Un bref historique du corégone:
Tout est compliqué avec ce poisson, même les scientifiques ne sont pas tous d’ accord. A priori l’ espèce que nous pêchons chez nous, sauf au Léman, est un corégone originaire du lac du Bourget, là où on l’ appelle lavaret. Dans le lac Léman ce serait une autre espèce très proche nommée féra.
Pour faire simple le corégone ou féra ou lavaret n’existait que dans les lacs du Bourget et celui du Léman auparavant, désormais on le retrouve un peu disséminé en France dans les grands lacs ou retenues. Son introduction a même été tentée par le passé à Pannecière (Morvan) mais elle a échoué.
Le corégone:
Peu de poissons en France peuvent se targuer d’ être traité de « poisson qui rend fou ». Peut être rend-il fou mais j’ai constaté au travers de mes sorties sur Chalain qu’il rendait poli, en effet la très grande majorité des pêcheurs se saluent, discutent de bateau à bateau et personne ne s’offusquera si vous passez à 10m de lui !
Corégonus lavaretus est étonnamment un poisson que certains classent dans la famille des salmonidés car il possède une nageoire adipeuse. Il ne ressemble pourtant ni à une truite, ni un saumon ou un omble. Ce poisson argenté, brillant, peut atteindre selon les scientifiques plus de 65 cm pour plus de 2 kg.
Il n’est autochtone que dans le lac Léman (féra) ou le lac du Bourget (lavaret), partout ailleurs il y a été introduit.
On le retrouve actuellement à Aiguebelette, Annecy mais aussi dans le massif central. Il a aussi été introduit dans les lacs des Vosges, à Serre Ponçon et au Salagou.
Je le pêche occasionnellement dans le Jura car j’ai la chance d’habiter le département limitrophe de la Saône et Loire. Dans le Jura on peut le pêcher au célèbre lac de Chalain, au lac du Val, au lac d’ Ilay mais aussi à Vouglans.
Pourtant j’ai des amis qui se rendent régulièrement au lac Léman afin d’attraper d’énormes féras de 60 cm.
Sa biologie
Le corégone est un poisson lacustre et de pleine eau, on ne le retrouvera pas en fleuve ou rivière. Il se nourrit de plancton et de larves et nymphes de chironomes. Il vit en banc nombreux d’individus de même taille et peut se reproduire à partir de deux ans.
Sa reproduction se déroule en décembre et début janvier, les poissons se regroupent alors sur les zones sableuses près du littoral.
Une femelle peut pondre plus de 30 000 œufs par kilos de son poids, les œufs ne mesurent que 2/3 mm. Avec une telle fécondité les corégones se reproduisent bien et leurs populations ne semblent pas en danger.
On retrouvera en début de saison les poissons près du fond puis décollés à mesure que l’ été arrivera.
Voici quelques clichés de cette bouche si particulière qui peut se déployer et qui donne cet aspect étrange à ce poisson.
Sa pêche en général :
Le comportement du corégone intrigue les pêcheurs au plus haut point, il change souvent de hauteur d’ eau, ne mord que sur des nymphes immobiles ou alors que sur des nymphes en mouvement, vertes un jour, rouge le lendemain.
Les pêcheurs qu’on rencontre s’échangent les informations sur la couleur et la taille des nymphes, le secteur et la profondeur, avec cette pêche pas de jalousie sauf dans de très rares cas.
La pêche est lente, appliquée et demande une extrême concentration et beaucoup de patience. En début de saison, soit en mars généralement, les corégones se tiennent près du fond dans des eaux devenues oxygénées après le retournement hivernal, là c’est l’immobilité du train de nymphe juste au dessus du fond qui semble le mieux fonctionner, quoique !!!!!
Plus l’ été arrive plus le corégone monte dans la couche d’eau mais plus il se nourrit aussi de zooplancton, là il faut un sondeur efficace et gamber son train de nymphes ce que veut dire le remonter très doucement en tentant d’imiter un chiro qui monte la couche d’eau pour aller se transformer en surface.
La pêche de ce poisson est étonnante, il ne se rend quasiment jamais. Piqué à 20m de fond, il pourra vous faire un rush hyper puissant puis enchaîner sur un second, un troisième. Il a la capacité de dégazer et on le voit faire lorsqu’il approche de la surface, ainsi il n’est pas gêné par une vessie natatoire trop gonflée. Entre nous, hormis les poissons marins, c’est peut être un des poissons d’ eau douce à la plus forte défense, j’ai toujours été étonné du rapport poids puissance et du tonus musculaire de ce poisson. J’ai cassé à la touche sur de jolis poissons ou durant le combat alors que je n’aurais pas cassé avec une perche du même poids, voir plus grosse.
