation ?

Mepps Aglia, la traditionnelle …

Je passe sur la couleur de la palette, qui ne semble, pour ma part, n’avoir que l’importance que l’on veut bien y donner.

Certains ne jurent que par l’Aglia à points rouges, d’autre préconisent l’argentée par temps couvert, la dorée ou cuivrée par plein soleil, et il faut absolument pouvoir proposer du noir en soirée … Ce n’est, somme toute, qu’une affaire de goût et de confiance en son matériel.

Blue fox Vibrax, Mepps XD et la fameuse Panther-Martin

C’est plutôt autour des caractéristiques techniques de la cuillère qu’il faut chercher la vérité.

Mepps long, et les Yakima Rooster Tail, un best seller aux Etats-Unis

Dans les petits ruisseaux où je pêche la truite, le leurre n’a parfois que quelques mètres pour être pêchant, et la cuillère se doit d’être immédiatement en rotation à peine l’eau touchée.

Mais pourquoi des cuillères réputées, telles l’Aglia ou la Panther-Martin, ont-elles cette faculté, alors que d’autres sont à la peine, et que l’on doit jouer de tractions sur le scion pour espérer enfin que cette maudite cuillère se mette à tourner.
Malheureusement, le temps de réussir à mettre en rotation la palette que déjà le poste où se tient la grosse truite tant convoitée est passé…

Le fonctionnement de la cuillère tournante:

Le principe semble très basique : la force d’appui de l’eau sur la palette met en rotation cette palette autour de l’axe.

Mais dans les faits, le fonctionnement d’une cuillère tournante n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît.

Deux forces semblent s’opposer : La résistance de l’eau lors de la récupération, qui voudrait plaquer la palette longitudinalement contre l’axe, et le poids de cette palette, qui tend à la faire tomber, c’est à dire à la positionner perpendiculairement et vers le bas par rapport à l’axe de la cuillère.
Tout le principe de fonctionnement est basé sur le déséquilibre perpétuel engendré par ces deux effets, et qui va finir par mettre en rotation la palette, afin de trouver un pseudo-état de stabilité dynamique.
Une bonne cuillère tournante se doit d’être peaufinée au maximum autour de cette caractéristique, car c’est son seul attrait qui la rend pêchante et attractive pour le poisson.

Malheureusement, de trop nombreuses fabrications « bas de gamme » ne soignent pas assez ce fonctionnement, ce qui rend parfois ces leurres aussi attractifs qu’un vulgaire caillou traîné sur le fond de la rivière.

Pour ma part, il y a deux paramètres vraiment importants à prendre en compte :

En premier lieu, et c’est sûrement le point primordial : La densité de la palette, c’est à dire sa masse par rapport à sa taille et son épaisseur.

1.59gr pour une palette N°2 Aglia

A peine 1.27g pour la copie, soit 1/4 du poids de différence …

Il faut jouer sur l’épaisseur de la palette et sur le type de métal employé afin de trouver le meilleur compromis. Là où les grandes marques reconnues proposent des matériaux de qualité dûment validés par des années d’expériences, la concurrence ne propose bien souvent qu’un vulgaire morceau de tôle estampée, aussi fine que du papier à cigarette.
Une palette trop légère ne se déséquilibre pas suffisamment vite pour pouvoir se mettre en rotation instantanément. Une fois sur deux, la palette reste plaquée, surtout lorsque l’on pêche “amont”, en descendant le courant.

Mepps revendique d’utiliser du laiton pour ses palettes, un métal très proche de celui utilisé pour fabriquer les instruments à vent (sic), ce qui rendrait les vibrations particulièrement attractives pour les poissons. Je ne suis pas sur que les truites soit mélomanes, mais force est de constater que cela fonctionne plutôt bien.

La Rooster Tail originale

Et la copie, plus légère de plus de 10%, … Cela fait toute la différence sur ces palettes de petites dimensions

De plus, une densité relativement élevée va donner un balourd important, qui va amplifier les vibrations de la cuillère (il n’y a qu’à vous rappeler la dernière fois que vous avez perdu un plomb d’équilibrage sur la jante avant de votre voiture pour vous en convaincre).
Et sans compter l’inertie engendrée par cette masse en mouvement circulaire, qui va permettre une rotation bien maîtrisée et régulière de la palette.

Second point important, l’appui de rotation de l’étrier:
Il se doit d’avoir le meilleur coefficient de frottement possible, afin de brider au minimum la rotation de la palette.

La meilleure solution reste pour moi une, ou mieux, deux perles en acier ou en laiton devant l’étrier.

Double perle métallique pour les Aglia

La Celta, ancienne cuillère française et sa perle en laiton, système anti vrilleur intégré dans le corps

Sur les produits (vraiment) peu cher, on ne retrouve bien trop souvent qu’une simple bille percée en matière plastique devant l’étrier, bille qui va finir par s’user et s’écrouir, freinant ainsi progressivement la rotation de la palette.
La combinaison d’une palette épaisse comme du papier à cigarette, couplée à un point de rotation mal conçu, ne vous apportera finalement que des déboires et de grands moments d’énervements au bord de l’eau, et vous fera regretter une économie aussi ridicule que pitoyable.

Aurait on idée de mettre des billes en plastique mal dégrossies dans un roulement à billes ? Et pourtant, …

 

En conclusion, vu le coût relativement modeste d’une cuillère réputée, il n’y a pas hésiter: Il vaut mieux une seule, mais bonne cuillère dans sa boite, que dix daubes à cinquante centimes, qui finiront de toute façon à la poubelle.

AB

Les commentaires sont fermés.