A chaque fois que je prends la route pour le CNPL de Clermont, je passe à proximité de Jaligny sur Besbre dans le Bourbonnais et à chaque passage j’ai une pensée pour René Fallet, cet écrivain français qui n’a plus son pareil.
Rappelez-vous juste un film : La soupe aux choux, les aventures du Glaude et du Bombé, une ode truculente à l’ amitié, à la ruralité. Eh bien ce film est tiré d’un roman de René Fallet qui en commis bien plus encore et qui nous a laissé ce petit recueil de pensées halieutiques que sont « les pieds dans l’eau ». Un petit livre dont le récit démarre à la page 11 et se termine à la page 82 soit deux à trois heures de lecture qui ne pourront que vous rendre de bonne humeur.
La façon d’écrire de Fallet est un régal pour tout amateur de beaux mots, de belles tournures, certes loin des romans actuels qu’on croirait écrits par des machines tellement ils se ressemblent. Le style Fallet est inimitable. Piquant, quelquefois méchant, drôle, truculent. Quand vous aurez refermé ce bouquin vous vous direz que vous venez de vivre un sacré putain de bon moment.
Voici quelques extraits phare de sa prose :
Vous n’avez jamais vu l’ aube, la vraie. Pas celle du premier train de banlieue. Seul le pêcheur sait le goût exact du matin, le goût du pain et celui du café de l’ aurore. Il a, seul, ces privilèges exorbitants. Né subtil, il n’en parle pas. Il garde tout cela pour lui. C’est un secret entre le poisson et lui, l’herbe et lui, l’eau et lui.
Un soleil d’ Austerlitz monte sur Jaligny ébloui par tant de gloire et de lumière. Je pêche dans une toile de Monet. Me voilà au salon de l’ été, accroché à un mur de verdure.
J’ habite tous les châteaux d’eau. j’aime toutes les pêches. Toutes les rivières. Tous les canaux. Tous les étangs. Je peux même pêcher le poisson chat, ce Frankenstein des eaux, dans une mare de ferme, lancer ma ligne entre deux canards. Je pourrais vous raconter mes très modestes histoires de pêche jusqu’à la nuit, mais c’est déjà la nuit.
…Je couche ma canne afin que mon fuyard supporte tout le poids de la soie en guise de frein. Le bas de ligne siffle mieux qu’un voyou. Mais un chevesne n’a pas la résistance physique des femmes, dont on sait qu’elles peuvent soutenir sans défaillance deux ou trois heures de scène de ménage d’ affilée.
Ces quelques extraits vous donnent une idée de la façon dont est écrit ce texte, dont Desproges à du s’inspirer plus tard pour ses sketches. Je regrette l’absence actuelle d’un écrivain de cette trempe qui serait sûrement mis de côté par l’intelligentsia parisienne. Je ne regrette qu’ une chose, c’est que « les pieds dans l’eau » soit si court.
Gardez la pêche.
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