Les gambes ou plombiers:
La ligne qui contient le train de nymphe se nomme gambe ou plombier selon l’endroit où l’on pêche. Elle est montée généralement en 16 ou 18 centièmes voir moins pour les très petites nymphes. Un plombier mesure environ 2,5m pour une ligne de 5 nymphes, soit 50 cm d’ écart entre les leurres. Les nymphes sont montées sur une petite potence de guère plus de 5 cm . Au delà de ce nombre de 5 nymphes, là où c’est autorisé, ça devient compliqué de combattre un poisson et pêcher avec autant d’ hameçons sur une simple canne de 2m, c’est pourquoi certains utilisent des rallonges de cannes pour le moment de la mise à l’épuisette.
Le principe de base est celui du drop shot mais avec des courtes potences pour donner un peu de liberté aux nymphes et les éloigner du corps de ligne, on utilisera le nœud de chirurgien en sélectionnant le bon brin, celui qui remonte….
L’idéal est de les acheter toutes faites et les monter vous même par la suite. Certains pêcheurs ont une véritable collection avec des dizaines de ces lignes prêtes à l’ emploi. La marque JMC a monté une gamme avec du matériel spécifique, de la boite à plioir à la canne pour le corégone sous la marque Vertigone.
Les autres marques, Devaux, etc…… proposent aussi des gambes. Deux détaillants en vendent aussi avec une grande qualité : L’ Aigle pêcheur (qui possède un site internet) et Morvan Pêche chez moi dont les gambes sont très recherchées par les passionnés.
Les types de nymphes:
Plus encore que les gambes c’est le sujet principal des discussions du pêcheur de corégone. On monte ces nymphes assez classiquement sur des hameçons simples courbes très communs dans le rayon mouche de votre détaillant mais aussi sur des hameçons doubles vendus par l’ Aigle Pêcheur à Vouglans.
La taille moyenne des nymphes est sur hameçons de 14 mais aussi en hameçons de 12, certains passionnés descendent sur du 16 voir du 18.
les nymphes peuvent être vernies, brutes, cerclées, à tête noire ou sans tête, à collerette ou non, l’imagination du monteur n’a quasiment aucune limite lorsqu’il s’agit d’imiter au mieux la nature.
Deux types de nymphes sont à privilégier, des fines avec une petite tête ou sans tête qui vont figurer la larve de Chironome et une plus petite mais trapue avec une tête plus grosse pour figurer le sac alaire du chiro qui s’est transformé en nymphe et qui traverse la couche d’eau pour éclore. Au niveau des coloris, les rouges, les olives et les noires sont des classiques à avoir dans sa boite.
Le matériel nécessaire:
Le matériel à mettre en œuvre est assez spécifique, quoique une canne truite très fine et UL avec son moulin équipé de tresse 6/8 centièmes conviendra bien.
La plupart des pêcheurs utilisent des cannes faites pour cela, scion hypersensible avec 2 ou 3 puissances (façon feeder), extrémité fluo pour mieux visualiser la touche et blank permettant de mater un corégone de 50 cm. Pas besoin de résonance car on voit la touche subtile au mouvement du scion.
Pour le moulinet, tambour fixe en taille 1000 ou 2500, moulinet casting (oui ça existe!!!) en taille 200 ou moulinet spécifique suisse à ratio super lent pour gamber en moulinant.
La plupart utilisent de la tresse en début de saison puis passent au nylon ensuite pour plus de discrétion. La tresse sera de bonne qualité et étanche afin de ne pas libérer de bulles dans l’eau et se faire remarquer par le corégone, idem pour les vibrations
L épuisette sera à manche long et surtout à filet en nylon pour ne pas passer des heures à dépiquer les hameçons dans la maille. Les plus utilisées sont aussi cerclées en partie basse afin de couler.
la technique classique:
On attache sa gambe au corps de ligne, on recherche les corégones au sondeur, on s’ arrête soit à l’ancrage automatique du moteur soit au poids à l’ ancienne.
On laisse descendre son montage, toucher le fond, le décoller de la vase et on attend. Si on voit au sondeur que les corégones évoluent plus haut on monte doucement son montage, tout doucement jusqu’à la bonne hauteur, d’ où l’avantage d’un bon sondeur pour être très précis. Certains utilisent des sondes chirp très précises qui permettent de distinguer le train de nymphe.
Si ça ne mord pas on gambe très très doucement….Et quelquefois on change de coin car le corégone peut ne pas être mordeur mais auparavant on essaiera plusieurs tailles et coloris de nymphes.
A la touche on ferre et le combat commence, un combat tout en puissance où le corégone peut remonter comme une flèche ou sonder en force.
La touche:
La touche de ce poisson n’est jamais la même. Quelquefois c’ est un scion qui ploie franchement et qu’on ressent dans le poignet, d’autre fois c’est un frémissement, un gratouillis, une intuition de touche tellement elle est discrète.
En mars 2017 sur une sortie j’ai eu droit au festival de touches différentes dont une qui m’a scotché. Le corégone à pris ma nymphe puis est monté, j’ai juste senti mon fil se détendre ce qui se passe régulièrement en ancrage au moteur du fait de a dérive et de la différence de profondeur sur certains postes. Pris d’un doute j’ai monté ma canne, rien, mouliné, toujours rien…J’ai donc pigé le truc et mouliné rapidement sur 10 bons mètres avant de sentir le poisson au bout.
Cathy a elle eu droit à la touche très forte du corégone, touche qui lui a presque fait sauter la canne des mains tellement elle était violente.
Le combat:
Beaucoup de pêcheur décrochent des poissons à cause d’un frein trop serré, le corégone possède une bouche dont certaines parties sont très fragiles, il convient donc de garder votre frein plutôt desserré pour ne pas abîmer la bouche et que le poisson se décroche….Le combat va certes durer plus longtemps mais vous allez vous amuser. De plus le cliquet du frein qui chante rend jaloux les copains !!!!!
Généralement on ne peut pas déterminer au début si on a affaire à un gros ou un petit, par 20m de fond les sensations sont atténuées et le poisson va vite monter. Si je dis généralement c’est que j’ai vu le contraire à de nombreuses reprises avec des poissons qui collent le fond mais la plupart du temps ils remontent assez vite. Puis vient le moment où notre corégone semble prendre conscience qu’il faut se battre, alors là c’est rushs sur rushs, quelquefois interminables avec les gros sujets…
Viendra le moment où il va dégazer et annoncer la fin imminente du match mais il a encore de la réserve et beaucoup se décrochent à l’ épuisette sur un dernier rush.
la technique au bouchon:
Une technique peu connue, venue de Suisse où elle se pratique aussi du bord car tous les pêcheurs n’ont pas la chance d’ avoir une barque.
En début de saison lorsque les corégones sont sur le fond ou a proximité, on lance une ligne plombée à l’ extrémité, avec un grammage suffisant pour bien atteindre le fond et s’y maintenir. Au dessus une classique gambe avec le nombre de nymphes autorisées puis un gros bouchon de type waggler monté en coulissant qui reposera à plat, un stop fil bloquera le coulissement.
A la touche l’inertie du bouchon pour relever sa longue hampe suffira à ferrer le poisson s’il plonge, s’il veut monter à la touche c’est le poids du plomb qui le ferrera.
Quand le corégone est à mi eau, c’est plus classique avec le bouchon debout ou couché, il suffira de régler la hauteur via un stop fil.
Gamber ou ne pas gamber ?
N’étant pas un grand spécialiste de cette pêche, je ne peux que vous livrer les conseils d’ amis qui pratiquent régulièrement. En tout début de saison soit en mars, le corégone semble préférer l’immobilité à proximité du fond tout en sachant que la gambe mesure 2,5m, vous pêcherez donc entre le fond et 2,5m. En cas de prise il sera utile de voir sur quelle nymphe le poisson a pris afin d’affiner la profondeur de tenue des poissons actifs.
Avec le réchauffement des eaux, les poissons vont être plus sensibles au mouvement lent et régulier des nymphes sur le plan vertical. C’est votre sondeur qui vous donnera la hauteur d’ évolution des poissons, à vous ensuite de vous caler.
L’idéal est de tout essayer, ligne tendue, ligne détendue, mi eau….Jusqu’à trouver.
Amusez vous bien car cette pêche est simple et ludique, le matériel pour la pratiquer n’est franchement pas cher. Si vous habitez loin, pourquoi ne pas essayer, il existe des campings à proximité des lacs cités.
Attention quand même car la plupart du temps il vous faudra une carte journalière ou spéciale pour pratiquer en bateau ou avec un train de nymphes, renseignez vous avant.
Quel est l’intérêt de cette pêche ?
Au travers ma fréquentation de nombreux pêcheurs du cru, spécialistes du sandre et via l’engouement que l’ association Morvan Carnassiers a su créer autour de ce poisson via ses sorties annuelles, j’ai constaté une corégonisation des esprits assez inexplicable. Presque tous les pêcheurs en barque du Morvan s’y sont mis et ils réussissent avec brio leurs sorties corégone.
Il faut dire que le combat avec ce poisson sur de petites lignes est hyper jouissif, que la collection de gambes se pose en parallèle de la collection de leurres et que les sorties corégones se font à partir de mars, occupant la morte saison du carnassier.
Certains ne pensent plus qu’à ça et oublient les truites et autres carnassiers pour ce poisson si étonnant qui demande une extrême concentration et une patience de moine tibétain. Perso je décroche en cours d’ après midi, comme en verticale au bout d’un moment ça m’use de focaliser mon regard sur un scion. J’aime bien cette pêche mais avec parcimonie et je ne suis pas encore prêt à passer trois jours non stop à ça.
Mais qui sait, peut être deviendrai-je aussi un jour fou de corégone ? D’autant qu’il est excellent à manger !
Gardez la pêche
Relire quelques reportages sur la pêche du corégone
Voir les gambe à nymphes Morvan Pêche
Sources :
Les poissons d’ eau douce de France, éditions Biotope
Sebastien Morin, spécialiste du corégone et patron de Morvan pêche pour ses conseils et constatations.
Tous mes amis pêcheurs de ce drôle de poisson.